Un lecteur de mon blog a écrit ce texte en écho à mon article Femmes et hommes reçoivent l'Esprit Saint à la Pentecôte (http://aubonheurdedieu-soeurmichele.over-blog.com/2023/05/pentecote-femmes-et-hommes-recoivent-l-esprit-saint.html)
C'est avec plaisir que je le publie. Merci.
Bravo pour cette remarque pertinente sur la présence des femmes à la Pentecôte. Il y a longtemps que je trouvais que certaines icônes ou images n’étaient pas conformes à l’Ecriture en ne représentant généralement que les apôtres avec Marie seule au milieu d’eux pour illustrer la Pentecôte. Cela me fait donc très plaisir de voir Michèle Jeunet mettre cette anomalie en relief et par écrit. Cela montre bien que la culture générale de l’Eglise peut faillir, puisque jusqu’ici, je n’avais jamais entendu quiconque réagir à ces représentations tronquées de la Pentecôte.
Alors quel est le groupe qui a reçu les langues de feu, celui du chapitre 1 des Actes, versets 13 et 14, dont une note de la BJ (Bible de Jérusalem) sur le verset 1 du chapitre 2 affirme qu’il est bien le destinataire de la 1ère pentecôte, ou bien celui des 120 qui a choisi Matthias ? Il y a polémique, mais peu importe car d’une part il y a des femmes dans le premier groupe, et d’autre part il y aura d’autres pentecôtes : la pentecôte dite « de la persécution » en Ac 4,31, la pentecôte des samaritains au chapitre 8, celle dite « des païens » chez le centurion Corneille au chapitre 10, et enfin celle du concile de Jérusalem en Actes 15, 28 : « L’esprit-Saint et nous avons décidé… ».
Pour ma part, il y a longtemps que j’enseigne chaque année à mes confirmands garçons et filles de villages ruraux populaires à lire avec attention Ac 1, 12-14. Dans le but de laisser les jeunes tirer eux-mêmes les conclusions de leur lecture, on prend le temps de repérer le lieu et de compter les personnes présentes : après les Onze, ce sont « quelques femmes » qui sont citées, « dont Marie mère de Jésus, avec ses frères ». Il ne faut pas oublier non plus ces « frères » du Seigneur dont Mc 6,3 nous livre les noms (ainsi que l’existence de leurs sœurs) : « Jacques, José (ou Joseph voir note BJ*), Jude et Simon ».
Onze apôtres, plus Marie, plus les frères du Seigneur, cela fait déjà 16 personnes. Reste à compter (last but not least) les femmes. Il est intéressant de voir que Marie est comptée parmi elles : « quelques femmes dont Marie ».
Pour compter ces femmes et savoir qui elles sont, nous avons de nombreuses références évangéliques en amont de la résurrection ou en amont de la croix :
- Marc (15,40-41) cite, « regardant à distance » de la croix : « entre autres, Marie de Magdala, Marie mère de Jacques le petit et de Joset, et Salomé (…) et beaucoup d’autres encore qui étaient montées avec lui à Jérusalem ». Marc (16,1) cite encore « Marie de Magdala, Marie, mère Jacques, et Salomé » qui achètent des aromates quand le sabbat fut passé.
- Luc (23,48) cite, « à distance » de la croix : « les femmes qui l’accompagnaient depuis la Galilée ». Il les cite aussi à la mise au tombeau (Lc 23,55) : « les femmes qui étaient venues avec lui de Galilée ». Il cite encore les femmes qui « allèrent à la tombe » (Lc 24,1) puis vers les « Onze et tous les autres » (Lc 24,9). Luc (24,10) donne ici des noms : « C’étaient Marie la Magdaléenne, Jeanne et Marie, mère de Jacques ». Luc ajoute : « Les autres femmes qui étaient avec elles le dirent aussi aux apôtres ». En Luc 8,2, l’évangéliste nous donne une liste de ces femmes jugées suffisamment importantes pour que leurs noms doivent nous être connus : « Marie, appelée la Magdaléenne, Jeanne femme de Chouza intendant d’Hérode, Suzanne et plusieurs autres, qui les assistaient de leurs bien. »
- Matthieu (27,55-56) précise qu’à la mort du Christ, « il y avait là de nombreuses femmes qui regardaient à distance, celles-là même qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée et le servaient, entre autres Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée. »
- Jean (19,25) introduit un épisode plus restreint carrément au pied de la croix, avec : « Marie sa mère, et la sœur de sa mère (soit Salomé mère des fils de Zébédée selon la note e de la BJ), Marie femme de Clopas, et Marie de Magdala». Cette situation tout près de Jésus crucifié se fait sans doute grâce à la présence rassurante et autorisée de Jean « celui qui était connu du grand-prêtre » (Jn 18, 15-16), c’est à dire « le disciple que Jésus aimait » (Jn 19,26).
En résumé, nous avons les noms de : Marie de Magdala, Marie mère de Jacques, Salomé la mère des fils de Zébédée, Jeanne, Suzanne, Marie la mère de Jésus, et Marie femme de Clopas, 7 femmes en tout, sans compter « beaucoup d’autres encore » de Mc 15,41. Il n’y a pas de raison que ces femmes qui accompagnent Jésus et les apôtres depuis la Galilée ne soient pas pour une bonne partie d’entre elles avec les apôtres au Cénacle pour la Pentecôte, puisqu’elles ont été présentes à la croix et à la mise au tombeau, et puisqu’elles ont été les premières au tombeau au matin de Pâques, et donc les premières à apprendre que Jésus était ressuscité. En effet, le cénacle où Jésus avait fait réserver à l’avance un lieu sûr pour le repas de la Pâque avec ses apôtres, est le seul endroit à Jérusalem où elles peuvent rester comme les apôtres en sécurité, tout en obéissant à Jésus qui les avait « enjoints de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’y attendre ce que le Père avait promis » (Ac 1,4).
Ces « quelques femmes » (Ac 1,14) sont donc potentiellement une dizaine voire plus, ce qui fait un total de peut-être 30 personnes pour la première Pentecôte, avec presque autant de femmes que d’hommes. Même si par hypothèse, elles n’étaient que 4 ou 5 (« quelques femmes »), il est capital, hyper-important, fondamental, de ne pas les oublier, ni dans nos cœurs, ni sur nos images. Elles sont parmi les premières personnes humaines à avoir reçu l’Esprit-Saint de la Promesse. Et ce d’autant qu’elles étaient les premiers témoins de la Résurrection au matin de Pâques, et qu’elles méritent le titre d’Apôtres des Apôtres en tant qu’envoyées aux apôtres par un Ange, deux Anges, ou Jésus lui-même (Mt 28,10, Mc 16,7, Lc 24,9, Jn 20,18).
Au niveau des disciples d’Emmaüs, la parité fut peut-être respectée aussi, puisque l’un des deux disciples s’appelle Cléophas (Lc 24,18), et pourrait donc être celui dont l’épouse : « femme de Clopas » (Jn 19,25), s’appelait Marie. Auquel cas le deuxième disciple d’Emmaüs serait une disciple.
Alain Duphil