Le monothéisme monarchique a aussi influencé l’organisation de l’Eglise par une déduction représentative de l’autorité divine : un Dieu, un Christ, un évêque, une communauté.
Cette déduction se fonde sur le monothéisme monarchique.[1]
Elle va jouer aussi en défaveur des femmes. « Une déduction correspondante de la primauté de l’homme sur la femme apparaîit dans la théologie paulinienne de la Képhalé : le chef de tout homme, c’est le Christ, le chef de la femme, c’est l’homme, et le chef du Christ, c’est Dieu (1Co11/13) ; le mari est chef de sa femme comme le Christ est chef de l’Eglise (Ep5/22) [2].
Cette déduction fonde une hiérarchie ecclésiastique masculine correspondant à la monarchie divine et représentant celle-ci.
Le Moyen-âge a consolidé cette conception par une cascade de primautés de l’Un : une Eglise, un pape, un Christ, un Dieu, dans une cascade de délégation graduée, ceci fondé sur le mode de pensée du monothéisme monarchique.
Mais Il peut y avoir une autre ligne de pensée que la pensée de l’Un, c’est le fondement trinitaire de l’unité de l’Eglise. Qu’il soit un au sens de Jn 17/20 : une unité de la communauté qui soit unité trinitaire. Ce fondement trinitaire est plus profond mais surtout il détermine autrement l’unité. Non pas un monothéisme monarchique qui dit Dieu comme puissance représentée par l’autorité universelle et infaillible du seul mais monothéisme trinitaire qui dit Dieu comme communion d’amour.
« Dieu comme amour… est représenté dans la communauté et … est expérimenté dans l’acceptation de l’autre, comme tous ensemble sont acceptés par le Christ.
Le monothéisme monarchique fonde l’Eglise comme hiérarchie, comme souveraineté sainte.
La doctrine de la Trinité constitue l’Eglise comme communauté libre de toute domination ».[3]
Moltmann s’appuie également sur des auteurs orthodoxes comme P.Evdokimov pour qui « le principe trinitaire remplace le principe de la puissance par le principe du consensus ».[4]
Il résume cette pensée en écrivant :
« A la place de l’autorité et l’obéissance, nous trouvons le dialogue, le consensus, l’accord. Ce n’est pas la croyance en la Révélation divine à cause de l’autorité de l’Eglise qui se trouve au premier plan, mais la foi en la raison d’une perception personnelle de la vérité de la Révélation. A la place de la hiérarchie qui maintient et qui impose l’unité, nous trouvons la fraternité et la sororité de la communauté du Christ ».[5]
D’autre part, pour remplacer le monothéisme politique et clérical, il faut une doctrine théologique positive de la liberté. Le fondement de l’athéisme moderne, c’est la conviction qu’un Dieu régnant par sa toute-puissance et son omniscience rend impossible la liberté humaine.
[1] Cf sur cette question G.LAFONT, Histoire théologique de l’Eglise catholique, Cerf 1994, Collection Cogitatio fidei 179. En particulier les pages 28 à 32. « Avec les grands courants intellectuels de la période pré-nicéenne…le christianisme est entré dans le cadre de la culture hellénistique…où prévalait la symbolique de l’Un. La pensée chrétienne a fait sienne l’orientation à la fois apophatique et intellectualiste de cette culture. Apophatique en ce sens que ce qui était visé, en dernière analyse, c’était bien l’union mystique avec l’Un au-dessus de tout, identifié au Dieu Père de l’Ecriture biblique » p 28
[2] Trinité et Royaume de Dieu p 251 note 24. Moltmann ajoute que K. Barth (Cf Barth, Dogmatique, III/4,54) a développé à partir de cela une théologie de la subordination pour la femme. Théologie qui a suscité à juste titre étonnement et contradiction (voir par exemple Cl. Green, Karl Barth on Women ans Men, in Union Theol.Quarterly rewiev, ¾, 1974
[3] Trinité et Royaume de Dieu p 254. « Communauté libre de toute domination » est une citation tirée du livre de G.Hasenhüttl, Herrschaftsfree Kirche, Sozio-theologische grundlegung, Dusseldorf, 1974
[4] P.EVDOKIMOV, L’Orthodoxie, Paris, 1965 p 131
[5] Trinité et Royaume de Dieu p 254