Evangile de saint Luc Ch 13 ( v 10 à 16)
Il enseignait dans une synagogue, pendant le sabbat. Une femme souffrait d’un souffle malsain depuis dix-huit ans. Elle était voûtée, incapable de vraiment se redresser. Jésus la voit. Il l’appelle et lui dit : Femme, tu es libérée de ta maladie. Il pose la main sur elle ; aussitôt, elle se redresse et célèbre la splendeur de Dieu. Le chef de la synagogue s’indigne parce que Jésus guérit pendant le sabbat et il dit à la foule : Il y a six jours pendant lesquels on doit travailler. Pendant ces jours, venez-vous faire guérir, mais pas le jour du sabbat.
Le seigneur lui répondit : faux jetons, le jour du sabbat, chacun de vous ne détache-t-il pas son bœuf ou son âne de la mangeoire pour le faire boire ? Et cette fille d’Abraham que l’adversaire avait ligoté il y a dix-huit ans, il ne fallait pas libérer ses liens le jour du sabbat ?
Pendant qu’il parlait, tous ses adversaires se sentaient honteux. La foule entière se réjouissait des prodiges qu’il faisait.
Elle se tait, ne demande rien, et Lui, se laisse toucher. « L’Amour est le miracle d’être un jour entendu jusque dans nos silences » nous dit Christian Bobin. Le silence de cette femme porte à la fois sa résignation, sa peur d’être rejetée, peut-être même sa lassitude, mais aussi son espérance d’être un jour libérée. Il n’y a que nos silences pour révéler ainsi les abîmes de nos vies. Et c’est là que Jésus se tient dans une relation d’humain à humain qui autorise la confiance. Il risque alors une parole : « Femme, tu es libérée de ta maladie ». S’agit-il une fois de plus de simples mots, vides et creux, qui resteront lettres mortes ? Tant de promesses sans lendemain érigent en nous des murs de méfiance, nous obligeant à marcher sur des sols mouvants, sans consistance où plus rien ne tient.
Et pourtant… « La Parole est au commencement avec Dieu. Par elle, tout est venu et sans elle rien n’a été de ce qui fut. En elle, la vie. La vie, lumière des hommes. » (Saint Jean ch 1). Les mots de Jésus à cette femme deviennent Parole à l’instant même où Il la touche. Dans Ses mains, ils s’incarnent pour naître à la tendresse ; « et la parole a pris chair »nous dit Saint Jean. Ils ne sont plus seulement des mots, ils portent la Lumière : « et aussitôt, elle se redresse ». Ce que Jésus dit, Il le fait. Et voilà cette femme libérée de son infirmité. Elle peut enfin se redresser et s’appuyer de tout son être sur cette Parole-Vie qu’est le Christ.
Mais, à quoi bon une Parole, si elle ne se fait pas nôtre, si elle n’est pas lumière pour notre vie à chacun ? A quoi bon ce passage d’Evangile s’il reste de simples mots accrochés à une histoire ? Saint Jean nous dit que cette Parole est « venue éclairer chaque homme », j’oserais dire de façon personnelle. En consentant à cette relation vraie, le Christ arrache la vie de cette femme à la mort et lui ouvre ainsi, un chemin possible de plénitude. Et il en est de même pour nous tous, quand, ancrés dans Sa Parole, nous nous redressons de tout notre être, enracinés dans le creux de Sa main. En Christ, Dieu s’unit à chacun « de ceux qui font confiance » (Saint Jean) de façon si intime et dans une relation si forte et indéfectible, qu’Il nous fait alors entrevoir un peu de notre véritable identité, celle d’enfant de Dieu.
Ce n’est pas là une mince affaire ! Alors, on peut comprendre l’irritation de Jésus, devant le chef de la synagogue. Il s’agit là encore d’une histoire de mots, mais des mots qui ne deviendront jamais Parole tant ils sont falsifiés par l’hypocrisie et le mensonge. Ils disent, mais ne font pas. Or, Jésus sait que Dieu n’a que nous pour donner Sa Parole au monde. Lytta Basset écrit : « Dieu n’a quelquefois – et plus souvent qu’on imagine- pas d’autre porte-Parole que des êtres dont la parole est authentique, sans qu’eux-mêmes se sachent porteurs de la Parole. ». Nous le savons, nous sommes des êtres de communication. Pourtant, nos mots ne doivent pas se contenter de rester des mots, mais refléter une Lumière qui souvent nous dépasse. Comme dans cet Evangile, nos mots deviendront Parole, porteuse d’Eternité, s’ils prennent le temps de germer dans le silence de nos cœurs. Ils deviendront Parole, s’ils savent être authentiques : alors ils ne s’arrêteront pas seulement sur nos lèvres. Poursuivant leur course, ils témoigneront de la tendresse de Dieu jusqu’au bout de nos mains.
Katrin Agafia