Ce que j’ai appris de, et avec, Sainte Thérèse Couderc, la 1ère sœur du Cénacle
J’avais une vingtaine d’années quand je suis venue à Lalouvesc pour la 1ère fois, j’ai vu le corps de Sainte Thérèse Couderc dans la châsse et …. je m’en souviens à peine ! La rencontre ne s’était pas faite. Par contre, j’ai gardé dans ma mémoire le visage de la photo qui m’avait été donnée : un regard profond, un sourire très doux, et des rides, beaucoup de rides !
Peu de temps après, je suis allée au Mas de Sablières, la maison natale de Thérèse, dans le sud de l’Ardèche, et là, je l’ai rencontrée, vraiment ! Là, elle m’a parlé, de ce que ses yeux ont vu, de ce qui a enchanté ses oreilles et son cœur, de chacune de ses rides, une histoire de joies, de peines, de combats, une vie toute livrée à la conduite de l’Esprit-Saint, une vie, belle, simple, pleine, à la suite du Christ, toute donnée à Le faire connaître et aimer.
Au Mas de Sablières, j’ai d’emblée été proche de Thérèse, il est si facile d’imaginer la petite fille qui a grandi là, apprenant à faire des liens entre sa vie et sa foi, contemplant la montagne embrasée de soleil couchant, les genêts ou la bruyère en fleurs, l’éloignement de tout et la vie simple et partagée en famille et avec le voisinage, le rythme lent des saisons, le long chemin à pied et à jeun pour se rendre à la messe, le chant de la source, la répétition des jours, l’élan des papillons, la prière régulière, la rudesse du climat… Un Dieu bon qui se révèle dans l’ordinaire des jours, dans un quotidien facile ou difficile à accueillir, dans la foi et le consentement paisible et courageux au réel.
« Je voyais écrit ce mot bonté, comme en lettres d’or, sur toutes les créatures animées et inanimées, raisonnables ou non, toutes portaient ce nom de bonté, je le voyais même sur la chaise qui me servait de prie-Dieu !... Dieu est bon, il est plus que bon, il est la Bonté, je ne veux pas l’oublier ! … » Ste Thérèse Couderc, 10 août 1866.
C’est pourtant bien d’abord à Lalouvesc que Thérèse apprend et devient la 1ère sœur du Cénacle. C’est aussi à Lalouvesc, pendant mon postulat et mon noviciat, que j’ai appris à la connaître et à faire, comme elle et à sa suite, mes 1ers pas de sœur du Cénacle. En lisant sa correspondance, des lettres écrites aux sœurs de la congrégation, à sa famille, aux pères jésuites, elle m’a donné, peu à peu, à voir, à comprendre, à désirer vivre ce qu’elle-même a vécu :
ce goût pour la vie, la vie toute simple d’attention à l’autre, de service (elle parle beaucoup de ses sœurs, des novices, des santés, des soucis, des humeurs, avec réalisme et affection),
ce goût pour Dieu, cette reconnaissance pour le Christ Sauveur, cette volonté de se laisser conduire par l’Esprit-Saint « se livrer à notre bon Dieu… ne plus s’occuper du moi que pour le tenir toujours tourné vers Dieu … Cœur de Jésus, occupez mon cœur ! » Ste Thérèse Couderc, 26 juin 1864,
ce goût pour l’accueil des personnes, surtout les plus simples, les accueillir telles qu’elles sont dans leur cheminement spirituel mais aussi dans leur croissance humaine et tout faire pour qu’elles se sentent à l’aise (parfois, les sœurs donneront leurs lits pour que les retraitantes en aient un ! la gestion et l’organisation matérielles d’une grande maison d’accueil n’était pas plus facile qu’aujourd’hui avec les inscriptions et les désinscriptions qui se succèdent !),
ce goût pour l’Eglise dans le respect des responsabilités et cet amour sans faille pour cette petite congrégation naissante ( la douloureuse séparation d’avec les sœurs des écoles, les relations fécondes mais parfois difficiles avec l’évêque, le diocèse, les pères jésuites, l’obéissance respectueuse, confiante, parlée avec lucidité et réalisme envers ses supérieures, un combat pour cette femme à la personnalité forte).
Quand je suis revenue à Lalouvesc en 2001, appelée par mes supérieures à être supérieure de la communauté et directrice de ce centre spirituel, c’est bien de Thérèse que j’ai entendu un « prends soin de ma maison ». Avec ce double héritage, mais une même et unique passion : Dieu et les autres. Dieu à accueillir dans l’écoute de la Parole, la prière personnelle et communautaire, la vie sacramentelle, le Christ à aimer, à faire connaître et aimer (« mon Dieu et mon tout ! »). Les autres, tous les autres, les sœurs de la communauté, ceux qui viennent chez nous et ceux que nous allons rejoindre, ce monde tel qu’il est, à accueillir, à accompagner, à encourager (« mon cœur est grand comme le monde »). Avec Marie, Notre Dame du Cénacle, comme compagne de route, elle qui passait et repassait tous ces événements et les méditait en son cœur, elle à qui Thérèse, le 15 août 1837, avait remis toute la congrégation, toutes les sœurs et tous les retraitants de tous les temps !
Pour conclure, ai-je besoin de dire, que je l’aime cette femme, cette sainte du quotidien, Sainte Thérèse Couderc : elle est mon amie, ma sœur, une lumière pour ma route, elle qui a pu dire à la fin de sa vie :
« Je recommencerais volontiers ma route, j’ai si bien trouvé Dieu ! »
Sr Marie-Paule Peyronnaud, Cénacle de Versailles