(Extrait d’une intervention à un week-end de l’Association David et Jonathan les 3-5 septembre 2021)
Jésus aime les LGTB+.
C’est une affirmation avec laquelle je suis en complet accord. Mais je veux aller plus loin que cela.
Non seulement c’est une évidence que Jésus aime les personnes LGTB+ mais aussi qu’il aime leur orientation sexuelle.
Et ceci est fondamental. Car aimer malgré cette orientation, ce ne serait pas un vrai amour, cela voudrait dire que la personne est aimée mais pas son orientation ou aimé malgré son orientation.
Il est bon que les LGBT+ sachent, croient, qu’ils sont aimés totalement.
C’est bon de le savoir et de le croire car cela libère d’un sentiment négatif de soi pour le changer en une estime de soi.
Je crois que le mouvement homosexuel a eu raison d’appeler ses défilés « Gaypride » car il s’agit bien de trouver ou de retrouver une fierté d’être soi.
Ceci est fondamental pour tout le monde. Le mal-être de tous, c’est le manque d’estime de soi.
Cette estime est à trouver par soi-même mais aussi dans le regard d’un autre qui est Jésus. Et c’est là que tous les mouvements LGBT+ chrétiens peuvent apporter un soutien spécifique à leur cause : témoigner que la rencontre avec Jésus, le regard qu’il porte est un regard d’amour qui rend à chacun sa dignité, sa fierté.
J’ai bien conscience que dire que Jésus aime non seulement les personnes LGBT+ mais aussi leur orientation sexuelle, cela n’est pas le discours officiel de l’Eglise catholique romaine !
Ce n’est pas le discours officiel, oui, mais c’est la position de beaucoup de chrétiens, de théologiens, de personnes engagées dans la pastorale comme je le suis.
Je vous encourage à vous libérer du discours officiel. Car il repose pour ce sujet mais aussi sur beaucoup d’autres, sur des conceptions obsolètes, dépassées.
Ce discours avait sa justification avant les révolutions scientifiques, quand on prenait les premiers chapitre de la Genèse comme la vérité de la création faite en 7 jours et un homme et une femme directement créés par Dieu, sortis directement de ses mains !
Les découvertes scientifiques ont bouleversé tout cela.
On sait maintenant que l’univers s’est formé sur des milliards d’années :
Big bang, constitution des galaxies, notre système solaire qui se constitue, une histoire chaotique de la terre, surgissement de la vie, évolution des espèces, émergence lente de l’humain jusqu’à l’homo sapiens que nous sommes.
La vie a émergé lentement et l’humain est le résultat d’une longue évolution.
L’avantage de ces acquis scientifiques c’est qu’ils nos libèrent
* d’une conception fixiste du monde.
* d’un plan divin établi de toute éternité,
* d’une volonté qui aurait sculpté le monde comme dans du marbre et qu’il ne faudrait pas modifier.
Cela demande donc de penser Dieu créateur d’une toute autre façon. C’est ce que fait le théologien Adolphe Gésché. (Dieu pour peser le cosmos) Je résume sa pensée :
Dieu, a voulu un cosmos qui ne soit pas une pure dictée, mais qu’il soit un espace de possibilités internes et de liberté inventive. Le monde n’est pas réduit à une copie toute faite.
Dieu a créé un devenir créateur où, par le jeu et la médiation de causalités internes, des choses vont advenir.
Il a créé un processus, des virtualités, non des choses ou des objets,
Il a créé le monde, oui, mais ce monde est un champ ouvert.
Ainsi se trouvent réconciliées notre foi chrétienne en Dieu créateur et notre observation de la réalité du monde telle que la science la découvre.
Le monde n’est pas une horloge, une mécanique bien réglée auquel rien ne peut être changé. Et Dieu n’est pas un mécanicien qui a réglé la machine.
Dieu n'est pas cet horloger ou ce géomètre, auteur d'une mécanique il est un créateur. Il ne dicte rien, il pose « simplement » un-geste inaugural, le geste qui déclenche, permet et rend possible ce cosmos, en lui octroyant précisément de se faire comme il se fera…
L'homme n'a pas devant lui un destin tout tracé, fût-ce par Dieu, et dont il ne serait que le scribe calquant sous dictée un texte divin. Parler de l'Humain créé créateur, c'est dire que la liberté lui a été donnée d'inventer du nouveau, de l'inconnu, voire de l’inouï ; de faire de sa vie l'éclosion et l'invention de choses nouvelles, remises et confiées à ses choix et à ses initiatives.
Si on prend l’image de la couture, ce n’est pas un monde prêt à porter. Ce sont des vêtements à confectionner nous-mêmes. Dieu nous offre ce qu’il faut pour coudre mais c’est à nous d’être créatif, d’inventer des formes, des couleurs à l’infini. Ce monde n’est pas tout fait, il est à faire. Et si nous ne le faisons pas il y manquera ce que nous nous seuls pouvons faire, pouvons y apporter. Il ne s’agit pas de conserver un monde préétabli mais de bâtir un monde neuf. La liberté ici est liberté de création où chacun doit inventer son chemin. Dans ce modèle, la liberté peut produire de l’inédit qui ajoute quelque chose d’original, quelque chose qui manque. C’est une liberté créatrice.
C’est cette façon de penser qui devrait guider le discours officiel de l’Eglise catholique romaine. Malheureusement il n’en est rien. On en reste toujours à un plan divin intouchable qui sacralise un masculin et féminin bien défini, un patriarcat justifié, une hétérosexualité normative.
Sr Michèle Jeunet