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23 février 2020 7 23 /02 /février /2020 16:44
Masculin-Féminin 4

Masculin-Féminin 4

Il y a 3 ans, j’ai publié un livre aux Editions BOD.  C’est une version abrégée de mon mémoire de maitrise en théologie que j’ai soutenu au Centre Sèvres, facultés jésuites de Paris.

Dans ce livre j’ai voulu décrypter le discours sur les femmes d’une encyclique de Jean-Paul II et en quoi ce discours continue d’être discriminatoire pour les femmes.

Je vais le mettre sur mon blog en plusieurs partie. Une manière de vous le partager mais aussi de le faire connaitre et donner envie de l’acheter !

https://www.bod.fr/librairie/masculin-feminin-ou-en-sommes-nouso-michele-jeunet-9782322077274

Voici le quatrième envoi : masculin-féminin 4

Suite et fin du chapitre 1 le lourd passif d’un discours avant Vatican II

Après les textes législatifs anciens, St Augustin, St Thomas d’Aquin, voici des extraits d’encyclique du 20ème siècle.

 

La soumission de l’épouse à son mari

Cette soumission qu’on peut lire dans l’épitre aux Ephésiens, chapitre 5 verset 21 à 33, a été longtemps la seule première lecture possible pour la célébration du mariage et interprétée comme un plan divin comportant la soumission de l’épouse. Une encyclique datant de 1930, continue de présenter cela comme le plan divin sur le couple. Voilà ce qu’on pouvait trouver dans un texte du pape Pie XI, Casti connubii. C’est une bonne illustration de la doctrine classique qui a prévalu jusqu'au Concile Vatican II.

…La société domestique ayant été bien affermie par le lien de cette charité, il est nécessaire d'y faire fleurir ce que saint Augustin appelle l'ordre de l'amour. Cet ordre implique et la primauté du mari sur sa femme et ses enfants, et la soumission empressée de la femme ainsi que son obéissance spontanée, ce que l'Apôtre recommande en ces termes : Que les femmes soient soumises à leurs maris comme au Seigneur; parce que l'homme est le chef de la femme comme le Christ est le Chef de l'Eglise.  [1]

 

Dans la suite de ce texte, on trouve un essai pour atténuer ce caractère subordonné. L'auteur précise que cela n'abolit pas la liberté de la femme en tant personne humaine et sa dignité d'épouse, de mère et de compagne, qu'elle n'a pas à obéir à des désirs du mari qui seraient contraires à sa dignité; la situation qui est la sienne n'est pas celle d'une mineure ; son rôle dans le couple est d'être le cœur parce qu’elle possède la primauté du cœur ; la soumission de la femme à son mari peut varier selon les situations, jusqu'à suppléer le mari dans la direction de la famille si celui-ci manque à son devoir.

Ces corrections sont l'écho du malaise qui déjà se fait sentir et qui va rendre ce type de discours inaudible, à mesure que le thème de « la libération de la femme par rapport à toute forme d’injustice et de domination »[2] va de plus en plus se concrétiser.

Elles n'abolissent pas toutefois la primauté du mari qui est la tête et, de ce fait, la primauté de gouvernement et le caractère divin de cette loi :

Pour ce qui regarde la structure même de la famille et sa loi fondamentale établie et fixée par Dieu, il n'est jamais, ni nulle part, permis de les bouleverser ou d'y porter atteinte.[3]

 

En 1880, une autre encyclique avait abordé le même thème :

L'homme est le prince de la famille et le chef de la femme; celle-ci, toutefois, parce qu'elle est, par rapport à lui, la chair de sa chair et l'os de ses os, sera soumise, elle obéira à son mari, non point à la façon d'une servante, mais comme une associée ; et ainsi, son obéissance ne manquera ni de beauté ni de dignité. Dans celui qui commande et dans celle qui obéit - parce que le premier reproduit l'image du Christ, et la seconde l'image de l'Eglise, - la charité divine ne devra jamais cesser d'être la régulatrice de leur devoir respectif. [4]

 

Voilà donc des éléments du dossier parmi bien d’autres. Il est lourd. Il a permis de justifier la place infériorisée des femmes dans la société et dans l’Eglise catholique romaine. Cette pensée ne faisait que se calquer sur la culture patriarcale dominante. Mais elle y ajoutait des arguments religieux qui lui donnaient le poids d’une loi fondamentale établie et fixée par Dieu. Elle le faisait avec une lecture fondamentaliste de certains passages bibliques.

On comprend à la lecture de ces textes que les mouvements féministes ont presque tous été athées et anticléricaux s’opposant à une Eglise figée dans une image obsolète et confortant un positionnement patriarcal. En ne prenant pas conscience du mouvement légitime d’émancipation des femmes en Occident, on peut dire que l’Eglise a perdu des femmes comme elle a perdu la classe ouvrière en ne prenant pas suffisamment et à temps, conscience de la misère engendrée par la révolution industrielle.

 

Il faut attendre la lettre encyclique de Jean-Paul II pour trouver une rupture, (que nous verrons cependant partielle), avec cette pensée traditionnelle. Car il s’agit bien d’une rupture puisque ce pape va dire, sur certains points, exactement le contraire de ses prédécesseurs et de la doctrine classique.

 

 

 

[1] PIE XI Casti connubii, du 31 décembre 1930, Ed Bonne Presse, Paris, 1963, p14-15.

[2] JEAN-PAUL II, Lettre aux femmes du 29 juin 1995.

[3] PIE XI déjà cité.

[4] LEON XIII, Encyclique Arcanum divinae sapientiae du 10 février 1880.

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