Il y a 3 ans, j’ai publié un livre aux Editions BOD. C’est une version abrégée de mon mémoire de maitrise en théologie que j’ai soutenu au Centre Sèvres, facultés jésuites de Paris.
Dans ce livre j’ai voulu décrypter le discours sur les femmes d’une encyclique de Jean-Paul II et en quoi ce discours continue d’être discriminatoire pour les femmes.
Je vais le mettre sur mon blog en plusieurs partie. Une manière de vous le partager mais aussi de le faire connaitre et donner envie de l’acheter !
https://www.bod.fr/librairie/masculin-feminin-ou-en-sommes-nouso-michele-jeunet-9782322077274
Voici le premier envoi : masculin-féminin 1
Introduction
S'il est un bouleversement majeur intervenu depuis un siècle, en particulier en Occident, c'est bien celui des relations entre femmes et hommes. Ce bouleversement peut se décrire comme l'émancipation d'une tutelle, le domaine juridique en France en constitue une bonne illustration :
Il faut attendre 1938 pour que soit supprimée la puissance maritale et abrogée l'incapacité civile des femmes ; attendre 1965 pour qu’une femme mariée ne soit plus considérée comme mineure ; 1966 pour qu'elle puisse exercer un métier sans avoir besoin de l'autorisation de son mari ; attendre 1970 pour que la puissance paternelle soit remplacée par l'autorité parentale et que soit supprimée, dans le couple, la notion de chef de famille.[1]
Ces mesures ont contribué, en partie seulement et peu à peu, en France, à sortir d’un système qui a prévalu pendant des siècles et qu’on a coutume de nommer patriarcal.
Cependant cette émancipation et cette sortie du patriarcat sont loin d'être gagnées dans toutes les parties du monde où des femmes continuent de subir violences et injustices, d'abord comme tout être humain, mais de manière spécifique, en tant que femmes[2]. Et loin, encore, d'être acquises dans tous les domaines, il suffit de citer parmi d'autres aspects, en France, la différence de rémunération, l’inégale répartition du travail domestique dans les familles, les violences conjugales dont les femmes sont majoritairement les victimes.
Une des questions débattues est d'évaluer la part positive du christianisme dans cette émancipation mais aussi sa part de responsabilité dans la légitimation et le maintien de ce patriarcat au cours de l'histoire.
Ces questions dépassent largement la sphère chrétienne et religieuse[3], mais une certaine manière de traduire et d’interpréter les textes bibliques a légitimé une situation de fait, ceci avec d’autant plus de force qu'elle se réclamait de l’autorité même de Dieu.
De ce point de vue, mon livre se veut une contribution à un travail de mémoire, en vue de continuer à se libérer de pratiques discriminantes. Ceci explique pourquoi on y trouvera des citations importantes de textes de la sphère chrétienne qui ont façonné des mentalités et ont justifié des fonctionnements.
Ils permettront de mieux saisir le regret que Jean-Paul II exprimait lui-même dans sa lettre aux femmes en juin 1995 :
« Il ne serait certes pas facile de déterminer des responsabilités précises, étant donné le poids des sédimentations culturelles, qui au cours des siècles ont formé les mentalités et les institutions. Mais si, dans ce domaine, on ne peut nier, surtout dans certains contextes historiques, la responsabilité objective de nombreux fils de l’Eglise, je le regrette sincèrement. »[4]
Sans méconnaître l’apport positif [5] du christianisme, la préoccupation qui est la mienne est de comprendre en quoi certaines traductions et interprétations de la Bible ont pu contribuer, légitimer et donc renforcer le maintien d'une situation inégalitaire. Et comment, aujourd’hui, le discours du magistère romain peut-il aider à cette émancipation ou continuer à la freiner.
La pensée de la différence homme-femme peut être abordée sous des angles divers, par exemple psychologique, sociologique. J’ai choisi de me limiter à une lettre encyclique, à certains textes bibliques et à leurs interprétations à cause de l’impact qu’ils ont pu avoir et ont encore sur les mentalités et sur les décisions institutionnelles et à cause de l’importance qu’il y a à les interpréter différemment pour ouvrir un avenir meilleur pour les femmes et pour les hommes. La lettre encyclique Mulieris dignitatem m’a paru, de ce point de vue, être un bon lieu pour y déceler à la fois ce qui va dans le sens de l’avenir mais aussi de ce qui reste d’un passé qui fige dans un stéréotype.
[1] M. FERRAND, Féminin Masculin, Paris, Ed. La Découverte, 2004, collection repères n°389, page 120-122.
[2] « L’égalité sociale, politique et économique des femmes fait partie intégrante de la réalisation de l’ensemble des objectifs du Millénaire pour le développement. Tant que les femmes et les filles ne sont pas libérées de la pauvreté et de l’injustice, tous nos objectifs – la paix, la sécurité, le développement durable – seront en péril ».
Déclaration du Secrétaire général Ban Ki-moon, le 28 juin 2010, qui introduit le rapport de l’ONU : La justice pour les femmes, la clé pour atteindre les objectifs du millénaire pour le développement. UNIFEM (Fonds de développement des Nations-Unies pour la femme) Sur internet : www.unifem.org/pdfs/MDGBrief-Fra.pdf
[3] F.HERITIER, Masculin Féminin, II, dissoudre la hiérarchie, Paris, Ed. Odile Jacob, 2002.
[4] JEAN-PAUL II, Lettre aux femmes, 29 juin 1995.
[5] A.M. PELLETIER, Le christianisme et les femmes, 20 siècles d’histoire, Paris, Cerf, 2001.