Un livre qui ouvre à l'intelligence de cet évangile, sans technicité inutile mais dans une profondeur théologique et spirituelle superbe.
Jésus selon Matthieu, héritages et rupture, chez Artège Lethielleux, 2017
Voici un extrait à la page 169 à 171
Commentaire de Mt 9/9-13
"En partageant son repas dans la maison du collecteur d’impôts, Jésus bouscule les règles établies. Jésus est Seigneur : c’est lui qui devrait inviter à sa table.
Or il descend chez l’autre.
Cet autre fait partie des catégories méprisées… : par sa fonction il est soupçonné de corruption et de compromission avec le pouvoir.
En dinant chez lui, Jésus se dépouille de sa propre condition et épouse celle de son hôte.
Il fait fi des règles élémentaires des distinctions morales et sociales puisque à ce repas couché, participent de nombreuses personnes non fréquentables.
C’est un repas subversif, signe de la subversion générale que propose Jésus :
Toujours il refusera de tenir compte, non seulement des
-positions sociales ( riche/pauvre)
-nationales ( Juifs/païens)
-sexuelles (homme/femme)
-religieuses ( sacré/profane)
mais même, ce qui est beaucoup plus difficile à concevoir, des limites morales : or il n’est guère de société où cette dernière opposition ( bien/mal) ne soit opératoire.
Jésus mange et boit non seulement avec des gens du peuple, des étrangers, mais avec des personnes considérées comme corrompues, tel ce publicain…
Ce partage inconditionnel autour de la table suppose une transformation radicale du regard porté sur l’humanité…
Jésus reconnait en chacun, quelqu’il soit, et fut-il corrompu, la capacité de recevoir le Seigneur chez lui.
Le Royaume est là…
Le publicain ne reçoit aucune leçon de morale, aucune injonction à se convertir.
Jésus ne demande pas de rituel de purification, de démarche de repentir : la rencontre avec l’homme est immédiate.
Toutes les religions exigent des gestes codifiés avant de côtoyer le sacré.
Jésus n’impose aucun préalable initiatique :
C’est parce qu’il est là qu’on est pur.
C’est la relation qu’on entretient avec lui qui change le cœur…
Jésus inaugure l’ère du banquet de communion, du partage intégral de la vie de Dieu, et le premier invité est un publicain, un homme corrompu.
Etre disciple, c’est être invité à partager, sans condition, sans rituel, sans réticence, la nature divine de Jésus, c’est-à-dire sa puissance de miséricorde et de renoncement à la violence."