La voix
Mais qu’est-ce qui est entendu ?
La voix ; d’abord la voix.
Avant toute parole qui dit ceci ou cela, ou plutôt en telle parole ou telle autre, cette voix qui dit la seule chose à entendre et qui peut prendre tant de formes :
tu es mon fils, tu es ma fille ;
tu resurgis d’entre les morts ;
le pire en bas peut-être chemin ;
tu as place éternellement ;
en toi demeure cet insaisissable don que rien ni personne ne détruira, pas même toi ;
vivre est possible ;
tu es aimé ;
tu peux aimer ;
le désir du désir de vivre et d’aimer suffit déjà ;
te voici parmi les vivants ;
tu es grand à la mesure de ta bassesse , ton humiliation, ta douleur ;
tu reviens de si loin, à toi le grand chemin, à toi la vérité encore inconnue ;
vois ce qui t’est possible et fais-le : aujourd’hui commence ton commencement ;
jamais trop tard, jamais trop peu ;
il n’y a pas d’homme condamné.
Une parole de ce genre et peut-être sans mot :
un chant ;
le bruit léger de la bris légère qu’entendait Elie sur la montagne ;
la lumière d’un matin ;
la musique ;
le visage aimé ;
un mot, deux mots, de l’Evangile ou d’ailleurs, de n’importe où, d’un passant, d’un livre médiocre.
Un trait de lumière perce la ténèbre.
Ce peut être fulgurant, ce jour-là, cette heure-là, la date à jamais sacrée ;
ou
diffus, même pas vue, travaillant ce que nous nommons l’inconscient.
M.BELLET, la chose la plus étrange, DDB 1999, page 79