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26 juin 2019 3 26 /06 /juin /2019 19:05
A quelles conditions une communauté religieuse est-elle vivante et donne-t-elle de la vie ?

Vivante si elle est fondée sur un projet

Une personne, un groupe sans projet est quelque chose à moitié mort.

Projet dit dynamisme, élan. Un projet suscite initiative, goût d’entreprendre. Le projet ici est que l’Evangile soit de plus en plus parole qui transforme la vie. Projet dit ce qui mobilise tout l’être, lui donne sens à la vie, l’oriente.

Vivante si fondée sur une recherche

Le projet ne suffirait pas en lui-même pour susciter la vie si c’est un projet de répétition. Il y faut d’abord se situer dans une dynamique de recherche. Ne plus chercher, c’est mourir.

Chercher d’abord pour soi et il y va de la responsabilité de chacune de faire de sa vie une recherche jamais lassée de Dieu en se donnant les moyens pour cela. La recherche de Dieu se nourrit de contemplation, d’études, d’actions. Aider à chercher et trouver Dieu vivant et qui fait vivre et se libérer des fausses images de Dieu qui aliènent et empêchent de vivre à plein.

Vivante si fondée sur la foi en Dieu qui libère

Nous savons le lien fort qu’il y a entre anthropologie et théologie : « Dis-moi quel est ton Dieu et je te dirai qui tu es ». Devenir plus vivante, susciter la vie autour de soi est lié à une certaine expérience de Dieu. Il y a des images de Dieu qui aliènent et d’autres qui libèrent.

1-Volonté de Dieu comme appel à vivre

Chercher à vivre de Dieu qui libère et chercher à ouvrir pour les autres des chemins de liberté. Un des points de libération concerne la conception qu’on se fait de la volonté de Dieu. Si on se fait l’idée que Dieu a une volonté préétablie, extérieure à nous-même, qu’il faudrait deviner à travers des signes, auquel il faudrait se conformer, que Dieu aurait écrit à l’avance dans un grand livre, ce n’est pas un chemin de vie, c’est une forme d’emprisonnement spirituel, source d’inquiétude, car comment la découvrir ? Essayer de vivre (et de le proposer à d’autres) Dieu qui ne veut qu’une seule et unique chose : que nous soyons des vivant-es, que nous fassions des choix qui favorisent la vie et que nous choisissions selon le désir du cœur. Essayer de libérer le désir le plus profond, intérieur à nous-même.

C’est donc une pédagogie de la responsabilité. Il s’agir d’inventer sa vie. Ce n’est pas un chemin facile, certains préfèrent les certitudes. Il faut choisir entre ce qui rassure mais fige ou ce qui aventure mais ouvre un espace pour vivre à plein.

 

2- Amour inconditionnel et accueil positif de soi

Proposer l’expérience d’un amour inconditionnel de Dieu qui libère peu à peu de la sévérité envers soi-même et envers les autres, de la mauvaise culpabilité.

C’est une pédagogie de la valeur de soi et des autres, de l’accueil de soi et des autres comme capables de bonté, de vérité, de justice car créés à l’image de Dieu. Une vision positive de l’humain.

Communauté vivante si l’expérience de Dieu qui est proposée à vivre est celle de Dieu définitivement pour nous, libérée des images aliénantes de Dieu : gendarme, punissant, manipulateur etc.

 

3- Vivante si fondée sur l’égale dignité des personnes

Le mépris, la valence différentielle entre les gens, ne favorisent pas la vie, au contraire elles sont sources de mort. Favoriser une communauté où chacun a sa place et où les différences légitimes et réelles sont des richesses valorisées, permet le dynamisme de la vie.

Cela veut dire que chacun a valeur quel que soit son âge, sa capacité de travail, ses compétences.

 

Vivantes si communauté alternative

Ce concept de communauté alternative, je l’ai trouvé chez une théologienne américaine, Sandra M. Schneiders[1].

Elle montre en quoi les communautés religieuses portent en elles une utopie d’un autre type de rapports humains, un monde alternatif dans la société mais aussi dans l’Eglise, une certaine manière de comprendre, de s’organiser, d’agir vis à vis des données fondamentales de l’existence humaine que sont le rapport aux biens, le pouvoir et la sexualité.

Oser vivre dès maintenant un autre type de rapport au monde, à l’opposé de l’exploitation sexuelle, de la domination politique, et de l’oppression économique.

C’est dès maintenant prouver que d’autres chemins d’un vivre ensemble sont possibles.

Être communauté vivante c’est donc aussi ouvrir une espérance.

Ce concept de communauté alternative induit que quelque chose de notre monde est à contester, transformer, qu’un monde différent est à construire.

Elle le présente comme un monde de pardon, de dignité, d’égalité pour toutes et tous.

La vie religieuse, si elle est fidèle à sa vocation, est moteur de transformation.

A/ Par une économie de don

A partir de l’opposition entre économie de commodité et économie de don développé par Lewis Hyde[2], Sandra M. Schneiders montre que les communautés de religieuses et de religieux vivent une économie de don. Leurs membres la créent et la vivent car il y a mise en commun des biens et remise de ces biens selon les besoins et non sur d’autres critères comme par exemple le type de travail, l’âge, les capacités : un membre en formation, un religieux grabataire ou en pleine activité auront ce qui est nécessaire pour vivre, en fonction de cela et non par égard à la charge de travail. Ce rapport aux biens s’appuie sur la parabole de Mt 20/1-16 : chacun reçoit ce qui lui revient, une journée de salaire, c’est à dire ce dont une personne a besoin pour vivre.  Vivre cela dans le système économique dominant, c’est déjà créer un système alternatif, le droit à la vie et aux ressources nécessaires pour l’entretenir ne découlent pas d’un travail plus ou moins important ou valorisé selon une hiérarchie contestable. Tous et toutes doivent recevoir ce qui est nécessaire à la vie. La vie religieuse, si elle vraiment vécue, est vie communautaire d’amitié évangélique entre personnes égales.

B/ Par une organisation évangélique non-hiérarchique

La vie religieuse est une société composée d’adultes égaux et libres qui choisissent de se regrouper non pour eux-mêmes mais par amour du Christ et désir de vivre l’Evangile de manière particulière. Cela établit une parenté non de sang mais de foi. Le fait de s ‘appeler frère, sœur dit bien ce caractère égalitaire et non hiérarchique. Il n’y a pas de gouvernés et de gouvernants mais une responsabilité pour tous, et où toute responsabilité est un service.

(Selon l’impératif de Jésus en Mt 20/26 et Mc 10/43.)

De soi, quand la vie religieuse vit cela, et si elle vit cela, ( et ce n’est malheureusement pas le cas partout) elle crée un monde alternatif de structures de pouvoir. Elle dit qu’une communauté non hiérarchique est de l’ordre du possible. Elle le dit à la société et à l’Eglise.

 

Il est bien évident que le côté alternatif présenté ici n’est pas un monopole de la vie religieuse. C’est une exigence de tout chrétien, de toute chrétienne qui s’alimente vraiment à la source évangélique. C’est aussi chemin de vie pour toute femme, tout homme.

 

 

[1] S.M SCHNEIDERS,  « La vie religieuse dans l’avenir », Congrès international de la vie consacré, Rome nov.2004, Passion pour le Christ, passion pour l’humanité, Editions Bayard, 2005

[2] L. HYDE, The gift : Imagination and  the Erotic Life of Property, NY, Randon House, 1983

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commentaires

Y
Une théologie bien naïf , pour cité Nietzsche "Vivre, c’est essentiellement dépouiller, blesser, violenter le faible et l’étranger, l’opprimer, lui imposer durement ses formes propres, l’assimiler, ou tout au moins l’exploiter. "
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