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26 juin 2019 3 26 /06 /juin /2019 19:05
A quelles conditions une communauté religieuse est-elle vivante et donne-t-elle de la vie ?

Vivante si elle est fondée sur un projet

Une personne, un groupe sans projet est quelque chose à moitié mort.

Projet dit dynamisme, élan. Un projet suscite initiative, goût d’entreprendre. Le projet ici est que l’Evangile soit de plus en plus parole qui transforme la vie. Projet dit ce qui mobilise tout l’être, lui donne sens à la vie, l’oriente.

Vivante si fondée sur une recherche

Le projet ne suffirait pas en lui-même pour susciter la vie si c’est un projet de répétition. Il y faut d’abord se situer dans une dynamique de recherche. Ne plus chercher, c’est mourir.

Chercher d’abord pour soi et il y va de la responsabilité de chacune de faire de sa vie une recherche jamais lassée de Dieu en se donnant les moyens pour cela. La recherche de Dieu se nourrit de contemplation, d’études, d’actions. Aider à chercher et trouver Dieu vivant et qui fait vivre et se libérer des fausses images de Dieu qui aliènent et empêchent de vivre à plein.

Vivante si fondée sur la foi en Dieu qui libère

Nous savons le lien fort qu’il y a entre anthropologie et théologie : « Dis-moi quel est ton Dieu et je te dirai qui tu es ». Devenir plus vivante, susciter la vie autour de soi est lié à une certaine expérience de Dieu. Il y a des images de Dieu qui aliènent et d’autres qui libèrent.

1-Volonté de Dieu comme appel à vivre

Chercher à vivre de Dieu qui libère et chercher à ouvrir pour les autres des chemins de liberté. Un des points de libération concerne la conception qu’on se fait de la volonté de Dieu. Si on se fait l’idée que Dieu a une volonté préétablie, extérieure à nous-même, qu’il faudrait deviner à travers des signes, auquel il faudrait se conformer, que Dieu aurait écrit à l’avance dans un grand livre, ce n’est pas un chemin de vie, c’est une forme d’emprisonnement spirituel, source d’inquiétude, car comment la découvrir ? Essayer de vivre (et de le proposer à d’autres) Dieu qui ne veut qu’une seule et unique chose : que nous soyons des vivant-es, que nous fassions des choix qui favorisent la vie et que nous choisissions selon le désir du cœur. Essayer de libérer le désir le plus profond, intérieur à nous-même.

C’est donc une pédagogie de la responsabilité. Il s’agir d’inventer sa vie. Ce n’est pas un chemin facile, certains préfèrent les certitudes. Il faut choisir entre ce qui rassure mais fige ou ce qui aventure mais ouvre un espace pour vivre à plein.

 

2- Amour inconditionnel et accueil positif de soi

Proposer l’expérience d’un amour inconditionnel de Dieu qui libère peu à peu de la sévérité envers soi-même et envers les autres, de la mauvaise culpabilité.

C’est une pédagogie de la valeur de soi et des autres, de l’accueil de soi et des autres comme capables de bonté, de vérité, de justice car créés à l’image de Dieu. Une vision positive de l’humain.

Communauté vivante si l’expérience de Dieu qui est proposée à vivre est celle de Dieu définitivement pour nous, libérée des images aliénantes de Dieu : gendarme, punissant, manipulateur etc.

 

3- Vivante si fondée sur l’égale dignité des personnes

Le mépris, la valence différentielle entre les gens, ne favorisent pas la vie, au contraire elles sont sources de mort. Favoriser une communauté où chacun a sa place et où les différences légitimes et réelles sont des richesses valorisées, permet le dynamisme de la vie.

Cela veut dire que chacun a valeur quel que soit son âge, sa capacité de travail, ses compétences.

 

Vivantes si communauté alternative

Ce concept de communauté alternative, je l’ai trouvé chez une théologienne américaine, Sandra M. Schneiders[1].

Elle montre en quoi les communautés religieuses portent en elles une utopie d’un autre type de rapports humains, un monde alternatif dans la société mais aussi dans l’Eglise, une certaine manière de comprendre, de s’organiser, d’agir vis à vis des données fondamentales de l’existence humaine que sont le rapport aux biens, le pouvoir et la sexualité.

Oser vivre dès maintenant un autre type de rapport au monde, à l’opposé de l’exploitation sexuelle, de la domination politique, et de l’oppression économique.

C’est dès maintenant prouver que d’autres chemins d’un vivre ensemble sont possibles.

Être communauté vivante c’est donc aussi ouvrir une espérance.

Ce concept de communauté alternative induit que quelque chose de notre monde est à contester, transformer, qu’un monde différent est à construire.

Elle le présente comme un monde de pardon, de dignité, d’égalité pour toutes et tous.

La vie religieuse, si elle est fidèle à sa vocation, est moteur de transformation.

A/ Par une économie de don

A partir de l’opposition entre économie de commodité et économie de don développé par Lewis Hyde[2], Sandra M. Schneiders montre que les communautés de religieuses et de religieux vivent une économie de don. Leurs membres la créent et la vivent car il y a mise en commun des biens et remise de ces biens selon les besoins et non sur d’autres critères comme par exemple le type de travail, l’âge, les capacités : un membre en formation, un religieux grabataire ou en pleine activité auront ce qui est nécessaire pour vivre, en fonction de cela et non par égard à la charge de travail. Ce rapport aux biens s’appuie sur la parabole de Mt 20/1-16 : chacun reçoit ce qui lui revient, une journée de salaire, c’est à dire ce dont une personne a besoin pour vivre.  Vivre cela dans le système économique dominant, c’est déjà créer un système alternatif, le droit à la vie et aux ressources nécessaires pour l’entretenir ne découlent pas d’un travail plus ou moins important ou valorisé selon une hiérarchie contestable. Tous et toutes doivent recevoir ce qui est nécessaire à la vie. La vie religieuse, si elle vraiment vécue, est vie communautaire d’amitié évangélique entre personnes égales.

B/ Par une organisation évangélique non-hiérarchique

La vie religieuse est une société composée d’adultes égaux et libres qui choisissent de se regrouper non pour eux-mêmes mais par amour du Christ et désir de vivre l’Evangile de manière particulière. Cela établit une parenté non de sang mais de foi. Le fait de s ‘appeler frère, sœur dit bien ce caractère égalitaire et non hiérarchique. Il n’y a pas de gouvernés et de gouvernants mais une responsabilité pour tous, et où toute responsabilité est un service.

(Selon l’impératif de Jésus en Mt 20/26 et Mc 10/43.)

De soi, quand la vie religieuse vit cela, et si elle vit cela, ( et ce n’est malheureusement pas le cas partout) elle crée un monde alternatif de structures de pouvoir. Elle dit qu’une communauté non hiérarchique est de l’ordre du possible. Elle le dit à la société et à l’Eglise.

 

Il est bien évident que le côté alternatif présenté ici n’est pas un monopole de la vie religieuse. C’est une exigence de tout chrétien, de toute chrétienne qui s’alimente vraiment à la source évangélique. C’est aussi chemin de vie pour toute femme, tout homme.

 

 

[1] S.M SCHNEIDERS,  « La vie religieuse dans l’avenir », Congrès international de la vie consacré, Rome nov.2004, Passion pour le Christ, passion pour l’humanité, Editions Bayard, 2005

[2] L. HYDE, The gift : Imagination and  the Erotic Life of Property, NY, Randon House, 1983

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16 avril 2018 1 16 /04 /avril /2018 22:46
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6 juillet 2017 4 06 /07 /juillet /2017 15:38
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14 juin 2017 3 14 /06 /juin /2017 11:57
Le magnifique engagement pour les femmes de Laurence Fischer

En République Démocratique du Congo, la guerre est officiellement terminée depuis longtemps. Pourtant, le viol se généralise : chaque année, 400.000 femmes sont victimes de ce fléau.

Certaines d’entre elles sont recueillies à la Fondation Panzi, créée par le Dr Mukwege, un chirurgien qui les prend en charge. Depuis 3 ans, Laurence Fischer, triple championne du monde de karaté, se rend à la fondation pour apprendre l’autodéfense aux femmes violées. Une rencontre qui va bien au-delà du karaté… une rencontre entre femmes, où s’invitent la force, le rire et les larmes.

De Katia Clarens, Thomas Nicolon, Bastien Renouil, Nicolas Combalbert et Xavier Gaillar – ARTE GEIE / Bew TV – France 2017

Pour voir cette video: 2 liens

http://info.arte.tv/fr/rdc-le-karate-pour-se-reconstruire

https://www.bing.com/videos/search?q=laurence+fischer&&view=detail&mid=23174DF328B0D841BDA123174DF328B0D841BDA1&FORM=VRDGAR

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16 mars 2017 4 16 /03 /mars /2017 10:51

J'ai beaucoup aimé cet interview car elle m'a confortée dans le travail qui est le nôtre comme sœurs du Cénacle, en particulier dans un Centre spirituel à Versailles où les gens qui viennent retrouve le temps de vivre.

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30 janvier 2017 1 30 /01 /janvier /2017 19:02
Quelques aspects d'une vie religieuse apostolique: une autre manière d'en parler

La vie religieuse est une manière, parmi d’autres, de suivre le Christ.

 

Parmi d’autres manières et pas mieux que les autres, mais avec les particularités suivantes :

 

*Un vivre avec d’autres (on appelle cela la vie communautaire) :

Dans le quotidien de la vie : un même lieu d’habitat, les repas, la liturgie, le partage, le soutien mutuel…

 

*une mise en commun de ce que l’on a et de ce que l’on est (on appelle cela la pauvreté)

Ce n’est pas la misère mais une manière de vivre la solidarité et le partage.

 

*une manière d’aimer originale (on appelle cela la chasteté continente)

Pour focaliser ses puissances affectives sur le Christ et accueillir les autres comme des frères et des sœurs

 

*une façon de faire des choix en dialogue (on appelle cela l’obéissance)

Ne pas vivre en solo mais chercher avec sa communauté et la responsable ce qui est le mieux pour vivre de l’Evangile du Christ.

 

*un enracinement fort dans une vie de prière personnelle.

Contempler le Christ pour que quelque chose de lui passe dans nos mains, nos cœurs, nos vies

 

*Une passion

Elle prend toute la vie pour que le Christ soit connu et aimer.

 

Et si l’on est une Sœur du Cénacle travaillant dans un Centre spirituel, on vit cela en animant des retraites, des temps-forts spirituels, en accompagnant spirituellement… mais on le fait, façonnée par la vie communautaire, les vœux de pauvreté, chasteté, obéissance, (ainsi que je les ai défini), la vie de prière, la passion pour le Christ.

 

La vie religieuse porte une utopie d’un autre type de rapports humains, un autre type de rapport au monde, à l’opposé de l’exploitation sexuelle, de la domination politique, de l’oppression économique et montre que d’autres chemins d’un vivre ensemble sont possibles : un monde d’accueil inconditionnel, de pardon, de dignité, de partage, de liberté spirituelle, de justice, de solidarité, d’égalité pour toutes et tous, de primat de la personne… Et cela informe toutes les propositions que nous faisons, les groupes que nous animons, notre manière de transmettre la foi, d’accompagner les personnes, d’accueillir…

Sr Michèle Jeunet, rc

 

 

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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 10:21

Voici un texte magnifique du dominicain Philippe Lefebvre. Cela permet de mieux goûter la beauté de la foi chrétienne.

Je l’ai trouvé sur le blog de Denis Chautard.

http://www.chautard.info/2015/01/caricaturer-dieu-par-philippe-lefebvre-dominicain-a-fribourg-suisse.html

 

Cet article a été publié dans la revue Vie spirituelle 281 de janvier-février 2009

 

Caricaturer Dieu de Philippe Lefebvre, op

Les Musulmans sont outrés de caricatures qu'un journal a produites du prophète Mahomet. Les Chrétiens se sont mobilisés récemment pour faire interdire telle affiche publicitaire dont la composition rappelait le tableau de Vinci représentant la Cène. Il n'est pas question ici d'entrer dans la complexité du débat, mais de rappeler un fait fondamental pour les Chrétiens : le Christ a assumé la caricature qu'on a faite de lui, pour en faire un paradoxal lieu de victoire.

Les Chrétiens ont pris comme insigne de leur foi l'objet même de la

dérision infligée au Christ : la croix. La croix est moqueuse : elle annonce la peine infamante, la basse extraction du condamné; elle porte sarcastiquement le motif de la condamnation : "Jésus de Nazareth roi des Juifs". La croix signale un lieu où l'on peut venir se gausser impunément :

"Sauve-toi toi-même", "Descends donc" chantonnent les imbéciles de tout poil à l'adresse du crucifié. La croix est une caricature : avec ses grands bras, sa trop longue jambe, elle parodie le corps; elle porte la carcasse écartelée d'un homme qui a dû auparavant —quelle ironie— la transporter lui-même. Elle représente toute la bouffonnerie meurtrière qui a conduit à la crucifixion : la couronne d'épines qui fait de Jésus un roi dérisoire, les insultes des soldats qui ont revêtu Jésus d'un manteau grotesque, les fausses révérences assorties de coups, la parodie de procès, les mensonges…

La pensée chrétienne dès les premiers siècles est allée dans le sens de plus de caricature encore pour subvertir la caricature. La croix qui ridiculise et qui fait honte, on l'appelle dans la tradition chrétienne le sceptre du roi, le trône du triomphateur, le siège de la justice, l'arbre de la vie, l'arbre de la connaissance, le drapeau de la victoire, le trophée glorieux, la seule espérance et bien d'autres noms encore. Le billet "roi des Juifs", écrit pour railler Jésus, est repris dans la liturgie comme l'aveu d'un credo irrépressible : c'est bien vrai, Jésus est le roi, fils de David, et sa croix est la souche de Jessé, père de David, laquelle devait porter un sauveur d'Israël.

Caricature, ironie grinçante, humiliation, dérision : rien de tout cela n'est évité, mais tout est assumé et transfiguré de l'intérieur. Pour les Romains qui entendaient les premiers Chrétiens revendiquer la croix du Christ comme un insigne de victoire, c'était indécent. Ils se disaient que vraiment les propos des Chrétiens étaient blasphématoires : prétendre que la croix, objet de justice et d'humiliation légale, pouvait être chantée et magnifiée comme un objet de vénération, c'était pour eux impensable, insupportable. On atteignait là le renversement complet : finalement, c'étaient les Chrétiens qui passaient pour caricaturaux et impudents en assumant sans complexe comme une "cause de joie" ce qui est prévu pour déshonorer. Reprendre la caricature comme emblème de gloire : c'est une ironie profonde, un humour théologique qui fait reculer la mort.

La foi des Chrétiens se fonde sur cette certitude que rien n'entame

finalement un être humain. La chair faible, piétinée, méprisée est le lieu d'où jaillit une vie plus forte que tout. Les Chrétiens n'ont pas peur de la caricature. Caricaturer le Christ ? Mais c'est déjà fait et cette caricature, je viens de le dire, a été assumée au point de devenir l'expression même de la foi : la croix, le corps supplicié, les mentions moqueuses de la royauté sont reprises, répétées, multipliées, elles sont même affirmées comme vraies, comme bienvenues, comme l'exact énoncé de ce qu'on voulait dire.

Je ne prétends pas répondre à tout ce qu'on peut dire sur les caricatures du Christ et de la religion chrétienne. Je veux affirmer ici qu'un Chrétien n'a pas à avoir peur des dessins burlesques et des paroles irrévérencieuses. Le Christ est plus fort et se rit des rieurs, bien plus il transfigure les outrances pour manifester l'excès de sa vie glorieuse.

Cela ne veut certes pas dire que tout doive être accepté et applaudi sans discernement, mais cela développe un certain style, une façon d'être : on ne pousse pas les hauts cris à tous bouts de champs, on ne demande pas tout le temps à être protégés de ceux qui disent des vilaines choses.

Un jour, je me trouvais à la sortie d'une messe d'ordination. Une dame passe et me voyant, moi et d'autres frères en habit religieux, elle me demande ce qui arrive. Je lui dis que des religieux dominicains viennent d'être ordonnés prêtres. C'était une époque où l'on parlait beaucoup de prêtres pédophiles; cette femme me dit alors avec une ironie venimeuse : "Des prêtres ? Alors il devait y avoir beaucoup de petits enfants tout près d'eux". Je lui ai répondu du tac au tac : "Des enfants ? Je ne sais pas. Mais en votre absence, il y avait moins d'imbéciles". "Comment osez-vous?" m'a-t-elle dit. "C'est moi d'abord qui doit vous poser la question" lui répondis-je.

Quand on suit le Christ, on apprend aussi à vivre avec la dérision, la

caricature, le mépris. Et —c'est à mon sens un don de l'Esprit saint— il arrive que l'on puisse jouer avec les mots mêmes qui étaient censés tuer, les retourner et en faire une occasion de triomphe.

 

Philippe Lefebvre, op 

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26 janvier 2015 1 26 /01 /janvier /2015 19:31

 

Abdennour Bidar a écrit dans le journal Marianne une lettre ouverte au monde musulman le lundi 13 Octobre 2014.  http://www.marianne.net/Lettre-ouverte-au-monde-musulman_a241765.html

Il est l’auteur de plusieurs livre dont : l'islam sans soumission : pour un existentialisme musulman, Paris, Éditions Albin Michel, collection L'islam des Lumières, 2008, 273 pages; Réédition en livre de poche, Albin Michel, collection Espaces Libres, 2012, 279 pages

 

Cet article mérite d’être connu car il montre le chemin qui est à parcourir pour que cette religion puisse se réformer, les conditions à remplir pour être facteur de paix et non de guerre.

C’est un musulman qui parle au monde musulman.

 

Lettre ouverte au monde musulman

Cher monde musulman, je suis un de tes fils éloignés qui te regarde du dehors et de loin - de ce pays de France où tant de tes enfants vivent aujourd'hui. Je te regarde avec mes yeux sévères de philosophe nourri depuis son enfance par le taçawwuf (soufisme) et par la pensée occidentale. Je te regarde donc à partir de ma position de barzakh, d'isthme entre les deux mers de l'Orient et de l'Occident!

Et qu'est-ce que je vois ? Qu'est-ce que je vois mieux que d'autres sans doute parce que justement je te regarde de loin, avec le recul de la distance ? Je te vois toi, dans un état de misère et de souffrance qui me rend infiniment triste, mais qui rend encore plus sévère mon jugement de philosophe ! Car je te vois en train d'enfanter un monstre qui prétend se nommer État islamique et auquel certains préfèrent donner un nom de démon : DAESH. Mais le pire est que je te vois te perdre - perdre ton temps et ton honneur - dans le refus de reconnaître que ce monstre est né de toi, de tes errances, de tes contradictions, de ton écartèlement interminable entre passé et présent, de ton incapacité trop durable à trouver ta place dans la civilisation humaine.

Que dis-tu en effet face à ce monstre ? Quel est ton unique discours ? Tu cries « Ce n'est pas moi ! », « Ce n'est pas l'islam ! ». Tu refuses que les crimes de ce monstre soient commis en ton nom (hashtag #NotInMyName). Tu t'indignes devant une telle monstruosité, tu t'insurges aussi que le monstre usurpe ton identité, et bien sûr tu as raison de le faire. Il est indispensable qu'à la face du monde tu proclames ainsi, haut et fort, que l'islam dénonce la barbarie. Mais c'est tout à fait insuffisant ! Car tu te réfugies dans le réflexe de l'autodéfense sans assumer aussi, et surtout, la responsabilité de l'autocritique. Tu te contentes de t'indigner, alors que ce moment historique aurait été une si formidable occasion de te remettre en question ! Et comme d'habitude, tu accuses au lieu de prendre ta propre responsabilité : « Arrêtez, vous les occidentaux, et vous tous les ennemis de l'islam de nous associer à ce monstre ! Le terrorisme, ce n'est pas l'islam, le vrai islam, le bon islam qui ne veut pas dire la guerre, mais la paix! »

J'entends ce cri de révolte qui monte en toi, ô mon cher monde musulman, et je le comprends. Oui tu as raison, comme chacune des autres grandes inspirations sacrées du monde l'islam a créé tout au long de son histoire de la Beauté, de la Justice, du Sens, du Bien, et il a puissamment éclairé l'être humain sur le chemin du mystère de l'existence... Je me bats ici en Occident, dans chacun de mes livres, pour que cette sagesse de l'islam et de toutes les religions ne soit pas oubliée ni méprisée ! Mais de ma position lointaine, je vois aussi autre chose - que tu ne sais pas voir ou que tu ne veux pas voir... Et cela m'inspire une question, LA grande question : pourquoi ce monstre t'a-t-il volé ton visage ? Pourquoi ce monstre ignoble a-t-il choisi ton visage et pas un autre ? Pourquoi a-t-il pris le masque de l'islam et pas un autre masque ? C'est qu'en réalité derrière cette image du monstre se cache un immense problème, que tu ne sembles pas prêt à regarder en face. Il le faut bien pourtant, il faut que tu en aies le courage.

Ce problème est celui des racines du mal. D'où viennent les crimes de ce soi-disant « État islamique » ? Je vais te le dire, mon ami. Et cela ne va pas te faire plaisir, mais c'est mon devoir de philosophe. Les racines de ce mal qui te vole aujourd'hui ton visage sont en toi-même, le monstre est sorti de ton propre ventre, le cancer est dans ton propre corps. Et de ton ventre malade, il sortira dans le futur autant de nouveaux monstres - pires encore que celui-ci - aussi longtemps que tu refuseras de regarder cette vérité en face, aussi longtemps que tu tarderas à l'admettre et à attaquer enfin cette racine du mal !

Même les intellectuels occidentaux, quand je leur dis cela, ont de la difficulté à le voir : pour la plupart, ils ont tellement oublié ce qu'est la puissance de la religion - en bien et en mal, sur la vie et sur la mort - qu'ils me disent « Non le problème du monde musulman n'est pas l'islam, pas la religion, mais la politique, l'histoire, l'économie, etc. ». Ils vivent dans des sociétés si sécularisées qu'ils ne se souviennent plus du tout que la religion peut être le cœur du réacteur d'une civilisation humaine ! Et que l'avenir de l'humanité passera demain non pas seulement par la résolution de la crise financière et économique, mais de façon bien plus essentielle par la résolution de la crise spirituelle sans précédent que traverse notre humanité toute entière ! Saurons-nous tous nous rassembler, à l'échelle de la planète, pour affronter ce défi fondamental ? La nature spirituelle de l'homme a horreur du vide, et si elle ne trouve rien de nouveau pour le remplir elle le fera demain avec des religions toujours plus inadaptées au présent - et qui comme l'islam actuellement se mettront alors à produire des monstres.

Je vois en toi, ô monde musulman, des forces immenses prêtes à se lever pour contribuer à cet effort mondial de trouver une vie spirituelle pour le XXIe siècle ! Il y a en toi en effet, malgré la gravité de ta maladie, malgré l'étendue des ombres d'obscurantisme qui veulent te recouvrir tout entier, une multitude extraordinaire de femmes et d'hommes qui sont prêts à réformer l'islam, à réinventer son génie au-delà de ses formes historiques et à participer ainsi au renouvellement complet du rapport que l'humanité entretenait jusque-là avec ses dieux ! C'est à tous ceux-là, musulmans et non musulmans qui rêvent ensemble de révolution spirituelle, que je me suis adressé dans mes livres ! Pour leur donner, avec mes mots de philosophe, confiance en ce qu'entrevoit leur espérance!

Il y a dans la Oumma (communauté des musulmans) de ces femmes et ces hommes de progrès qui portent en eux la vision du futur spirituel de l'être humain. Mais ils ne sont pas encore assez nombreux ni leur parole assez puissante. Tous ceux-là, dont je salue la lucidité et le courage, ont parfaitement vu que c'est l'état général de maladie profonde du monde musulman qui explique la naissance des monstres terroristes aux noms d'Al Qaida, Al Nostra, AQMI ou de l'«État islamique». Ils ont bien compris que ce ne sont là que les symptômes les plus graves et les plus visibles sur un immense corps malade, dont les maladies chroniques sont les suivantes: impuissance à instituer des démocraties durables dans lesquelles est reconnue comme droit moral et politique la liberté de conscience vis-à-vis des dogmes de la religion; prison morale et sociale d'une religion dogmatique, figée, et parfois totalitaire ; difficultés chroniques à améliorer la condition des femmes dans le sens de l'égalité, de la responsabilité et de la liberté; impuissance à séparer suffisamment le pouvoir politique de son contrôle par l'autorité de la religion; incapacité à instituer un respect, une tolérance et une véritable reconnaissance du pluralisme religieux et des minorités religieuses.

Tout cela serait-il donc la faute de l'Occident ? Combien de temps précieux, d'années cruciales, vas-tu perdre encore, ô cher monde musulman, avec cette accusation stupide à laquelle toi-même tu ne crois plus, et derrière laquelle tu te caches pour continuer à te mentir à toi-même ? Si je te critique aussi durement, ce n'est pas parce que je suis un philosophe « occidental », mais parce que je suis un de tes fils conscients de tout ce que tu as perdu de ta grandeur passée depuis si longtemps qu'elle est devenue un mythe !

Depuis le XVIIIe siècle en particulier, il est temps de te l'avouer enfin, tu as été incapable de répondre au défi de l'Occident. Soit tu t'es réfugié de façon infantile et mortifère dans le passé, avec la régression intolérante et obscurantiste du wahhabisme qui continue de faire des ravages presque partout à l'intérieur de tes frontières - un wahhabisme que tu répands à partir de tes lieux saints de l'Arabie Saoudite comme un cancer qui partirait de ton cœur lui-même ! Soit tu as suivi le pire de cet Occident, en produisant comme lui des nationalismes et un modernisme qui est une caricature de modernité - je veux parler de cette frénésie de consommation, ou bien encore de ce développement technologique sans cohérence avec leur archaïsme religieux qui fait de tes « élites » richissimes du Golfe seulement des victimes consentantes de la maladie désormais mondiale qu'est le culte du dieu argent.

Qu'as-tu d'admirable aujourd'hui, mon ami ? Qu'est-ce qui en toi reste digne de susciter le respect et l'admiration des autres peuples et civilisations de la Terre ? Où sont tes sages, et as-tu encore une sagesse à proposer au monde ? Où sont tes grands hommes, qui sont tes Mandela, qui sont tes Gandhi, qui sont tes Aung San Suu Kyi ? Où sont tes grands penseurs, tes intellectuels dont les livres devraient être lus dans le monde entier comme au temps où les mathématiciens et les philosophes arabes ou persans faisaient référence de l'Inde à l'Espagne ? En réalité tu es devenu si faible, si impuissant derrière la certitude que tu affiches toujours au sujet de toi-même... Tu ne sais plus du tout qui tu es ni où tu veux aller et cela te rend aussi malheureux qu'agressif... Tu t'obstines à ne pas écouter ceux qui t'appellent à changer en te libérant enfin de la domination que tu as offerte à la religion sur la vie toute entière. Tu as choisi de considérer que Mohammed était prophète et roi. Tu as choisi de définir l'islam comme religion politique, sociale, morale, devant régner comme un tyran aussi bien sur l'État que sur la vie civile, aussi bien dans la rue et dans la maison qu'à l'intérieur même de chaque conscience. Tu as choisi de croire et d'imposer que l'islam veut dire soumission alors que le Coran lui-même proclame qu'«Il n'y a pas de contrainte en religion» (La ikraha fi Dîn). Tu as fait de son Appel à la liberté l'empire de la contrainte ! Comment une civilisation peut-elle trahir à ce point son propre texte sacré ? Je dis qu'il est l'heure, dans la civilisation de l'islam, d'instituer cette liberté spirituelle - la plus sublime et difficile de toutes - à la place de toutes les lois inventées par des générations de théologiens !

De nombreuses voix que tu ne veux pas entendre s'élèvent aujourd'hui dans la Oumma pour s'insurger contre ce scandale, pour dénoncer ce tabou d'une religion autoritaire et indiscutable dont se servent ses chefs pour perpétuer indéfiniment leur domination... Au point que trop de croyants ont tellement intériorisé une culture de la soumission à la tradition et aux « maîtres de religion » (imams, muftis, shouyoukhs, etc.) qu'ils ne comprennent même pas qu'on leur parle de liberté spirituelle, et n'admettent pas qu'on ose leur parler de choix personnel vis-à-vis des « piliers » de l'islam. Tout cela constitue pour eux une « ligne rouge », quelque chose de trop sacré pour qu'ils osent donner à leur propre conscience le droit de le remettre en question ! Et il y a tant de ces familles, tant de ces sociétés musulmanes où cette confusion entre spiritualité et servitude est incrustée dans les esprits dès leur plus jeune âge, et où l'éducation spirituelle est d'une telle pauvreté que tout ce qui concerne de près ou de loin la religion reste ainsi quelque chose qui ne se discute pas!

Or cela, de toute évidence, n'est pas imposé par le terrorisme de quelques fous, par quelques troupes de fanatiques embarqués par l'État islamique. Non, ce problème-là est infiniment plus profond et infiniment plus vaste ! Mais qui le verra et le dira ? Qui veut l'entendre ? Silence là-dessus dans le monde musulman, et dans les médias occidentaux on n'entend plus que tous ces spécialistes du terrorisme qui aggravent jour après jour la myopie générale ! Il ne faut donc pas que tu t'illusionnes, ô mon ami, en croyant et en faisant croire que quand on en aura fini avec le terrorisme islamiste l'islam aura réglé ses problèmes ! Car tout ce que je viens d'évoquer - une religion tyrannique, dogmatique, littéraliste, formaliste, machiste, conservatrice, régressive - est trop souvent, pas toujours, mais trop souvent, l'islam ordinaire, l'islam quotidien, qui souffre et fait souffrir trop de consciences, l'islam de la tradition et du passé, l'islam déformé par tous ceux qui l'utilisent politiquement, l'islam qui finit encore et toujours par étouffer les Printemps arabes et la voix de toutes ses jeunesses qui demandent autre chose. Quand donc vas-tu faire enfin ta vraie révolution ? Cette révolution qui dans les sociétés et les consciences fera rimer définitivement religion et liberté, cette révolution sans retour qui prendra acte que la religion est devenue un fait social parmi d'autres partout dans le monde, et que ses droits exorbitants n'ont plus aucune légitimité !

Bien sûr, dans ton immense territoire, il y a des îlots de liberté spirituelle : des familles qui transmettent un islam de tolérance, de choix personnel, d'approfondissement spirituel ; des milieux sociaux où la cage de la prison religieuse s'est ouverte ou entrouverte ; des lieux où l'islam donne encore le meilleur de lui-même, c'est-à-dire une culture du partage, de l'honneur, de la recherche du savoir, et une spiritualité en quête de ce lieu sacré où l'être humain et la réalité ultime qu'on appelle Allâh se rencontrent. Il y a en Terre d'islam et partout dans les communautés musulmanes du monde des consciences fortes et libres, mais elles restent condamnées à vivre leur liberté sans assurance, sans reconnaissance d'un véritable droit, à leurs risques et périls face au contrôle communautaire ou bien même parfois face à la police religieuse. Jamais pour l'instant le droit de dire « Je choisis mon islam », « J'ai mon propre rapport à l'islam » n'a été reconnu par « l'islam officiel » des dignitaires. Ceux-là au contraire s'acharnent à imposer que « La doctrine de l'islam est unique » et que « L'obéissance aux piliers de l'islam est la seule voie droite » (sirâtou-l-moustaqîm).

Ce refus du droit à la liberté vis-à-vis de la religion est l'une de ces racines du mal dont tu souffres, ô mon cher monde musulman, l'un de ces ventres obscurs où grandissent les monstres que tu fais bondir depuis quelques années au visage effrayé du monde entier. Car cette religion de fer impose à tes sociétés tout entières une violence insoutenable. Elle enferme toujours trop de tes filles et tous tes fils dans la cage d'un Bien et d'un Mal, d'un licite (halâl) et d'un illicite (harâm) que personne ne choisit, mais que tout le monde subit. Elle emprisonne les volontés, elle conditionne les esprits, elle empêche ou entrave tout choix de vie personnel. Dans trop de tes contrées, tu associes encore la religion et la violence - contre les femmes, contre les « mauvais croyants », contre les minorités chrétiennes ou autres, contre les penseurs et les esprits libres, contre les rebelles - de telle sorte que cette religion et cette violence finissent par se confondre, chez les plus déséquilibrés et les plus fragiles de tes fils, dans la monstruosité du jihad !

Alors, ne t'étonne donc pas, ne fais plus semblant de t'étonner, je t'en prie, que des démons tels que le soi-disant État islamique t'aient pris ton visage ! Car les monstres et les démons ne volent que les visages qui sont déjà déformés par trop de grimaces ! Et si tu veux savoir comment ne plus enfanter de tels monstres, je vais te le dire. C'est simple et très difficile à la fois. Il faut que tu commences par réformer toute l'éducation que tu donnes à tes enfants, que tu réformes chacune de tes écoles, chacun de tes lieux de savoir et de pouvoir. Que tu les réformes pour les diriger selon des principes universels (même si tu n'es pas le seul à les transgresser ou à persister dans leur ignorance) : la liberté de conscience, la démocratie, la tolérance et le droit de cité pour toute la diversité des visions du monde et des croyances, l'égalité des sexes et l'émancipation des femmes de toute tutelle masculine, la réflexion et la culture critique du religieux dans les universités, la littérature, les médias. Tu ne peux plus reculer, tu ne peux plus faire moins que tout cela ! Tu ne peux plus faire moins que ta révolution spirituelle la plus complète ! C'est le seul moyen pour toi de ne plus enfanter de tels monstres, et si tu ne le fais pas tu seras bientôt dévasté par leur puissance de destruction. Quand tu auras mené à bien cette tâche colossale - au lieu de te réfugier encore et toujours dans la mauvaise foi et l'aveuglement volontaire, alors plus aucun monstre abject ne pourra plus venir te voler ton visage.

Cher monde musulman... Je ne suis qu'un philosophe, et comme d'habitude certains diront que le philosophe est un hérétique. Je ne cherche pourtant qu'à faire resplendir à nouveau la lumière - c'est le nom que tu m'as donné qui me le commande, Abdennour, « Serviteur de la Lumière ».

Je n'aurais pas été si sévère dans cette lettre si je ne croyais pas en toi. Comme on dit en français: «Qui aime bien châtie bien». Et au contraire tous ceux qui aujourd'hui ne sont pas assez sévères avec toi - qui te trouvent toujours des excuses, qui veulent faire de toi une victime, ou qui ne voient pas ta responsabilité dans ce qui t'arrive - tous ceux-là en réalité ne te rendent pas service ! Je crois en toi, je crois en ta contribution à faire demain de notre planète un univers à la fois plus humain et plus spirituel ! Salâm, que la paix soit sur toi.

 

http://www.marianne.net/Lettre-ouverte-au-monde-musulman_a241765.html

 

 

 

 

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26 novembre 2014 3 26 /11 /novembre /2014 12:07

 

Je connais Claude depuis déjà longtemps. Il écrit des chants pour la liturgie. Il m’a confié récemment aussi des textes de réflexion. Je me sens très proche de sa pensée. Avant de les mettre sur mon blog dans la rubrique invité, j’ai plaisir à vous partager des éléments de sa biographie, et ainsi vous le faire connaitre, et faire connaitre son œuvre d’auteur de chants liturgique.

 

Naissance en 1935, dans une famille paysanne du bocage vendéen - Etudes littéraires et théologiques – quelques années de cheminement spirituel dans un monastère – études spécialisées en liturgie et diplôme « peritus in sacra liturgia » de l’Institut supérieur de liturgie, à l’Institut catholique de Paris.

Marié à Edith, et père de trois enfants, Emmanuel, Cyrille et Irénée, et grand-père de six petits enfants.

Carrière professionnelle en tant qu’infirmier psychiatrique à l’hôpital Ste Anne à Paris.

Engagements et responsabilités en différentes communautés chrétiennes : chapelle St Bernard de Montparnasse à Paris, puis dans la paroisse de Lardy en Essonne, et maintenant à La Baule. Responsable diocésain du chant liturgique dans le diocèse d’Evry pendant sept années.

Depuis juin 2007, membre de la commission « chant liturgique » dans le diocèse de Nantes

 

80 disques, cassettes et CD différents, sans parler des chants figurant dans diverses compilations et dans les Cédésignes édités avec la revue Signes Musiques.

Au total plus de 1500 chants réalisés,déclarés à la SACEM, publiés dans les maisons d’édition suivantes : Auvidis, Studio SM, Le Levain, Mélodies Productions, Le Triforium, Bayard-Presse-Liturgie, Ateliers du Fresne, Voix Nouvelles, Union Sainte Cécile.

 

La plupart de ces chants figurent sur la liste des chants inscrits au SECLI (Secrétariat des Editeurs de Chants Liturgiques) ; on peut y retrouver le texte et la musique: au total 1129 chants en juillet 2013

 

Une cinquantaine de compositeurs ont mis des musiques sur tel ou tel texte, les œuvres les plus connues étant signées de Jo Akepsimas, Michel Wackenheim, Jacques Berthier, Gaëtan de Courrèges, Thierry Chleide, Laurent Grzybowski, Jean-Jo Roux, Christian Villeneuve, Jean-Marie Vincent, Claude Tassin…

 

Par ailleurs, en diverses revues dans la mouvance des Parvis ou dans Signes d’Aujourd’hui, publication de réflexions sur l’évolution des ministères dans l’Eglise, l’égalité hommes-femmes dans la société et l’Eglise, etc… 

Voir sur son site  http://claudebernard35.free.fr

 

 

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4 novembre 2014 2 04 /11 /novembre /2014 23:32

 

AU VATICAN, RENCONTRE MONDIALE DES MOUVEMENTS POPULAIRES

Le Pape François : « Quand je défends les pauvres, certains m’accusent d’être communiste ! »

Par Ignacio Ramonet  |  29 octobre 2014    

IGNACIO RAMONET


http://www.medelu.org/Le-Pape-Francois-Quand-je-defends

Journée historique au Vatican ce mardi 28 octobre 2014. Parce qu’il n’est pas fréquent que le Pape convoque, au Saint-Siège, une Rencontre mondiale des mouvements populaires, à laquelle participent des organisations d’exclus et de personnes marginalisées des cinq continents et de toutes origines ethniques et religieuses : des paysans sans terre ou qui occupent illégalement des propriétés, travailleurs informels urbains, femmes révoltées, recycleurs et biffins, cartonniers, peuples indigènes en lutte... Plusieurs dirigeants présents sont menacés par des escadrons de la mort... En somme, une Assemblée mondiale des damnés de la terre. Mais des damnés qui se battent et ne se résignent pas.

Il est encore moins fréquent que le Pape en personne s’adresse à ces personnes en leur disant qu’il veut « écouter la voix des pauvres » parce que « les pauvres ne se contentent plus de subir les injustices, mais ils luttent contre leur sort  » et qu’il veut, lui, le Pape, « les accompagner dans cette lutte  ». François leur a dit également que « les pauvres n’attendent plus les bras croisés des solutions qui ne viennent jamais ; maintenant, les pauvres veulent être acteurs de leur destin et trouver eux-mêmes une solution à leurs problèmes » car, ajoute-t-il, « les pauvres ne sont pas des êtres résignés, ils savent protester, et se révolter ». Et il a dit : « J’espère que le vent de cette protestation deviendra un orage d’espérance. »

François a également affirmé : « La solidarité est une manière de faire l’histoire. » C’est pourquoi, il rejoint la demande des pauvres qui réclament « de la terre, un toit et un travail ». Il a commenté : « Certains, quand je demande pour les pauvres de la terre, un toit et un travail, disent que ‘le Pape est communiste’ ! Ils ne comprennent pas que la solidarité avec les pauvres est la base même des Evangiles. »

François a rappelé que « la réforme agraire est une nécessité morale  ! » Et il a accusé, sans le nommer, le néolibéralisme d’être à l’origine de nombreux malheurs contemporains : « Tout cela arrive – a-t-il précisé –quand on déplace l’être humain du centre du système et qu’on le remplace par l’argent-roi. » Il a répété qu’ « il faut hausser la voix  ». Et il a rappelé que « les chrétiens, nous disposons d’un programme que j’oserais qualifier de révolutionnaire : les béatitudes du Sermon de la Montagne rapportées par Saint Matthieu dans son Evangile. »

Un discours fort, courageux, qui s’inscrit dans le droit fil de la Doctrine sociale de l’Eglise à laquelle François s’est référé explicitement. Cela faisait très longtemps qu’un Pape ne prononçait pas une allocution aussi sociale, aussi « progressiste » sur un thème, les pauvres, qui constitue l’une des bases fondamentales de la doctrine chrétienne.

Cette intervention a été d’autant plus importante qu’elle fut prononcée en présence du président de la Bolivie, Evo Morales, icône des mouvements sociaux et leader mondial des peuples autochtones. Un moment plus tard d’ailleurs, très applaudi, le président Morales prenait à son tour la parole, devant le même auditoire, pour expliquer, de nombreux exemples à l’appui, que « le capitalisme, qui fait commerce de tout, a créé une civilisation du gaspillage  ». Il a insisté sur l’idée qu’ « il faut refonder la démocratie et la politique, parce que la démocratie c’est le gouvernement du peuple et non pas celui du capital et des banques  ». Il a également mis l’accent sur « le respect nécessaire de la Terre mère  » et « la mobilisation indispensable contre la privatisation des services publics ». Il a suggéré aux mouvements sociaux réunis à l’occasion de cette Rencontre de « créer une grande Alliance des exclus » pour défendre les « droits collectifs  » qui complètent, selon lui, les droits de l’homme.

Le sentiment général des participants à cette Rencontre inédite c’est que ces deux interventions du pape François et du président Evo Morales confirment d’une part, la nouvelle dimension internationale du président bolivien, et, d’autre part, le nouveau rôle historique du Pape François qui semble s’affirmer de plus en plus comme le porte-parole des pauvres d’Amérique latine et de tous les exclus du monde.

 

 

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