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3 juin 2012 7 03 /06 /juin /2012 15:28

Après avoir fait dans les articles déjà mis en ligne sur ce blog ( Mulieris Dignitatem de 1 à 8)  une analyse précise de cette encyclique, vient maintenant le temps de la synthèse. Quelle est les prises de positions anthropologiques de ce texte ?

        

Une anthropologie du féminin lié à la sexualité

Le magistère romain a cru bon d’écrire une lettre encyclique sur la femme qui a pour titre Mulieris dignitatem. Mais il n’existe pas jusqu’à présent un document similaire qui aurait pour titre Viri dignitatem. Pourquoi ? Parce que dans cette pensée, ce qui serait dit du viri, ne pourrait être que l’équivalent de l’homo. Un texte sur mulier, devant l’absence d’un texte sur vir, dit, de fait, que le masculin serait générique de l’humain, sans particularité  et que seul le féminin en comporterait, l’incluant dans l’humain tout en le mettant à part. Viri dignitatem définirait-il l’homme comme époux, père et vierge ? Non, car pour cette pensée, la sponsalité, la paternité, le célibat n’ont pas le même poids identitaire chez l’homme que chez la femme. Son identité n’est pas d’être époux d’une femme, père d’enfants, et encore moins époux du Christ dans le célibat consacré. Son identité ne se limiterait pas à cela alors que Mulieris dignitatem le fait pour la femme. Il y a donc asymétrie. Le principe de cette asymétrie est que le féminin est lié au sexuel et toujours référé au masculin. Il y a donc dans le texte même de l’encyclique  une contradiction entre l’affirmation, de la femme voulue  pour elle-même et la réduction de sa vocation à une relation d’épouse pour un mari, de mère pour des enfants (du mari ) ou d’épouse consacrée pour le Christ.

De ce fait, y-a-t il  vraiment dépassement de la raison instrumentale de la création du féminin que nous avions rencontré chez Thomas ? Si la raison du féminin et sa vocation essentielle, est d’être épouse pour un époux, en vue d’être mère, est-elle vraiment voulue pour elle-même ? N’est-elle pas voulue pour l’homme (vir) ? La lettre encyclique répète souvent que la femme a été voulue pour elle-même et pourtant ce qui est dit de sa dignité et de sa vocation est d’emblée située pour d’autres. Epouse donc femme pour un mari. Mère, donc femme pour des enfants. Ceci est renforcé par  les chapitres 1 à 3 de la Genèse interprétés dans un contexte conjugal. Tout en ne citant pas Thomas qui s’interrogeant sur la pertinence de la création de la femme, (y répondait entre autres par la nécessité de la procréation), la lettre encyclique continue de mettre l’essence de sa vocation dans la maternité.

 

Une anthropologie du féminin dans une posture uniquement de réceptivité

Le Christ est l’époux, l’Eglise est l’épouse. La position d’épouse serait la vérité sur la femme. L’époux serait celui qui aime. L’épouse serait celle qui est  aimée et qui reçoit l’amour pour aimer à son tour.  Il s’agirait d’un universel fondé sur le fait d’être femme. La femme aurait reçu mission d’être prophète de cette attitude de réceptivité de l‘amour, « être aimé »,  qui, dans la Vierge Marie trouverait son expression la plus haute.

 

1-Une vocation qui en empêche une autre

Cette vocation de la femme se résumerait à être épouse et mère dans le mariage : lié à un époux humain pour une maternité d’enfants. Ou à être épouse et mère dans la virginité : liée au Christ époux pour une maternité spirituelle. Cette vocation, propre à la femme serait un empêchement dirimant à une autre vocation, celle du ministère presbytéral qui a charge d’enseigner, de sanctifier, de gouverner les fidèles.

Ceci parce que cette vocation ne serait pas conforme à la nature de la femme, incompatible avec celle-ci. Cette incompatibilité viendrait de Dieu même qui aurait déterminé dans un plan éternel, ce qui serait la vocation de l’un et de l’autre.  Cela n’aurait donc pas d’autre justification que son origine divine ( de potestate Dei absoluta). Ce qui voudrait dire, que dans le plan de Dieu, la femme n’aurait pas vocation a enseigner, sanctifier, gouverner.

Cette impossibilité d’être en posture de gouvernement, de sanctification et d’enseignement viendrait de sa vocation qui est d’être accueil d’un don et non en posture d’initiative.

 

Ce côté dirimant de la sponsalité et de la maternité du côté féminin, n’est pas symétrique du côté masculin. Bien au contraire puisque la paternité spirituelle est considérée comme belle figure du prêtre dans l’Eglise catholique latine, et le fait d’être époux et père dans les Eglises catholiques orientales n’empêchent pas l’accès au presbytérat.

 

2-Marie réceptrice du don, figure de la femme.

Ce choix peut être interrogé de manières diverses.

D’abord, c’est d’emblée donner aux femmes la maternité comme vocation par excellence du fait de la maternité de Marie.

Ensuite, comme cette maternité est due à l’initiative divine, cela induit une dimension passive de Marie comme figure des femmes. Cela les met du côté de la réceptivité d’une action dont elles n’ont pas l’initiative.

Ceci est légitime pour l’attitude de foi comme accueil par le croyant d’une grâce qui lui vient de Dieu. Mais cela ne l’est pas pour en faire le paradigme du féminin.

Dans cette perspective, il a une convenance d’un sauveur masculin, qui lui, représenterait, parce que masculin, la dimension de l’initiative. Dans la logique de cette pensée il y a une cohérence entre masculinité du Christ et masculinité du prêtre parce que la masculinité est pensée, par essence, comme  activité et initiative.

Mais cela n’est pas recevable dans une anthropologie qui reconnait aux femmes une identique posture d’initiative.

 

Une anthropologie anhistorique

La lettre encyclique commençait en voulant tenir compte des signes de temps.  Mais à la fin de la lettre, il est bien précisé que face aux changements, il faut revenir aux fondements qui se trouveraient dans le Christ, aux vérités et aux valeurs immuables dont le Christ serait le témoin et qui seraient conforme au plan de Dieu qui aurait créé l’homme et la femme pour des vocations différentes. Ces vocations seraient inscrites dans le corps et pour la femme dans son corps fait pour la maternité.

Comme pour d’autres encycliques ayant pour thème la sexualité, le biologique (Par exemple Humanae Vitae qui ne déclare morale que la régulation des naissances qui obéit au processus naturel.) est une donnée normative, donc statique. Il y aurait un ordre de la nature qui est destin de maternité pour la femme. Cela pouvait se comprendre dans les situations historiques passés où l’espérance de vie ne dépassait guère 40 ans, où la multiplication des naissances se justifiait par une très grande mortalité.

Cela n’est plus la réalité pour une part importante de femmes dans le monde d’aujourd’hui. L’horizon vocationnel des femmes en France par exemple ne se réduit pas à être épouse et mère. Même si de grands progrès restent encore à réaliser dans de nombreux pays du monde, le  changement de mentalité, le progrès technique ont permis  un plus équitable partage des taches domestiques et d’éducation des enfants, l’investissement dans le travail professionnel, l’accession (en pratique, non sans difficultés et  sinon en théorie)  à tous les postes de responsabilités dans la société civile. La créativité des femmes n’est maintenant plus limitée à la seule maternité, elle peut ( malgré d’énorme progrès encore à réaliser dans de nombreux pays) s’épanouir dans tous les domaines du politique, de l’économique, du social, du culturel…Tous ces domaines demandent autant de qualités d’initiative que de réceptivité, ils ne se vivent pas selon le schéma de la lettre encyclique fondé sur un don au masculin et l’accueil du don au féminin (Initiative masculine et réceptivité féminine) mais selon une réciprocité où chacun donne et reçoit sans prééminence.

La réceptivité féminine ne serait alors signifiante que pour la symbolique ecclésiale ? Pourquoi  y aurait-il posture d’initiative dans ce qui est de l’ordre humain et uniquement posture de réceptivité dans le domaine ecclésial ? Il y a là contradiction. D’autant plus, que même dans la réalité de la vie de l’Eglise, de plus en plus nombreuses sont des femmes en posture d’initiative, et même assumant des « munera » d’enseignement, de sanctification et de gouvernement.

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