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23 mai 2024 4 23 /05 /mai /2024 11:55
Trinité et rapports sociaux chez le théologien Moltmann

« Ce qui correspond au Dieu trinitaire, ce n’est pas la monarchie d’un souverain mais la communauté des hommes sans privilèges ni servitudes ». [1]

Cette citation du théologien Moltmann montre qu’il y un lien fort entre théologie et rapports humains. La doctrine trinitaire de Moltmann, doctrine sociale de la Trinité, est pertinente pour penser l’anthropologie de l’humain, femme et homme: de même que la femme et l’homme sont un dans leur commune nature humaine au sein d’une différence, de même la Trinité est une dans leur commune nature divine et la différence des personnes.

Pour cela des conditions sont à remplir : penser d’une part la Trinité des personnes divines et d’autre part la relation homme-femme dans une parfaite égalité et ne pas penser Dieu comme un souverain masculin.

Car, si on pense ainsi, nous avons une monarchie divine au ciel qui fonde la souveraineté du pouvoir d’un seul sur terre.  Nous avons l'idée aliénante d’un tout puissant souverain du monde qui exige une servitude, une dépendance et qui fonde une souveraineté terrestre, religieuse, morale, patriarcale.

L’enjeu est aussi une question de crédibilité de la foi. Les fausses images d’un Dieu qui aliène l’humain dans sa liberténe peuvent qu’être rejetées par nos contemporains.

Il y a un rapport entre les représentations religieuses d’une époque et les régimes politiques. Représentations religieuses et politiques se conditionnent mutuellement.

Si on met en avant un Dieu maitre, propriétaire du monde dont la volonté fait loi, qui dispose de tout, et de la volonté duquel tout dépend, il aura  les traits d’un monarque conçu de manière absolutiste. Il sera imaginé parfait, impassible, gouvernant tout et tout dépend de lui. 

Ce monothéisme a apporté son soutien au principe de souveraineté impériale. La politique qui correspond à la croyance à ce Dieu là, c’est l’empire de paix de l’empereur romain. Ce qui a conduit à Constantin et a fait passer le christianisme, de religion persécutée, à une religion autorisée, puis religion d’Etat, soutien de l’Etat. (Et à son tour persécutrice !)

Le soutien apporté par le monothéisme était plus absolu que le soutien d’une philosophie. L’unique empereur tout-puissant, devenait image visible du Dieu invisible car lui aussi est maître, propriétaire, et sa volonté fait loi.

« A l’unique roi sur la terre correspond le Dieu unique au ciel». [2]

Faire de la souveraineté divine l’archétype de la souveraineté étatique, ouvrait la voie à un absolutisme au plus haut degré dans l’absence de l’obligation de rendre des comptes, et mettait l’empereur en dehors du droit.

Aujourd’hui l’idée absolutiste ne subsiste que dans l’idéologie de la dictature. Mais celle-ci maintenant n’a plus besoin de la légitimité religieuse pour s’imposer, elle a, à sa disposition, la terreur de la force.

Pour surmonter la transposition du monothéisme religieux en monothéisme politique, il faut surmonter l’idée de la monarchie du Dieu unique sur un mode unique par le Dieu Trinité.

Le regret qu’exprime Moltmann, c’est qu’historiquement, le dogme trinitaire n’ait pas fait échouer cette idée de monarchie divine :

« Aussi longtemps que l’unité du Dieu trine n’est pas conçue trinitairement, mais comme celle d’une monade ou d’un sujet, elle demeure liée à la légitimation religieuse de la souveraineté politique. C’est seulement quand la doctrine de la Trinité surmontera la conception monothéiste du grand Monarque universel au ciel et du Grand patriarche divin du monde que les souverains dictateurs et tyrans de la terre, ne trouveront plus d’archétypes religieux pour se justifier ».  [3]

Moltmann cite Whitehead : « l’Eglise a donné à Dieu des attributs qui appartiennent exclusivement à l’empereur. La naissance de la philosophie théistique qui s’est achevée avec l’apparition de l’Islam, a conduit à la représentation de dieu selon l’image du souverain impérial, selon l’image de l’énergie morale personnifiée et selon l’image du principe dernier de la philosophie. Il est permis d’ajouter que cette philosophie théistique représente une philosophie patriarcale à un très haut degré ». [4]

 

 

 

[1] J.M.MOLTMAN, Trinité et Royaume de Dieu , Cerf 1984, CollectionCogotatio fidei n°123, page 249

[2] E.PETERSON, Monotheismus als politisches Problem, in Theologische Traktate, München, 1951, p 91.

Cité dans Trinité et Royaume de Dieu p 241

[3] Trinité et Royaume de Dieu. p 247

[4] [3] A.N. Whitehead, Process and Reality. An essay in Cosmology, New- York 1960 p 520 cité dans Trinité et Royaume de Dieu p 247

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4 juin 2023 7 04 /06 /juin /2023 16:20

On peut lire au chapitre 4, verset 11 de l’évangile selon Matthieu, la phase suivante :« Quand Jésus apprit l’arrestation de Jean le Baptiste il se retira en Galilée. »

Ce verset peut être reçu comme une simple information qui permet de comprendre pourquoi Jésus retourne en Galilée après avoir été baptisé dans le Jourdain.

Mais il me semble qu’il y a à voir bien davantage. Qu’est-ce que ce verset révèle ? Et bien tout simplement une information politique. Le pays où Jésus a vécu est un pays où un innocent peut être arrêté. En effet, on sait par les autres Evangiles qu’Hérode a fait arrêter Jean simplement par qu’il avait osé le critiquer. Le pays où Jésus a vécu est un pays où un roi a pouvoir de vie et de mort, où sa décision fait loi, où la liberté d’expression n’est pas permise. Une dictature donc.

Jusqu’à une période relativement récente, une telle analyse de ce verset était impossible. Parce que ce qui était décrit-là était la normalité, de ce qui pratiquait partout. Il a fallu l’émergence des démocraties, la conscience des Droits humains, pour que ces pratiques puissent apparaitre comme injustes, comme des crimes et qu’en lisant ce verset, je puisse en faire une information politique. C’est un bon exemple comment le contexte qui est le nôtre peut changer l’interprétation des textes.

Jusqu’à une période relativement récente…ce verset ne pouvait pas susciter l’indignation.  Aujourd’hui, oui ! Mais est-ce qu’il suscite notre indignation ? Est-on rejoint, atteint par ce qu’il décrit ? Car le pays où Jésus a vécu…c’est celui d’aujourd’hui dans beaucoup de régions du monde.

En tout cas, on peut légitiment penser que Jésus lui, a été atteint, rejoint par l’injustice qui régnait dans son pays. Tout son comportement et ses paroles le clame. Il parle d’un royaume où ceux qui ont une autorité se doivent d’être les serviteurs de tous, où tout être a droit à la vie et au respect.

Et être disciple de Jésus c’est également comme lui, être rejoint, atteint par l’injustice pour instaurer une société régie par d’autres lois que la violence et le mépris, vivre selon d’autres valeurs qui sont la bienveillance, l’accueil, le soutien mutuel, l’égalité, la fraternité.

Mais la question la plus tragique qu’on peut poser, c’est comment cela se fait-il que ce ne soit pas ce royaume là qui a été prêché majoritairement au long de 20 siècles de christianisme et qu’à la place on y prêché le royaume du Ciel qui ne remettait pas en cause les injustices des sociétés.

 

 

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15 février 2023 3 15 /02 /février /2023 16:37
la droite de Dieu: Sant Climent de Tauüll, 12ème siècle

la droite de Dieu: Sant Climent de Tauüll, 12ème siècle

Par monarchie, j’entends ce mot au sens étymologique du terme : une conception du pouvoir qui est détenu par un seul (monos) et qui impose ces décisions aux autres.

Un être aux dessus des autres, dont la volonté fait loi pour tous et toutes, qui commande et à qui on obéi.

On s’incline devant lui moralement et physiquement. On le sert.

Il est tout puissant et lui désobéir entraîne une punition, qui peut aller jusqu’à la mort.

Ce pouvoir a pu prendre dans l’histoire des formes diverses : roi, empereur, dictateur… mais toutes les sociétés se sont construites sur ce modèle et ce n’est que récemment qu’on a pu pratiquer et concevoir des systèmes où le pouvoir n’était plus ni absolu, ni dans les mains d’un seul.

 « Formater » par ce modèle monarchique et ne pouvant en concevoir un autre, Dieu a été imaginé sur ce modèle à la puissance infinie.

Et ce n’est pas facile de se défaire de ce formatage.

Tout puissant, au-dessus de nous, que l’on doit servir, à qui on doit obéissance, devant lequel on doit s’incliner, qui est maitre de nos vies. A tel point, par exemple, que notre mort, c’est sa décision de nous « rappeler à lui » selon la formule odieuse de certains avis de décès.

Tout puissant et tout voyant, n’ayant même pas besoin de la police des rois pour sanctionner nos fautes.

La puissance du formatage est tel…qu’il n’est pas perçu.

 

Je vous propose un exercice de déformatage :

Dans tout ce qu’on entend, ce qu’on lit, ce qui est écrit et qui parle de Dieu : est-ce à l’image de ce roi absolu ?

Exemple parmi des millions : dans l’intercession page 253 de Prière du Temps présent.

« Apprends-nous à recevoir de ta main toute épreuve et toute joie : que nous sachions te rendre grâce »

Ici un roi qui distribue joie ou épreuve, on ne sait pas pourquoi et qui plus est, qu’il faut remercier.

 

La vie du Christ est l’antidote de cette image de Dieu.

Jésus roi ? Oui mais roi crucifié, serviteur à genoux. Et surtout ami qui vient à notre rencontre dans une posture d’humble place.

Jésus, oui, antidote du roi tout puissant mais pas pour certaines théologies, pas pour certaines liturgies, pas pour certains modes de gouvernances…

 

Lisons ou relisons Berdiaeff pour continuer à nous déformater :

« Les idées que l’homme se fait de Dieu reflètent les rapports sociaux des hommes, les rapports entre l’esclavage et la liberté dont est tissée l’histoire de l’humanité…

Dieu n’est pas un maître et il ne domine pas, il ne possède aucune puissance, aucune volonté de puissance…

Dieu est liberté. Il est le libérateur et non le dominateur »

Nicolas Berdiaeff, de l’esclavage et de la liberté de l’homme, Aubier1963, page 90

 

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21 août 2020 5 21 /08 /août /2020 14:03
Grâce à l’Evangile, lutter contre l’homophobie.

L’Association David et Jonathan (https://www.davidetjonathan.com/) m’a demandé en mai 2020 de faire une intervention pour mettre en valeur ce qui, dans l'Evangile, nous permet de nous battre contre l'intolérance, les discriminations et, en l'occurrence l'homophobie.

Voici le texte de mon intervention :

 

Voilà donc le thème de l’intervention que vous m’a demandé.

Se situer là, c’est se situer au niveau de l’essentiel de la foi chrétienne. Il s’agit toujours de revenir à l’Evangile, c’est-à-dire de fixer notre regard sur cet homme qu’on appelle Jésus sur ce qu’il est, sur ses actes, sur ses décisions, sur son comportement, et fixer notre écoute sur ce qu’il dit. Sainte Thérèse-de-Lisieux disait : « L’Evangile est pur froment. »

C’est cela être chrétien. Et cela peut suffire car nous sommes au cœur de la foi : Jésus visage de Dieu. Dieu qui nous propose son amitié. Dieu qui vient à notre rencontre.

La plus grande partie des textes évangéliques sont des récits de rencontre. Jésus a passé sa vie à rencontrer des gens. Il va à leur rencontre et des gens se déplacent pour le rencontrer.

Que se passait-il lors de ces rencontres ?

D’abord un fait massif qui risque pourtant de ne pas être vu, c’est que Jésus ne pose aucune condition à la rencontre, aucun préalable, aucun « si ». L’accueil de Jésus est inconditionnel. Et pour nous aujourd’hui il en est de même.

Je vais être directe : Jésus se moque que nous soyons homo ou hétéro …par exemple ! S’en moquer, je veux dire par là que quelle que soit notre orientation sexuelle, nous somme aimés de la même manière. Et sur d’autres domaines de l’existence, cela n’intéressait pas Jésus que Zachée le publicain soit riche, il voulait seulement le rencontrer, et demeurer chez lui.

Par contre ce dont Jésus ne se moque pas c’est que des gens soient exclus. Dans la société qui était la sienne, nombreux étaient les exclus d’une manière ou d’une autre : les malades, certains métiers, les femmes, les pauvres, tous ceux et celles qui ne rentraient pas dans les cadres d’une religion qui séparait les gens entre purs et impurs.

Alors Jésus s’est fait l’ami privilégié de celles et ceux qui étaient exclus car considérés comme impurs : la femme qui perdait son sang, le riche qui collaborait avec l’occupant, la prostituée…tous et toutes avaient pour Jésus une dignité indestructible. Ce qui intéressait Jésus, c’était leur personne et pas leur situation sociale, leur compte en banque, et donc sûrement pas leur orientation sexuelle !

C’est ce refus de l’exclusion dans le comportement de Jésus qui fonde notre refus aujourd’hui de l'intolérance, des discriminations de toutes sortes comme l'homophobie, le sexisme, le racisme…

Ce qui intéressait Jésus c’est que son amitié soit accueillie. C’est ce qui l’intéresse aussi aujourd’hui pour nous.

Veux-tu accueillir mon amitié nous dit Jésus a chacun et chacune de nous ?

Le texte biblique qui le dit magnifiquement est dans Ap 3, 20

« Voici que je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi »

Ce verset nous dit Dieu comme un mendiant d’amitié, qui ne s’impose pas mais se propose, le « si » dont je parlais n’est pas de son côté mais du notre : il n’entrera que si on ouvre notre porte et sa volonté c’est seulement du bon temps avec nous, un repas entre amis.

Ah si nos Eglises pouvaient témoigner en parole et en acte de ce Dieu là et pas d’un Dieu repoussoir !

C’est cela que nous voyons dans l’Evangile, ce que Jésus a fait : les gens étaient regardés par le Christ et se laissaient regarder.

Christ les regardait comme personne ne l’avait jamais fait avant lui et c’est cela qui changeait tout.

Christ les écoutait, leur parlait comme personne ne l’avait jamais fait avant lui, et c’est cela qui change tout.

Les rencontres avec le Christ ont été transformantes pour eux, elles leur ont fait du bien : « et ils s’en trouvaient mieux ».

L’Evangile n’est pas un texte du passé qui dort dans une bibliothèque. En l’ouvrant, on devient contemporain de Jésus dans l’aujourd’hui de notre vie pour nous aussi le rencontrer, le regarder, le laisser nous regarder, être écouté par lui, et l’écouter pour s’en trouver mieux comme celles et ceux qui l’ont fait sur les routes de Galilée.

Qui que nous soyons, Il est là, il nous accueille, il espère notre amitié. Il nous aime et nous apprend à nous aimer nous-même tel que nous sommes. Laissons-le nous accueillir et pour cela soyons dans le même état d’esprit de celles et ceux qui l’ont accueilli. En nous identifiant à toutes celles et ceux qui ont fait le choix pour lui et non contre lui.

S’identifier à Zachée, à la samaritaine, à la femme hémorroïsse, à Lévi, à Siméon, à la prophétesse Anne, aux bergers et aux mages de Noël, au bon larron. Etc.

Leur point commun ? Avoir au cœur la conscience d’un manque que la relation avec Jésus va pouvoir toucher pour la transformer en espace pour la rencontre. Un manque à être, en attente d’une relation qui va leur révéler ce qu’ils sont vraiment : leur dignité, leur vie, pour être vivant et non vivoter, leur capacité de recevoir d’un autre et de donner. S’identifier à elles, à eux, parce que quelque chose d’eux, d’elles nous rejoint, rejoint quelque chose de notre histoire, pour nous donner d’exister vraiment, nous rendre davantage vivant.

Est-ce que nous le voulons vraiment ? Sinon ces récits ne seront pour nous que de belles histoires dont nous resterons étrangers.

Et c’est bien ce qui s’est passé du temps même de Jésus. Certains ne se sont pas laissé toucher par la nouveauté de sa manière d’être, de faire, d’entrer en relation. Ceci par suffisance en croyant savoir, par fermeture à l’inattendu, par peur de perdre leur pouvoir…

Vouloir, désirer rencontrer Jésus en le contemplant, suppose d’être libéré d’une approche moralisante de l’Evangile. L’Evangile n’est pas un examen de conscience.

Une rencontre illustre bien cela, c’est celle de Jésus avec Zachée. (Luc 19/1-10). Avec ce récit, une question : Est-ce que Jésus lui fait un reproche ? Exige-t-il de lui un changement de comportement ? Non. Il le prie seulement de bien vouloir demeurer chez lui. Si à la fin de ce récit, il y a une décision, c’est celle de Zachée lui-même, sans la pression de quiconque et comme fruit d’une rencontre.

Ainsi l’Evangile est une invitation à une rencontre. La seule réponse attendue, c’est de nous ouvrir à celui qui vient vers nous, c’est de nous ouvrir à cette relation. 

Je vais terminer par un autre récit qui peut vous rejoindre particulièrement. : La rencontre de Jésus avec un officier romain.

Dans la première Alliance, vous avez choisi de voir en David et Jonathan, la légitimité de votre orientation sexuelle. Peut-être pourriez-vous aller du côté de l’Evangile pour y lire une semblable amitié. C’est dans l’évangile de Luc 7,1-10. Un récit où un officier romain demande la guérison de son serviteur : « un serviteur qui lui était très cher » v2

Cela vaut bien : « Or Jonathan avait beaucoup d’affection pour David » au 1er livre de Samuel 19,1 !

Cela se termine par l’admiration de Jésus pour la foi de cet homme v 9.

Que telle soit votre foi en Jésus !

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1 décembre 2017 5 01 /12 /décembre /2017 10:34
En Avent: atttendre un Sauveur. Mais de quoi vient-il nous sauver? 2ème partie

"Aujourd'hui ...un sauveur vous est né, qui est le Christ Seigneur" Lc 2/11

Toute l'attente de l'Avent est tendu  vers cette révélation. Mais de quoi Jésus vient-il nous sauver?

2ème partie

 

Cette mise au monde se fait dans une histoire où le désir de Dieu est que nous devenions de plus en plus ce que nous sommes déjà : image et ressemblance de Dieu. Nous retrouvons là ce qui a été dit de l’épanouissement.

Mais sur ce chemin, il y a des obstacles. Des obstacles sur le chemin de l’accomplissement.

Sauver c’est donc aussi être délivré-es de ce qui fait obstacle à l’accomplissement.

Mais on n’est pas dans un schéma d’être condamné-e par une malédiction. Il ne s’agit pas d’être délivré-e de soi comme si on trainait en soi une nature en soi mauvaise. On n’a pas à être délivré-e de soi mais de ce qui m’empêche d’être soi. Cela indique une haute idée de l’humain, car cela veut dire que sa vie a du prix et qu’elle ne doit pas se perdre, donc délivré-e de ce qui fait obstacle à sa réussite.

Sauver sa vie, la réussir jusqu’au bout.

 

C’est là que nous retrouvons la question la mort

Au cœur de la foi chrétienne il y a d’être sauvé-e de la mort et l’assurance qu’elle a déjà été vaincue par la résurrection. Elle n’est pas l’obstacle absolu, nous ne sommes pas des êtres pour la mort, la mort n’est pas sa finalité.

C’est là aussi qu’il y a à penser le salut et le mal : Souffrance, mal subi, mal voulu, contraintes de tout ordre, impuissance, conditionnements, limites de la liberté, hérédité déterminisme, contraintes culturelles,épreuves de malchances sociales, maladie injustices

Ce sont des obstacles à la réussite de notre être. On peut s’enfermer là-dedans et penser qu’il n’y a rien à faire.

Face à cela, le Christ est sauveur comme antidote

Et c’est un des sens de l’incarnation : Jésus instaure dans notre histoire, une vie humaine qui guérit et libère, et qui peut nous rendre capable de décisions créatrices, de transgressions de ce qui parait de la fatalité impossible à dépasser.

En particulier, il nous sauve de la peur en nous ouvrant la voie de la confiance en nous. Il nous sauve en nous révélant l’image de Dieu telle qu’elle est : Celui qui dit oui à notre existence, nous donne confiance pour pouvoir à notre tour dire oui à nous même.

 

 

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1 décembre 2017 5 01 /12 /décembre /2017 10:05
En Avent: attendre un Sauveur. Mais de quoi vient-il nous sauver? 1ère partie

"Aujourd'hui ...un sauveur vous est né, qui est le Christ Seigneur" Lc 2/11

Toute l'attente de l'Avent est tendu  vers cette révélation. Mais de quoi Jésus vient-il nous sauver?

1ère partie:

La réponse qui vient immédiatement, c’est de penser le salut comme l’équivalent de la vie éternelle : pour faire bref, être on non au Paradis. Cette manière de penser le salut a été centrale dans la réflexion chrétienne. La seule chose importante était le sort individuel de chacun-e après la mort. C’est le discours de Pierre à la Pentecôte : faites-vous baptiser et vous serez sauvés. C’est ce qui explique la pratique de chrétiens des 1ers siècles qui attendaient l’imminence de la mort pour se faire baptiser ou encore l’instauration du baptême des enfants pour leur éviter l’enfer s’ils mouraient. C’est le nœud du différent de Luther et de l’Eglise : sauvé par la foi ou par les œuvres.

Cette manière de voir le salut demande d’être ré-examinée pour qu’elle soit crédible.

D’abord la comprendre

*Quand on naissait avec une espérance de vie moyenne de 30 ans,

*Quand le monde que vous quittiez à la mort, était le même qu’à votre naissance, sans changement

*Quand il n’y avait aucune espérance de changer les choses

Et bien la question de votre destin éternel était la seule question vitale.

Ensuite voir sur quel schéma théologique il s’appuyait : un monde paradisiaque à l’origine qui avait été détruit par le péché dit originel introduisant la mort et la perdition. Sauvé-e par la mort rédemptrice du Christ et dont on reçoit les fruits par le baptême.

Si on prend une image, c’est comme si on est perdu en mer, la seule chose désirée est d’être sauvé-e. La seule chose espérée est qu’un sauveteur arrive. Cela suppose donc qu’il soit arrivé une catastrophe comme par exemple que son bateau ait coulé.

C’est sur ce schéma qu’a été conçue une certaine conception du salut en théologie chrétienne.

En poursuivant mon image cela donne cela :

*Le bateau est sur l’eau tranquille= c’est la création sortie des mains de Dieu, le paradis

*Le bateau coule, le marin est perdu= c’est le péché originel

*Il est repêché= c’est la rédemption

 Ce schéma n’est plus pensable depuis que l’on sait que notre existence sur terre est le fruit d’une longue évolution. Il n’est plus possible de penser une terre qui aurait un jour été un paradis, un homme et une femme qui auraient fait une faute telle que toute l’humanité à cause d’eux aurait été perdue et que leur salut a été possible par la mort de Jésus sur la croix !

 Impensable devant l’évidence de nos connaissances scientifiques mais impensable aussi si l’on réfléchit à l’image de Dieu que cela donne en particulier celle d’un Dieu qui ferait rejaillir la faute de deux sur tous et qui ne pourrait sauver que par du sang répandu sur une croix.

 C’est cette théologie qui a gagné en Occident en particulier avec SAugustin. Mais d’autres théologies ont produit d’autres conceptions.

St Irénée, qui voit la création dans une histoire où les péchés des humains sont des fautes de jeunesse. Ou encore les théologies chrétiennes orientales qui conçoit le salut comme un désir de Dieu de s’unir à nous.

 Il y a donc à penser le salut de cette manière plus large. Pour cela je m’inspire d’un article du théologien Adolphe Gesché (Dieu pour penser la destinée, Ed du Cerf, page 27 à 69)

Le salut c’est ne pas passer à côté de sa vie, ne pas la manquer

Parler ainsi du salut ou du non salut, c’est le parler en termes de bonheur ou de malheur, de réussite ou échec

L’étymologie du mot salut nous le dit déjà puisque cela vient du mot

salvus qui se traduit par sain, solide et salvare qui veut dire rendre fort garder, conserver.

On est donc dans un registre d’épanouissement, aller jusqu’au bout de soi-même, s’accomplir, trouver sa vie, le sens de sa vie.

En parlant de salut de cette manière là, on peut être en phase avec une aspiration humaine fondamentale et donc que cela parle à nos contemporains. Cela fait appel à notre conscience d’un inachèvement de notre être qui aspire à un plus, à un mieux, qui a soif d’un accomplissement.

Mais c’est d’abord notre être même qui est un salut ! Dieu en créant le monde nous a sauvé du néant c'est-à-dire de ne pas exister !

L’acte créateur est un acte de salut : nous sauver de l’inexistence.

Acte de liberté de Dieu qui veut aimer en lui-même (Trinité) mais aussi à l’extérieur de lui vers nous.

Cette mise au monde n’est pas pour retomber dans le néant mais pour une relation d’amour éternel (et nous retrouvons ici le salut évoqué au début). Notre vie n’est pas pour rien. Elle est ordonnée finalisée par une vie d’amitié avec Dieu pour l’éternité. Nous sommes habité-es par un infini. Cette dignité est notre salut. C’est ce que les théologies chrétiennes orientales nous disent en parlant de divinisation.

 

 

 

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11 février 2017 6 11 /02 /février /2017 16:44
Conférence sur le livre: Masculin-Féminin. Où en sommes-nous? Décryptage d'une encyclique

Voici le texte d'une conférence que j'ai donné pour présenter mon livre.

 

Choisir ce thème du masculin-féminin a plusieurs raisons.

- la conscience aigüe que le discours et la pratique concernant les femmes dans l’Eglise catholique romaine est une des causes de la déchristianisation. (Voir à ce sujet le n° de la revue Etudes de janvier 2011 par Joseph Moingt : la femme et l’avenir de l’Eglise p 67)

On a pu parler de la perte de la classe ouvrière, on peut parler de la perte d’un nombre important de femmes. Le pic de l’hémorragie ayant été provoqué par la publication d’humanae vitae.

-il y a donc un problème entre l’Eglise catholique et les femmes ! Ce problème se focalise sur l’obstination à exclure les femmes des ministères. Ce n’est pas l’unique problème mais c’est le problème source de toute une conception du féminin et de masculin.

Mon livre n’a pas voulu aborder ce problème de front mais de chercher les racines de cette exclusion par un modèle féminin qui n’est plus audible dans des sociétés marquées par la modernité.

Pour cela je me suis plongé dans une lettre encyclique peu connue qui a pour titre Mulieris dignitatem. Elle date de 1988 sous la signature de Jean-Paul II. Elle mérite d’être lu car on y découvre des prises de positions, on pourrait dire libératrice pour les femmes et d’autres qui continuent de les enfermer dans un stéréotype. L’hypothèse de deux auteurs n’est pas à exclure !

L’un qui a voulu au maximum correspondre à la modernité des rapports homme/femme en les fondant sur une interprétation renouvelée de textes bibliques. Et c’est heureux !

L’autre continuant de pratiquer une lecture fondamentaliste d’autres textes bibliques et une symbolique pour justifier l’exclusion des femmes des ministères. Et c’est malheureux !

 

Je suis très critique sur cette encyclique, ce sera la 2ème partie de mon intervention de ce soir.

Mais il me semble important de pointer dans un premier temps ces aspects innovants car on peut s’en servir pour contrer le sexisme.

 

*Le fameux texte des Ephésiens sur la soumission de la femme au mari est expliqué dans cette Lettre par le contexte social du temps de Paul. Cette lettre nous dit qu’il faut l’interpréter comme une soumission réciproque. Je cite :

Le défi de l’ethos de la Rédemption est clair et définitif. Toutes les motivations de la soumission de la femme à l’homme dans le mariage doivent être interprétées dans le sens d’une soumission réciproque.

 

*Pour cette lettre encyclique, le texte de Gn 1 : « homme et femme à l’image de Dieu » est la parole biblique fondatrice pour penser le rapport homme/femme.

Elle fonde théologiquement les points suivants au chapitre 3 qui a pour titre « Image et ressemblance de Dieu ».

C’est une affirmation très forte de la dignité égale de l’homme et de la femme car tous deux sont créés à l’image de Dieu.

« Le texte biblique fournit des bases suffisantes pour que l’on reconnaisse l’égalité essentielle de l’homme et de la femme du point de vue de l’humanité »

 

Cette égalité se décline sous plusieurs aspects:

-L’homme et la femme possèdent une commune humanité :

Tous les deux sont des êtres humains, l’homme et la femme, à un degré égal tous les deux.

-Ils ont une commune vocation à la domination de la terre et une origine commune.

Le Créateur confie la domination de la terre au genre humain, à toutes les personnes, à tous les hommes et à toutes les femmes, qui puisent leur dignité et leur vocation dans leur origine commune.

-Ils possèdent en commun le statut de personne humaine :

L’homme est une personne et cela dans la même mesure pour l’homme et pour la femme.

-Leur relation est régi par la réciprocité

« Il n’est pas bon que l’homme soit seul » (Genèse 2 verset 18 )

n’est pas compris comme s’adressant seulement au masculin mais aussi au féminin, visant l’unité des deux. Il est question d’une

«relation réciproque de l’homme à l’égard de la femme et de la femme à l’égard de l’homme. »

Et l’aide dont parle Genèse 2, 18-25 n’est pas non plus interprétée à sens unique : l’une et l’autre sont aides mutuelles au service de la découverte et de la confirmation de leur humanité :

La femme doit aider l’homme et en même temps l’homme doit aider la femme…il s'agit d’une aide des deux côtés et d’une aide réciproque.

 

-Leur commune humanité est voulue pour elle-même par Dieu :

L’homme -homme et femme- est le seul être parmi les créatures du monde visible que Dieu créateur ait voulu pour lui-même 39

 

-Homme et femme sont image de Dieu

Cette anthropologie de l’égalité homme-femme se fonde sur la théomorphie, c'est-à-dire sur la création de l’humain, homme et femme, à l’image de Dieu. Ce chapitre est d’une totale clarté, C’est le thème de l’image qui est fondement de tout ce passage, et fonde l’égalité de l’homme et de la femme. Cette image de Dieu dont ils sont porteurs tous les deux, est la caractéristique essentielle de l’être humain, homme et femme, personne à l’image du Dieu personnel, et en ce sens semblable à Dieu.

 

-Dieu peut se dire au féminin

Tout ce discours novateur permet même d’ouvrir à une autre représentation de Dieu. En allant jusqu’au bout de sa logique, l’égalité fondée sur une commune théomorphie permet de concevoir Dieu sous des traits non seulement masculins mais également féminins.

Dans l’ensemble du corpus biblique, ces images sont en majorité masculines. Mais cette lettre encyclique fait remarquer qu'il y en a de féminines. Par exemple le livre d’Isaïe, au chapitre 49 verset 14 à 15, où Dieu est comparé à une femme qui n’oubliera jamais ses enfants et Isaïe 66 verset 13, comme une mère qui console.

 

Si la lettre encyclique s’était arrêtée là, c’était un vrai progrès.

Mais non seulement il y a une suite qui est désastreuse mais il y a d’abord une première critique à faire et elle est de taille.

Les personnes peu au fait de l’histoire de la pensée chrétienne depuis 2000 ans pourrait penser en lisant cette première partie de la lettre que l’Eglise catholique a toujours eu ce langage. Mais il n’en est rien.

Cette lettre peut être considérée comme une rupture avec le discours qui a dominé pendant 20 siècles.

Heureuse rupture donc et qui permet de dire que le discours peut changer et pourra encore changer.

 

Pour mesurer l’ampleur de cette rupture, je vous propose quelques flashs :

*Un texte du Droit canon

La femme ne serait pas image de Dieu dans l’ordre de la création. Adam est le premier homme exemplaire. Eve est secondaire parce que dérivée. Le couple originel est le prototype de tous ceux à venir, chaque « vir » (mot latin pour le masculin) héritant de la primauté d’Adam et chaque « mulier » (mot latin pour dire le féminin) héritant de la dépendance d’Eve.

qu’elle soit image de Dieu, ce qui est absurde. De quelle façon en effet peut-il être dit de la femme qu’elle est image de Dieu, elle qu’on constate soumise à la domination de l’homme et n’avoir nulle autorité ? En effet, elle ne peut ni enseigner, ni être témoin, ni dire la foi, ni juger et encore moins commander ! L’homme en effet a été fait à l’image de Dieu, et non la femme.

Le voile de la femme était considéré comme un signe de sa subordination en tant que non-théomorphe.

C’est pourquoi la femme doit se voiler la tête parce qu’elle n’est pas image de Dieu et doit se montrer soumise

 

*St Augustin

La femme avec son mari est image de Dieu, de sorte que la totalité de cette substance humaine forme une seule image ; mais lorsqu’elle est considérée comme l’auxiliaire de l’homme - ce qui n’appartient qu’à elle seule - elle n’est pas image de Dieu ; par contre l’homme, en ce qu’il n’appartient qu’à lui, est image de Dieu…

Dans la pensée d’Augustin, on voit donc que, associée à l'homme, la femme est image de Dieu. Mais l'homme n'a pas besoin de la femme pour l'être. Il l'est en lui-même, image parfaite, entière. Et la raison de la non-théomorphie de la femme sans l'homme, c'est son statut d'auxiliaire.

 

*St Thomas

…pour ce qui est de certains traits secondaires, l'image de Dieu se trouve dans l'homme d'une façon qui ne se vérifie pas dans la femme ; en effet, l'homme est principe et fin de la femme, comme Dieu est principe et fin de toute la création. Aussi, une fois que St. Paul eut dit : L'homme est l'image et la gloire de Dieu tandis que la femme est la gloire de l'homme, il montra la raison pour laquelle il avait dit cela en ajoutant : Car ce n'est pas l'homme qui a été tiré de la femme, mais la femme de l'homme, et ce n'est pas l'homme qui a été créé pour la femme, mais la femme pour l'homme.

 

*St Bonaventure

Le sexe masculin est nécessaire pour la réception des Ordres… car nul ne peut recevoir les Ordres s’il n’est image de Dieu, parce que dans ce sacrement la personne humaine devient d’une certaine manière Dieu 33 ou divine, puisqu’elle devient participante au pouvoir divin. Mais c’est l’homme qui est, en raison de son sexe, Imago Dei, comme il est dit dans le chapitre 11 de la 1ère lettre aux Corinthiens. Il est donc impossible à une femme d’être ordonnée.

 

*le Pape Pie XI, dans l’encyclique Casti connubii.

C’est une bonne illustration de la doctrine classique qui a prévalu jusqu'au Concile Vatican II.

…La société domestique ayant été bien affermie par le lien de cette charité, il est nécessaire d'y faire fleurir ce que saint Augustin appelle l'ordre de l'amour. Cet ordre implique et la primauté du mari sur sa femme et ses enfants, et la soumission empressée de la femme ainsi que son obéissance spontanée, ce que l'Apôtre recommande en ces termes : Que les femmes soient soumises à leurs maris comme au Seigneur ; parce que l'homme est le chef de la femme comme le Christ est le Chef de l'Eglise.

Pour ce qui regarde la structure même de la famille et sa loi fondamentale établie et fixée par Dieu, il n'est jamais, ni nulle part, permis de les bouleverser ou d'y porter atteinte.

 

*En 1880, une autre encyclique avait abordé le même thème :

L'homme est le prince de la famille et le chef de la femme ; celle-ci, toutefois, parce qu'elle est, par rapport à lui, la chair de sa chair et l'os de ses os, sera soumise, elle obéira à son mari, non point à la façon d'une servante, mais comme une associée ; et ainsi, son obéissance ne manquera ni de beauté ni de dignité. Dans celui qui commande et dans celle qui obéit - parce que le premier reproduit l'image du Christ, et la seconde l'image de l'Eglise, - la charité divine ne devra jamais cesser d'être la régulatrice de leur devoir respectif.

 

Je termine par ces citations pour bien montrer la rupture que Mulierisdignitatem instaure par rapport aux encycliques précédentes :

Non théomorphie de la femme, soumission dans le plan de Dieu, statut d’auxiliaire.

 

 

J’en viens maintenant à la 2ème partie de la lettre encyclique qui est extrêmement malheureuse pour les femmes. S’il faut résumer en une formule, on peut dire :

Le masculin du côté du divin et le féminin du côté de l’humain

Enfermement du féminin dans des stéréotypes très étroit

1-D’abord : masculin du côté du divin et le féminin du côté de l’humain

*Le masculin du côté du divin puisque le Christ est un époux au masculin

Pour étayer cette idée fondamentale, la lettre s’appuie sur la permanence biblique à présenter Dieu comme un époux et Israël comme son épouse dans l’Ancien Testament.

l’amour de Dieu pour son peuple, semblable à celui d’un époux, exprimerait la qualité sponsale de cet amour qui ne pourrait être que masculine.

Christ est l’époux et par là s’exprime la vérité sur l’amour de Dieu qui a aimé le premier. Un époux qui, en s’incarnant, est devenu vrai homme au masculin. « Le symbole de l’époux est donc du genre masculin C’est par ce symbole masculin que Dieu exprime son amour.

Elle met les hommes seuls du côté de l’époux puisqu’ils ont le sexe de l’époux. Et cela permet de justifier l’assymétrie du masculin et du féminin dans la célébration de l’Eucharistie.

Si le Christ, en instituant l'Eucharistie, l'a liée d'une manière aussi explicite au service sacerdotal des Apôtres, il est légitime de penser qu'il voulait de cette façon exprimer la relation entre l'homme et la femme, entre ce qui est "féminin" et ce qui est "masculin", voulue par Dieu tant dans le mystère de la Création que dans celui de la Rédemption. Dans l'Eucharistie s'exprime avant tout sacramentellement l'acte rédempteur du Christ-Epoux envers l'Eglise-Epouse. Cela devient transparent et sans équivoque lorsque le service sacramentel de l'Eucharistie, où le prêtre agit "in persona Christi", est accompli par l'homme.

*le féminin du côté de l’humain et Marie en est l’essence

Pour la lettre encyclique, Marie est l'archétype de la dignité de la femme.

En Marie « on retrouve la femme telle qu'elle fut voulue dans la création et donc dans la pensée éternelle de Dieu, au sein de la très sainte Trinité. Marie est le nouveau commencement de la dignité et de la vocation de la femme, de toutes les femmes et de chacune d'elles…

*Conséquences inégalitaire d’une symbolique allégorisante

Pour cette lettre le Christ n’est pas « comme » un époux, simple image pour dire une fidélité. Non, il EST époux, identification terme à terme du Christ à l’époux.

Cette symbolique allégorisante se décline ainsi :

Adam de sexe Masculin= Christ nouvel Adam = époux = principe masculin = les hommes concrets ;

Eve= Marie nouvelle Eve = épouse et mère = principe féminin= les femmes concrètes.

Avec cette symbolique allégorisante, le féminin et donc toutes les femmes, ne peuvent qu’être dans une position seconde, réceptrice, uniquement du côté de l’humain, tandis que le principe masculin et donc tous les hommes se voient attribuer la position première, initiatrice, ayant part à la dimension divine du Christ.

Nous avons vu qu’il y a bien rupture avec une anthropologie inégalitaire des sexes dans cette lettre encyclique. Mais l’inégalité est réintroduite dans la symbolique allégorisante du mystère de l’Eglise. Dans ce mystère, le féminin est remis à une place inégale.

*Critique

Le lien entre Eve et Marie est présentée comme le mystère de la femme et il est situé face au lien Adam/Christ dont on dit qu’il est mystère du Christ. Cela veut dire que la typologie Adam/Christ dit le mystère de l’homme masculin et uniquement lui.

Il n’est pas théologiquement juste de dire cela parce que le Christ et Marie sont des modèles pour tout humain qu'il soit femme ou homme. Bien sûr le sexe de Marie est féminin et le sexe de Jésus en son humanité est masculin. Mais la foi a tenu que l'Incarnation assumait tout l'humain. C'est un enjeu de salut, selon l'adage classique que ce qui n'est pas assumé, n'est pas sauvé. Le credo nous fait dire : homo factus est et non pas vir factus est. Il faut donc penser qu'en assumant la nature humaine sous sa limite inévitable d'un sexe et non de l'autre, ce sont les humains des deux sexes qu'il assumait et sauvait.

Les liens Eve/Marie et Adam/Christ tels que le pense Mulieris dignitatem sont dangereuses pour les femmes. Car ils rétablissent une hiérarchie : le féminin serait tout entier du côté du créé, de l’humain ; le masculin par son union au Verbe serait seul à être uni à Dieu.

Pour contrer cette pensée, Il faut donc continuer à dire et à tenir que le Christ est le modèle et le nouveau commencement de la dignité et de la vocation de tous les humains, femme et homme, de toutes les femmes et de tous les hommes, de chacune d'elles et de chacun d'eux.

Au n° 11 de la lettre, le fait de situer aussi Marie modèle du féminin, sans faire du Christ aussi le modèle des femmes, réintroduit une hiérarchie qui peut être légitimement interrogée y compris au niveau de sa justesse doctrinale.

Par l'incarnation c’est la nature humaine qui est assumée, ce qui fait que les femmes, comme les hommes, sont uni-es à lui. Par le baptême, des êtres humains, hommes et femmes deviennent d'autres "Christ", sont configurés à lui. On peut donc regretter que cette dimension baptismale qui configure au Christ les femmes comme les hommes soit absente de la lettre.

2-Un enfermement du féminin

*dans une vocation d’épouse et de mère

La vocation de la femme serait d’être épouse et mère. Donc si on réfléchit, elle n’est pas pensée pour elle-même mais pour son mari en étant épouse et pour son mari en étant mère des enfants de son mari.Le magistère romain a cru bon d’écrire une lettre encyclique sur la femme qui a pour titre Mulieris dignitatem. Mais il n’existe pas jusqu’à présent un document similaire qui aurait pour titre Viri dignitatem. Pourquoi ? Parce que dans cette pensée, ce qui serait dit de l’homme masculin (viri), ne pourrait être que l’équivalent de l’humain (homo). Un texte sur la femme (mulier), devant l’absence d’un texte sur l’homme masculin, dit, de fait, que le masculin continue d’être pensé par le magistère romain comme générique de l’humain, sans particularité, et que seul le féminin en comporte, la particularisant, l’incluant tout en le mettant à part et la pensant, non pour elle-même mais pour l’homme masculin.

* en posture de réceptivité

Pour cette lettre encyclique, la position d’épouse serait la vérité sur la femme. L’époux est considéré comme celui qui donne et l’épouse celle qui reçoit. L’épouse est aimée et reçoit l’amour pour aimer à son tour. Il s’agirait d’un universel fondé sur le fait d’être femme. La femme aurait donc reçu mission d’être prophète de cette attitude de réceptivité de l‘amour, « être aimé », qui, dans la Vierge Marie trouverait son expression la plus haute. Cela induit une dimension passive de Marie comme figure des femmes. Cela la met et les mets du côté de la réceptivité d’une action dont elles n’ont pas l’initiative. Ceci est légitime pour l’attitude de foi comme accueil par le croyant d’une grâce qui lui vient de Dieu. Cela ne l’est pas si on en fait le paradigme du féminin et cela n’est pas recevable dans une anthropologie qui reconnaît aux femmes une identique posture d’initiative.

*en femme éternelle

Comme pour d’autres encycliques ayant pour thème la sexualité, le biologique[6] est une donnée normative, donc statique. Il y aurait un ordre de la nature qui est destin pour la femme. Cela pouvait se comprendre dans les situations historiques passées où l’espérance de vie ne dépassait guère 40 ans, où la multiplication des naissances se justifiait par une très grande mortalité. Cela n’est plus la réalité pour une part importante de femmes dans le monde d’aujourd’hui. L’horizon vocationnel des femmes en France, par exemple, ne se réduit pas à être épouse et mère, comme par exemple l’investissement dans le travail professionnel, l’accession (en pratique, non sans difficultés et sinon en théorie) à tous les postes de responsabilités dans la société civile. La créativité des femmes n’est maintenant plus limitée à la seule maternité, elles peuvent s’épanouir dans tous les domaines du politique, de l’économique, du social, du culturel …Tous ces domaines demandent autant de qualités d’initiative que de réceptivité, ils ne se vivent pas selon le schéma de la lettre encyclique fondée sur un don au masculin et l’accueil du don au féminin mais selon une réciprocité où chacun donne et reçoit sans prééminence. La soi-disante réceptivité féminine ne serait-elle alors signifiante que pour la symbolique ecclésiale ? Dans ce cas, pourquoi y aurait-il posture d’initiative dans ce qui est de l’ordre humain et seulement posture de réceptivité dans le domaine ecclésial ? Cela reviendrait à penser une double anthropologie contradictoire.

*dans une conception statique de la révélation

Il n’est pas légitime, à partir du donné de la foi d’un sauveur masculin né d’une femme, vierge et mère, d’en tirer une anthropologie du masculin et du féminin.Il fut un temps où l’on tirait de la Bible une cosmologie, ce qui, à l’époque moderne, a introduit le conflit entre science et foi. C’est la même contestable démarche qui anime cette Lettre encyclique dangereuse pour les femmes mais également pour la crédibilité du magistère romain. Le magistère romain a renoncé à fonder bibliquement une cosmologie. Le temps n’est plus à la défense d’une création en sept jours. De même, il n’est plus possible de chercher dans la Bible une anthropologie révélée du masculin et du féminin, qui dirait de toute éternité ce qu’est une femme, ce qu’elle doit être et rester. La lettre encyclique relève de ce mode de pensée. Elle ne peut être reçue par les femmes qui luttent pour ne pas être enfermées dans des stéréotypes qui les empêchent de développer toutes leurs potentialités humaines. La Révélation se situe au niveau du sens de l’existence, d’une anthropologie fondamentale, d’un être humain à l’image de Dieu, aimé et capable d’aimer, digne de respect. Cette anthropologie dit le sens de l’existence humaine et son orientation vers Dieu mais elle n’offre pas une anthropologie particulière, une science anthropologique révélée de ce que serait le féminin et le masculin. Cette anthropologie particulière est à bâtir par l’expérience de tous et de toutes, chrétiens ou non.

Il faut sortir de cet enfermement. C’est ce que j’ai essayé de faire dans la 2ème partie de mon livre. L’enjeu est d’importance, c’est celui de favoriser un christianisme qui se positionne de manière claire contre toutes les formes de discrimination, pour une libération de toutes et de tous. La manière de parler de la différence homme-femme et la manière de représenter Dieu, font partie de cette libération, soit pour la favoriser, soit pour s’y opposer ou la freiner.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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10 novembre 2016 4 10 /11 /novembre /2016 14:07
Penser la foi Dieu Trinité: Père-Fils-Esprit...autrement.

Dieu, en christianisme, se décline avec trois noms :

Père, Fils, Esprit.

L’origine de cette formulation nous vient des Conciles qui ont eu lieu dans les premiers siècles de l’Eglise.

Ils se sont appuyés sur la manière qu’avait Jésus de s’adresser à Dieu dans les Evangiles (Fils du Père), sur ses paroles et ses actes révélant sa divinité et sur l’expérience de l’Esprit que faisaient les premier-ères chrétien-nes.

 

1-Parler de Dieu comme Père peut donner à entendre une familiarité, une proximité avec Dieu. En ce sens, elles sont bénéfiques pour la relation à Dieu. Mais elles peuvent aussi donner à entendre un lien à Dieu du registre de la famille. En cela, elles peuvent être un obstacle à la foi, sous plusieurs aspects :

*Tout d’abord un rejet à cause de la figure paternelle masculine de Dieu excluant le féminin en Dieu.

(Cette figure masculine de Dieu renforce le patriarcat en lui donnant des justifications religieuses.)

Certain-es, pour pallier à cela disent Père-Mère. Mais on reste toujours dans le registre familial et si votre père ou votre mère ont été de mauvais parents, de ceux qui battent leurs enfants, ou tant d’autres choses…vous aurez du mal à voir Dieu comme Père ou Mère !

*Même sans expérience malheureuse, la symbolique familiale reste ambigüe car se situer devant un Dieu parent peut être vécu comme une dépendance dont on ne peut sortir et faire rester toujours un enfant sans jamais devenir adulte, rester dans un rapport à Dieu infantile et infantilisant.

 

Mais il est possible d’entendre autrement Père-Mère : la conscience d’une origine : je viens de…Avoir conscience de n’être pas sa proche origine. Ce qui, d’un point de vue simplement humain ne peut pas être contesté. Et connaitre son origine est vital pour la construction de l’humain.

La foi chrétienne dit de ce point de vue quelque chose d’inouï : tu viens de Dieu, ton origine est divine.

De quoi favoriser une belle estime de soi !

 

Cependant il faut encore que cela n’alimente pas la conscience d’une dette pesante qui se dirait ainsi : «  Si je viens de lui-elle, je  lui doit tout et je dois rendre des comptes » Image d’un Dieu dont le don ne serait pas gratuit mais qui exigerait un retour.

Non, ce qui fait honneur à Dieu c’est de penser que ce qui est donné est gratuit. C’est donné. Un point, c’est tout.

Si l’on veut donner à notre tour, c’est de l’ordre de notre liberté, un don à notre tour mais pas un rendu qui serait obligé.

Et ce don est à donner d’abord aux autres.

C’est en donnant aux autres qu’on donne à Dieu. (voir Mt 25/31-46).

 

Osons une autre formulation :

Dieu est Volonté d’amour, Parole d’amour, Acte d’amour.

Dieu EST amour.

Et nous avons là une manière de parler de la Tri-Unité de Dieu dont l’image n’est pas du registre familial.

 

2-Mais alors comment parler de Jésus comme Fils ?

Comme Parole d’amour, Parole qui s’est fait humaine, et qui dans son humanité avait conscience de son origine.

 

3-Et comment parler de l’Esprit ?

Comme Acte d’amour depuis toujours et pour toujours, pour tous les temps et tous les êtres.

 

A suivre…

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1 octobre 2015 4 01 /10 /octobre /2015 11:22
Penser la foi autrement: Dieu n'est pas un assureur.

Dieu n’est pas un assureur.

Beaucoup de gens qui ont perdu un proche dans un accident de voiture, (un exemple parmi bien d’autres) seront d’accord avec moi : la foi et la prière ne préservent pas des accidents de la vie.

A la suite d’événements dramatiques de ce genre, certains sont devenus athées de ce dieu sensé protéger du malheur…et ils ont eu raison, car ce dieu n’existe pas.

D’autres continuent d’y croire au prix d’une image de dieu indigne de Dieu : un dieu qui protégerait les uns et pas les autres ! Un dieu qui déciderait de la mort des uns et pas des autres. Un dieu dont la volonté relèverait du caprice.

Interview d’une musulmane après le drame de la Mecque où des centaines de gens sont morts : « C’était la volonté de Dieu ». Fatalisme musulman, me direz-vous ?

Mais ce faux dieu est aussi dans la tête des chrétiens, ne serait-ce qu’avec cette expression courante au moment d’un décès : « Dieu a rappelé à lui… » Alors, comme ça Dieu rappelle à lui certains et pas d’autres ?

On touche là, une lacune de nos expressions de la foi : on ne les pense pas. On ne réfléchit pas à ce que cela induit.

Ce faux dieu est le dieu du sentiment religieux primitif. Il remonte à la nuit des temps, quand l’humain vulnérable aux forces de la nature et encore incapable d’en comprendre les mécanismes, les assimilait à des puissances divines et cherchaient à se les concilier par des prières et des sacrifices. C’est ce qu’on appelle la pensée magique.

Aujourd’hui, dans les cultures modernes, nous devrions en être libéré-es. Et pourtant, cette pensée continue d’agir et d’alimenter le désir d’un dieu assureur des malheurs de l’existence : « Mon Dieu faites que… »

Mais le vrai Dieu n’est pas un assureur. Croire en lui, lui parler n’est pas une assurance contre le malheur. Il suffit de regarder nos vies.

 

Il n’est pas un assureur…

il est un Ami et c’est cela qui change tout.

L’ami, c’est quelqu’un qui est là dans les coups durs, sa présence n’enlève pas le malheur qui nous frappe mais il est l’épaule sur laquelle on peut pleurer, il est l’oreille qui peut entendre nos cris, il est présence qui nous sauve de la solitude, soutien pour continuer à vivre, parole qui nous invite à nous battre et à combattre pour que cela n’arrive pas à d’autres. Il existe plein d’exemple de gens qui ont crée des associations qui ont pour origine un drame personnel.

 

Dieu est Ami comme cela et nous aide à nous libérer de la pensée magique.

La pensée magique du dieu assureur est une pensée facile qui encourage le conservatisme et conforte l’inaction : nous nous en remettons à dieu au lieu d’agir.

Quand bannirons-nous à jamais cette prière scandaleuse adressée à Dieu, que certains continuent à dire au début du repas : « procurez du pain à ceux qui n’en ont pas » Facile en effet de se décharger sur Dieu ce qui est en fait de notre responsabilité.

 

Le Dieu Ami est donc aussi celui qui nous invite à la

responsabilité :

Que faire pour limiter au maximum et dans la mesure du possible le malheur ? Progrès médicaux, vigilance professionnelle, éducation, justice sociale, partage des richesses, lois qui protègent…

 

Dieu n’est pas un assureur, il est un Ami.

Laissons son amitié transformer nos vies.

 

 

 

 

 

 

 

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