Des théologies peuvent être des idéologies, c’est-à-dire des discours qui servent les intérêts de certains au détriment d’autres. Ces théologies peuvent inspirer de superbes peintures et être théologiquement désastreuses…pour les femmes en particulier : comme par exemple le vieillard barbu du plafond de la chapelle Sixtine à Rome, représentant Dieu créant un Adam au masculin.
Comme l’a écrit Mary Daly, si Dieu est mâle, le mâle est Dieu[1].
Il y a aussi des théologies idéologisées de Marie qui sont désastreuses pour les femmes.
Par exemple, celle qui fait de Marie, le modèle de « la femme ».
Jean-Paul II a écrit : Marie, « plénitude de la perfection de ce qui est caractéristique de la femme, de ce qui est féminin »[2]. Pensée dangereuse qui, en plus, oublie de donner le Christ comme modèle aux femmes et qui privent les hommes d’avoir Marie comme modèle.
On sait que l’intérêt idéologique de cette pensée est d’exclure les femmes des ministères. Dans ce type de pensée, cette plénitude se réduit à la maternité et la virginité. Cela a servi à réduire les femmes à une fonction procréatrice au détriment de toutes les autres potentialités et avoir exalté sa virginité a servi à déprécier la sexualité.
Jusqu’à un passé récent toutes les théologies mariales ont été pensées par des hommes avec les préjugés de leur culture et leurs intérêts masculins.
Les Evangiles, bien qu’écrit dans un contexte culturel patriarcal, ont fait une part importante aux femmes. On peut légitimement penser que Jésus a suffisamment révolutionné les esprits pour qu’il en subsiste une part dans ces livres.
C’était une telle révolution que les évangélistes ne pouvaient pas, malgré leurs préjugés culturels, les passer sous silence.
Mais on peut aussi légitimement penser que ces préjugés ont fait passer à la trappe beaucoup d’autres aspects de la libération des femmes que Jésus apportait.
Dans ce qui subsiste concernant Marie dans les Evangiles, j’aime la voir comme l’audace d’être « première en chemin ».
Elle est au commencement de l’aventure évangélique
avec l’audace d’un accueil d’une naissance « hors norme »,
avec l’audace de croire sans tout comprendre,
avec l’audace de bâtir sa vie sur la mémoire spirituelle, elle qui « retenait toutes ces choses dans son cœur » (Lc2/19)
avec l’audace d’un regard qui sait voir ce qui manque à la joie de noces et qui sait le dire (Jn 2/4).
Femme de l’écoute et de la parole. Pourquoi la voir uniquement silencieuse ?
Dans les Evangiles nous n’avons aucune parole explicite de certains apôtres. N’en n’ayant pas, les imagine-t-on silencieux ? Non, alors Marie non plus !
Ayant « retenu toutes ces choses dans son cœur », en ayant écouté d’une écoute profonde, elle a pu parler, témoigner ce qu’elle a vu et entendu de Jésus.
Entre Ascension et Pentecôte, les Actes des apôtres nous disent qu’elle était au Cénacle avec les disciples, femmes et hommes ( Ac 1/14). Elle a dû dans ce lieu de communion et de prière, enseigner le chemin de vie que Jésus a inauguré car s’il en une qui pouvait le comprendre, c’est bien elle ! La première « docteur de l’Eglise », c’est bien elle ! Elle a compris, mieux que d’autre, la révolution spirituelle de Jésus. Quand l’évangéliste Luc met sur ses lèvres son chant de joie, il montre bien la compréhension que Marie avait de cette révolution :
Une miséricorde qui s’étend d’âge en âge Lc 1/50
Un Dieu qui renverse les potentats et élève les humbles Lc 1/52
Marie, femme audacieuse, qui nous entraine dans son audace.