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19 janvier 2021 2 19 /01 /janvier /2021 17:21
Une réponse forte de Jacques Faucher à une demande des évêques

Loi de bioéthique : « Que nos yeux s’ouvrent ! » vraiment

 

Jacques Faucher est prêtre et médecin, délégué diocésain au monde de la santé à Bordeaux. Il nous propose cette tribune à la suite de la demande des évêques d’observer quatre jours de prière et de jeûne, à l’occasion de la deuxième lecture par le Sénat de la loi relative à la bioéthique.

Pour protester contre la loi relative à la bioéthique que les sénateurs examinent en 2e lecture début février, les évêques de France demandent quatre jours de jeûne et de prière pour « Que nos yeux s’ouvrent ! » Les yeux de qui ? et sur quoi ?

Oui nous allons prier et jeûner quatre jours, pour « Que nos yeux s’ouvrent » à la grandeur et la beauté, au dévouement et l’inventivité, au pluralisme et dialogue, à l’écoute et l’accompagnement de personnes en situation complexe, de soignants et d’usagers devant des dilemmes de diagnostic anténatal grave, de possibilités d’Interruption médicale de grossesse, de recours à des assistances médicales à la procréation, d’arrêt de traitement, de fins de vie difficiles.

Oui nous allons prier et jeûner pour que nous sortions de notre aveuglement sur le monde de la santé et de la science, sur le monde contemporain, son pluralisme, ses compétences, ses réalisations techniques, institutionnelles et financières, son souci du chemin de chacun avec d’autres, tout ce qu’il met en œuvre d’interrogation, de comité et d’espace de réflexion éthiques, de liberté et de responsabilité.

Oui nous allons prier et jeûner pour que nous sortions de notre aveuglement de ne nous adresser qu’à des groupes situés, qui ne parlent pas au nom de l’ensemble des catholiques et nous entraînent dans un clivage desservant la communion dans la société et dans l’Église entre les bons et les mauvais catholiques, ceux qui hurlent fort et ceux qui, affrontés à des questions difficiles dans leur vie et leur profession, n’auraient pour seule perspective que de se taire ou de quitter cette Église qui non seulement ne prierait pas pour eux mais les exclurait.
Oui nous allons prier et jeûner pour que nous sortions de notre aveuglement qui confisque le souffle de l’encyclique Fratelli tutti à des préoccupations bioéthiques partisanes. Voyons et écoutons que la plupart des personnes affrontées à des situations complexes ne sont pas d’abord dans l’égoïsme, l’individualisme, l’hédonisme, mais avant tout travaillées par la liberté et la responsabilité, le souci de l’autre et l’amour.

Quant aux procréations médicalement ou socialement assistées, ouvrons-nous aux perspectives évangéliques de Michel Serres, bienvenues en cette année saint Joseph, centrée sur l’adoption : « Dans la Sainte Famille, celle de la crèche de Noël, s’effacent, en partie, les deux premiers liens : ceux de la vie naturelle et de la loi civile, jusqu’à s’adoucir. Voici Joseph, père adoptif ; voici Jésus, fils adoptif ; voilà enfin Marie, dont la virginité douce, au-delà de la parturition dure, naturelle, charnelle, incarnée, renouvelle la généalogie de nature et de sang ».

« Lui-même sans fils ni fille, Jésus-Christ s’écarte de la généalogie de sang et de nature ; mourant comme un hors-la-loi, il se désengage des lois politiques et civiles ; il vient même de dire, au prétoire : mon royaume n’est pas de ce monde ».

« Or, cette dernière parole, adressée à Marie et à Jean, dit la Bonne Nouvelle. Laquelle ? Voici : à compter de cette annonce, il y aura filiation ou parenté si et seulement si le père et la mère adoptent le fils ou la fille, si la fille et le fils adoptent père et mère, c’est-à-dire s’ils se choisissent les uns les autres par amour et dilection. À partir de la naissance de Jésus comme fils adoptif, à partir de sa mort où il désigne un fils adoptif et une mère adoptive, vierge, une seconde fois, de cette nouvelle maternité, l’humanité, transcendant les liens de sang et ceux de la loi, faisant bifurquer du même coup les généalogies antiques, descendra moins de la nature ou des lois que de sa propre volonté, que de sa propre liberté, de son choix et de l’amour. »

Ouvrons nos yeux ! Sortons de notre enfumage religieux d’un autre temps ! En Jean 9, il est écrit que Jésus rencontre un « aveugle de naissance ». Nous pouvons traduire : « enfumé sur ses origines », alors qu’ils sont à la sortie du Temple, tout aveuglés des fumées des sacrifices religieux. Peu à peu, l’enfumé devient clairvoyant sur les peurs et les conformismes des voisins et parents, et sur l’aveuglement des pharisiens enfumés par les débats sur la loi. Au chapitre suivant, il fait partie du peuple de ceux qui marchent en avant, qui ont la liberté d’aller et sortir de l’enclos religieux et de rejoindre un autre groupe qui ne fait pas partie du premier et qui vit déjà de la liberté de l’Esprit.

Ouvrons nos yeux sur notre Église, sur toutes les pastorales de la santé, du social, des prisons, de l’enseignement, des familles, qui chaque jour accueillent, écoutent, accompagnent les personnes en situation difficile, et découvrent que l’Évangile ne passe pas d’abord par des prises de position péremptoires et clivantes, mais par un dialogue et même une remise en question de certaines positions magistérielles au nom de l’amour du frère : Fratelli tutti !

Ouvrons les yeux ! Pleins d’hommes et de femmes mettent leur compétence et leur dévouement au service public de la santé, du social, de la vie ensemble (caissières, éboueurs, enseignants, artistes, etc.). Il ne faudrait pas que notre aveuglement empêche ceux qui marchent en avant, dans l’Église et dans le monde, de se rencontrer, de se réjouir et de construire ensemble un monde au service de tous, et d’abord des plus fragiles, Fratelli tutti !

Article paru dans le Journal La Croix du lundi 18 Janvier 2021

https://www.la-croix.com/Debats/Loi-bioethique-yeux-souvrent-vraiment-2021-01-15-1201135129?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_content=20210117&utm_campaign=newsletter__crx_subscriber&utm_term=2714

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commentaires

M
Je n'ai pas entendu les évêques proposer jeune et prière pour les victimes de violences conjugales, femmes et enfants victimes collatérales et témoins. Ni pour les enfants victimes d'inceste, dont le nombre connu augmente chaque jour. L'actualité est là qui nous interpelle sur notre complicité involontaire avec un système briseur d'enfance et de vie. Ces évêques ne nous représentent pas, hors sol, hors réel, Ouvrons les yeux, oui!.
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M
Je n'ai pas entendu les évêques proposer le jeûne et la prière pour les victimes de violences conjugales femmes et enfants victimes collatérales et témoins...ni pour les si nombreux enfants incestés. L'actualité qui nous interpelle, elle est là: notre commune complicité le+ souvent involontaire avec ceux qui brisent l'enfance. Les évêques ne représentent pas la majorité des catholiques, seulement une frange hors sol, hors le monde réel. Bien triste.
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M
Un grand merci pour cet article. Martine Carlier , "Transhumances".
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E
Merci pour ce partage qui répond parfaitement à l'incompréhension ressentie en lisant la demande des évêques... et ce terrible constat "clivage desservant la communion dans la société et dans l’Église entre les bons et les mauvais catholiques"...
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P
Il vaut mieux être aveugle que de lire de telles inepties. En voulant spiritualiser votre rejet de l'Eglise, vous ne faites que trahir la vérité de la foi. Vous devriez avoir la pudeur de démissionner de vos charges diocésaines.
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T
ANNEE 2021, tout de même, nous avançons, ne serait-il pas question que les femmes soient appelées à devenir LECTRICES ? Quel grand pas en avant. Les portes s'ouvrent, enfin. L'horizon s'éclaircit. A ce rythme, préparons-nous, mes amies, car le temps est proche, encore à peine 5 ou 600 ans, et nous serons appelées au diaconat, c'est quasiment certain. <br /> BONNE ANNEE à toutes.
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