D’abord, comprendre que le vrai sens du mot gloire, ce n’est pas ce qui nous vient immédiatement à l’esprit. Cela n’a rien à voir avec la renommée, le bruit qu’on peut faire autour d’un nom célèbre, la réussite, le prestige, les honneurs.
Dans la Bible, cela veut dire la richesse de l’être, sa plénitude, sa densité d’existence, son poids.
Puisque Dieu est amour et qu’il n’est que cela, la gloire de Dieu, c’est son poids d’amour.
La demande de Jacques et de Jean peut donc être prise positivement : siéger, habiter sa gloire, c’est nous enraciner dans l’amour, c’est une demande d’intimité, de proximité, être au plus près possible.
Que voudriez-vous que je fasse pour vous ?
Avec cette question, il nous est donné de voir la manière dont Jésus aime, dont justement, il vit de cette gloire.
Il est d’abord quelqu’un qui favorise l’expression du désir. Il leur permet de l’exprimer : « Que voudriez-vous que je fasse pour vous ? »
Il sait discerner, je dirai faire du tri dans cette demande, il sait y voir ce qu’il y a de bon : ce désir de proximité et ce qui demande à être purifié car il n’y a pas de fauteuil dans le Royaume de l’amour. Fauteuil au sens de privilège, hiérarchie, préséance, place d’honneur.
C’est pourquoi il ne fait pas de reproche. Il comprend qu’ils n’ont pas compris. Il accueille leur désir et va le purifier. Pas de fauteuil mais une coupe à boire et être plongé dans un baptême.
Sa réponse, on peut la comprendre comme cela : Vous avez raison de vouloir être associé à ma gloire, au sens fort de ce poids d’amour. Mais cela doit être un amour qui ne triche pas. Un vrai amour, donc humble et souffrant, car aimer amène forcément de la souffrance et c’est cela qu’ils n’ont pas compris.
Pouvez-vous être avec moi autant dans la souffrance que dans la joie ? Pouvez-vous me suivre autant au jour de la Passion qu’aux jours de la Résurrection ?
Pouvez-vous partager ma coupe et mon Baptême ?
Regardons comment Jésus aime dans la délicatesse de ce dialogue : accueillir le meilleur du désir et le purifier. Mais aussi les appeler à une configuration avec lui : « Même nourriture et même boisson, me suivant dans la peine et dans la victoire » dira Ignace de Loyola dans les Exercices spirituels.
Oui, nous le pouvons. C’est la réponse de Jean et de Jacques : « Oui, nous le pouvons ». C’est la leur mais c’est aussi la nôtre car personne n’est exclu de cette réponse. Si nous sommes baptisés, oui le pouvons puisque nous le faisons déjà. Nous avons été plongés dans les eaux du baptême et mieux, nous sommes baptisés, plongés en Christ, c’est du présent ! Et tous et tous nous la faisons, incroyant ou croyant dans la mesure exacte où nous aimons d’un amour humble qui forcément inclut de la souffrance. Mais aussi nous le pouvons en écoutant l’enseignement qui suit sur le service.
Boire à la coupe et être plongé dans son baptême, c’est aussi se faire serviteur, renoncer aux formes diverses de domination.
Sentons l’ambition que le Christ a pour nous dans cet enseignement sur le service. Il s’agit, oui de devenir grand, oui d’être le premier. Cette ambition est celle des saints : être premièr-e dans le don. Il y a bien de l’ambition mais pas à la manière habituelle.
Oui, nous pouvons boire à la coupe et être plongé dans son baptême en vivant toute fonction, toute charge, tout travail, toute responsabilité comme un service.
Il s’agit donc de regarder le Christ. Il n’est pas venu pour être servi mais pour servir. Oui nous le pouvons en le regardant, en nous imprégnant de ce qu’il est, de ce qu’il fait. Pour cela, laissons remonter à la mémoire la vie du Christ vu sous l’angle du service. Il est serviteur d’un bout à l’autre de sa vie.
Donner sa vie en rançon
Ce mot peut nous arrêter et nous scandaliser ! Il ne faut pas le prendre au sens moderne du terme. Car alors on tombe dans une fausse image de Dieu. La racine hébraïque de ce mot c’est le verbe délier, libérer. Il faudrait mieux traduire : donner sa vie pour nous libérer. Jésus en donnant sa vie pour nous sur la croix nous libère, en particulier de ces fausses images de Dieu. Sur la croix, Dieu se livre et veut nous désarmer, nous délier de toute peur.
Le don de sa vie sur la croix, c’est l’extrême du don.