En ce temps-là, dans son enseignement, Jésus disait aux foules : « Méfiez vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés. »
Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »
Mc 12, 38-44
Commentaire
Il est bon que le découpage liturgique n’ait pas isolé le récit de l’obole de la veuve de ce qui précède. En effet il est question de veuve dans ces 2 textes.
Pour entrer dans l’intelligence de ce récit il faut d’abord comprendre ce qu’est une veuve dans le monde biblique et au temps de Jésus. Une veuve c’est d’abord une femme qui est toujours sous la domination d’un homme : un père pour une fille, un mari pour une épouse. Si elle est veuve, elle n’hérite pas de son mari. Et doit pour survivre se remettre sous la dépendance de sa belle-famille ou de sa famille. La veuve est donc l’exemple même de quelqu’un sans autonomie et à la merci de tous ceux qui la voleront et sans vraiment la possibilité de se défendre. La Bible a essayé de remédier à cette situation par le précepte de la dime : « Lorsque tu auras achevé de prendre toute la dime de tes revenus…tu la donnera aux lévites, à l’immigré, à l’orphelin et à la veuve » Dt26,16. Les scribes dont Jésus dit de se méfier ne le font pas, ils s’enrichissent sur elles de diverses manières : en ne donnant pas cette dime, en demandant une rémunération aux veuves pour toutes démarches et lors de procès. Cette critique des scribes se retrouve aussi en Luc 11,42-48. Ce passage est donc une forte critique sociale et religieuse.
Devant cette situation d’injustice faite aux veuves, on peut se demander si la remarque de Jésus concernant l’offrande de cette femme est vraiment de l’admiration. Prendre sur son indigence, mettre tout ce qu’on possède, tout ce qu’on a pour vivre…pour quoi ? Pour enrichir qui ? Pour un temple qui s’est transformé en « repaire de brigand » Mc 11,17. Pour un temple qui sera détruit et dont il ne « restera pas pierre sur pierre » Mc 13, 2. Ce passage se situe au milieu de ces déclarations de Jésus concernant le temple. Comme quoi c’est dans un tout un ensemble de textes que peut se faire une interprétation.
Admiration certes de la générosité d’une offrande mais désolation d’une offrande mal placée pour un temple qui n’est plus une maison de prière mais repaire de brigand et pour un Temple qui va être détruit. D’autant plus que comme veuve elle n’avait aucune obligation de le faire et cela pouvait être utilisé autrement pour sa vie, pour celles de ses enfants. De l’argent pour le Temple ? Il y a mieux à faire !
De ce point de vue, ce texte peut nous interroger sur nos interprétations trop faciles, trop immédiates sans lien avec le contexte.
Ce passage peut être aussi une réflexion sur les choix que nous faisons quand on donne de l’argent. Le don est légitime mais pas forcément le receveur.
On peut se demander pourquoi ce don au Temple a semblé légitime à tant de commentateurs de ce passage sans s’interroger sur sa légitimité…
Cela dit ce n’est pas l’interprétation qui est la plus répandue sauf ces derniers temps où on devient plus sensible aux conditions socio-économiques des personnages des Evangiles.
L‘interprétation la plus répandue c’est de voir Jésus admiratif du don de cette femme et faisant la différence entre le don du superflu et le don de l’indigence.
L’autre interprétation également courante, c’est que Jésus voit, dans le geste de cette femme qui donne tout ce qu’elle a pour vivre, le propre don qu’il va faire de sa vie par amour pour nous.
J’aime beaucoup cette phrase de nos amis juifs qui disent que le judaïsme n’est pas une religion du livre mais de l’interprétation du livre. Faisons comme eux par une pluralité de lectures.
Pistes de méditation
1ère piste :
Regardons Jésus, son attention à ce qui se passe autour de lui. Son regard ne juge pas selon les apparences et déplore ces comportements d’orgueil et d’hypocrisie des scribes. Il ne se laisse pas éblouir par ce qui fait du bruit et sait voir ce dont personne ne fait attention, une femme dans un coin dont la pièce donnée n’a pas dû faire le moindre bruit.
Regarder Jésus et m’emplir les yeux de son regard.
2ème piste :
Le comportement des scribes est l’inverse du comportement de Jésus, doux et humble de cœur, qui choisit la dernière place, qui fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait.
Sentir la tristesse de Jésus devant ces comportements si diamétralement opposé à ce qu’il est
Sentir cette tristesse et la laisser me rejoindre
3ème piste
« Tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre » Interpréter cette phrase comme le geste même de Jésus : Il a donné tout ce qu’il possédait, tout ce qu’il avait pour vivre.
Sa vie. Mais pourquoi ? Pour qui ?
Entendre ces deux questions et y répondre
Vous pouvez retrouver cette peinture sur le site :www.evangile-et-peinture.org
Et sur le site de la peintre : www.bernalopez.org