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13 mai 2016 5 13 /05 /mai /2016 22:29
Invité-es, Katrin Agafia: Mc 10/35-45, la supplication d'un ami.

Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchèrent de lui et lui dirent :

Maître, nous voulons te demander quelque chose. Quoique ce soit, accorde-le nous !

Que voulez-vous ?

Accorde-nous de siéger dans ta gloire, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche.

Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je bois ? Etre engloutis dans le même baptême ?

Nous le pouvons

Très bien, dit Jésus, Vous boirez la même coupe que moi et vous serez engloutis dans le même baptême. Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder. Dieu y a déjà pourvu.

Ayant entendu cela, les dix autres s’élevèrent contre Jacques et Jean. Jésus les rappela près de lui et leur dit :

Vous savez que chez les païens, ceux qui passent pour les chefs dominent les autres et que les grands exercent leur autorité. Parmi vous, c’est le contraire : qui veut devenir grand sera votre serviteur. Qui veut être le premier parmi vous sera l’esclave de tous. Car le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir, donner sa vie et payer pour tous.

Traduction de la Bible chez Bayard

 

Vous viendriez dans mon école, vous verriez tous les jours des enfants se disputer pour être les premiers dans le rang ou me tenir la main. Rien de nouveau donc, dans ce texte d’évangile. Depuis toujours, nous louchons sur la meilleure place, comme si notre vie en dépendait. Peut-être qu’au fond, devant notre peur du vide, du néant, du nulle part, s’érige en nous un puissant désir d’exister, exister jusqu’au bout, exister pour de vrai! D’ailleurs, le fait d’occuper une place, nous donne l’impression d’exister, parfois même l’impression de briller ! Alors, je crois que cet espace occupé le temps d’une seconde ou le temps d’une vie, vient comme apaiser, combler cette peur du vide qui nous creuse tous. Jacques et Jean sont nos frères en humanité : même peur du vide, même désir fou d’exister… Et, comme nous, ils rêvent d’un siège, d’une place, d’un espace qu’ils pourraient occuper.
Pour Jésus aussi, il serait plus facile de siéger là-haut quelque part entre deux étoiles et d’y contempler l’immensité du temps ; mais voilà, Jésus a pris un autre chemin : il a préféré nous aimer et pour cela, Il a choisi de plonger. Sa mort, Il vient juste de l’annoncer. Bientôt, on lui ôtera son vêtement, et il plongera, nu, ses bras écartés désignant au loin les chemins d’un possible Ailleurs. Il plongera tout entier, car c’est pour Lui, Sa seule façon d’exister jusqu’au bout, pour de vrai .Il plongera sans rien regretter, car il le sait, son désir de Vie, « Dieu y a déjà pourvu ». C’est écrit là, dans un coin de ce psaume tant de fois chanté, tant de fois prié :
« Qu’est-ce que l’homme pour que tu te souviennes de lui ? Et le fils de l’humain pour que tu prennes garde à lui ? Tu l’as fait presque dieu, tu l’as couronné de gloire et de magnificence »[i]
Cette gloire, c’est cette part du ciel, amoureusement déposée, aux confins de notre âme, par-delà nos vides, nos néants et nos « nulle part ». Oui, cette gloire-là, Dieu y a déjà pourvu ! « Déjà » … Juste quatre lettres et au-dedans, un condensé d’Amour ! Un Amour si pressé de nous faire exister, qu’Il nous a depuis toujours, tout donné.

« Pouvez-vous boire la coupe que je bois ? Être engloutis dans le même baptême ? »On pourrait penser que la réponse de Jésus à Jacques et Jean résonne comme une invitation à Le suivre jusqu’au bout, jusqu’au don de leur vie, jusqu’au martyr… oui, peut-être…
Mais, si c’était plus que cela ! Si à cet instant d’effroi, cette part du ciel se faisait « absence » en Jésus… Si à cet instant d’effroi, la nuit avait eu raison de l’infinie Tendresse… alors la réplique de Jésus ne serait plus la réponse d’un maître à ses disciples mais la supplication d’un ami, d’un homme à ses frères : Jésus mis à nu dans Sa propre humanité. « Pouvez-vous boire la coupe que je bois ? Etre engloutis dans le même baptême ? » C’est-à-dire « êtes-vous capables de plonger avec moi jusqu’au fond de cette nuit qui m’attend ? Votre main sera-t-elle encore dans la mienne quand l’angoisse défigurera mon visage ? Serez-vous encore là lorsque je serai vidé, anéanti, perdu sur ce morceau de bois sans vie?» Avouons-le, ces questions nous débordent tous quand l’horreur s’invite au voyage. C’est ça, ou bien mourir d’asphyxie et de solitude ! D’ailleurs, bien plus que des questions, c’est un cri adressé à Jacques et Jean par Jésus… C’est notre cri à tous, souvent enfoui, inavoué, adressé à ceux que nous aimons au soir de nos vies ; comme si, à cet instant, cette part du ciel qui nous est destinée, était allée se nicher quelque part dans les mains, dans le cœur de ceux qui marchent à nos côtés. C’est un cri lancé vers Dieu, dans un ultime agenouillement au-dedans de nous-mêmes. Un cri, mendiant d’une présence.

Alors, Jacques et Jean ont-ils vraiment compris à quel point vivre et plonger étaient deux mots de la même lignée? Je ne sais pas. Par contre, ce qui est sûr c’est que leur réponse (« Nous le pouvons ») contenait des trésors d’amitié dans lesquels Jésus a dû puiser pour continuer d’avancer ; des trésors d’amitié qui L’ont poussé à rappeler Ses disciples « près de Lui »… si près de Lui qu’ils n’avaient plus besoin de s’assoir à telle ou telle place pour se sentir exister. Non ! Seule comptait, à cet instant précis, la densité de leurs existences partagées. Et l’expérience de cette extrême Présence valait toutes les premières places du monde. Combien alors, on comprend Jésus, qui nous invite à renoncer à ces places d’honneur ; des places d’honneur qui ne sont qu’illusion, devant la force de notre désir d’exister! Aussi grandes soient-elles, elles seront toujours trop petites pour abriter cette part du ciel qui nous est confiée.
Alors si par hasard, comme Jacques et Jean, vous rêvez de gloire, une gloire capable de vous faire exister et que vous vous mettez à la chercher, ne soyez pas étonnés de ne pas la trouver, là où vous pensiez. Non, pour la trouver, il vous faudra plonger car elle s’est assise tout au fond, à la dernière place, quelque part entre le mot servir et le mot aimer…ça a toujours été sa place préférée !

Katrin Agafia

 

[i] Psaume 8, verset 5 et 6

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