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10 août 2018 5 10 /08 /août /2018 14:24
Parler autrement...d'une création par Dieu

« Je crois en Dieu créateur »

 

Nous disons cela à chaque fois que nous récitons le Credo.

Mais que « pensons-nous » en disant cela ?

Quelle représentation nous faisons-nous de cette création ?

Comment Dieu crée-t-il ?

 

Il n’est plus possible de nous représenter cette création telle qu’elle est décrite dans les deux récits de création dans le livre biblique de la Genèse : 7 jours pour le premier récit et un-e humain-e tiré-e de la glaise pour le second. Car nous comprenons maintenant que la vérité de ces textes ne relève pas de l’ordre du comment mais du pourquoi.

Pourquoi y a-t-il de l’être plutôt que rien ? (Leibniz) Ces textes répondent à cette question en disant qu’à la source de l’être il y a une décision de Dieu, que ce qui est créé a sa source en Dieu, que c’est bon, et que c’est une création dont nous sommes responsables.

 

Cependant les réponses du comment tels que les sciences nous les présentent, continuent d’interroger la foi :

Comment Dieu est créateur dans ce long processus qui a débuté il y a 15 milliards d’année ?

Big bang, constitution des galaxies, notre système solaire qui se constitue, une histoire chaotique de la terre, surgissement de la vie, évolution des espèces, émergence lente de l’humain jusqu’à l’homo sapiens que nous sommes.

Le défi qui est posé est de penser Dieu créateur au cœur même de ce modèle.

Comment est-il créateur dans ce processus ?

 

C’est à cette question qu’il nous faut nous atteler. Ceci en s’aidant du théologien Adolphe Gesché dans son livre Dieu pour penser le Cosmos.

Dans un chapitre de ce livre, il pose la question : Dieu est-il horloger ? 

Sa réponse est négative. Car le monde n’est pas une horloge, une mécanique bien réglée auquel rien ne peut être changée. Et Dieu n’est pas un mécanicien qui a réglé la machine.

Voilà comment il pose la question :

« Si, comme on le voit aujourd’hui, le cosmos n’est pas une horloge ; si le monde invente pour une part, les structures de son processus ; si l’homme, par son geste co-créateur, a droit et devoir d’une liberté inventive, qu’en est-il encore de Dieu ? »

 

Et voilà comment en résumé, il répond.

Créer ce n’est pas fabriquer des choses toutes faites, des choses complètement déterminées, ce n’est pas modeler, ce n’est pas faire une copie toute faite.

Créer, c’est ouvrir un espace d’autonomie avec des processus d’auto-régulation et d’invention

Dieu est celui qui fait que les choses se font comme elles se font mais rigoureusement, il ne les fait pas, il ne les fabrique pas. Il les provoque au devenir, il leur donne ordre d’avenir.

Dieu a créé un cosmos comme espace de possibilités internes et de liberté inventive et non une dictée auquel il n’y aurait rien à changer.

Il a créé un processus, des virtualités, un monde comme un champ ouvert.

Il est vrai créateur car créateur de création.

Il n’est pas horloger, géomètre auteur d’une mécanique, il ne dicte rien mais il est créateur posant ce qui rend possible un cosmos qui se fera comme il se fera, en lui donnant de se faire comme il se fera

Il est créateur d’un monde qui s’invente.

Cela se crée, et ce n’est pas fabriqué.

Cela permet de comprendre le repos du 7ème jour de la Genèse. Ce 7ème jour n’est pas la fin de la création c’est son ouverture à une aventure à continuer d’inventer : cosmos créatif, un monde en genèse, en devenir, un monde de complexité innovantes et pas un scénario tout fait

En pensant ainsi on réconcilie la foi judéo-chrétienne en un Dieu créateur et la réalité du monde telle que la science nous la découvre 

On réconcilie aussi Dieu avec la liberté humaine

« L'idée de création implique que la liberté est vue comme un don. Ce qui signifie, cette fois, que l'homme est appelé à l'invention, à la créativité…L'homme n'est pas simplement créé, il est créé créateur. L'idée de création atteint toute sa signification dans l'homme. La liberté y devient créatrice. L'homme n'a pas devant lui un destin tout tracé, fût-ce par Dieu, et dont il ne serait que le scribe calquant sous dictée un texte divin. Parler de l'homme créé créateur, c'est dire que la liberté lui a été donnée d'inventer du nouveau, de l'inconnu, voire de l’inouï ; de faire de sa vie l'éclosion et l'invention de choses nouvelles, remises et confiées à ses choix et à ses initiatives.  Le don n'implique pas, lui non plus, une statique, mais une dynamique. La liberté prend ici les contours d'une invention de notre être. »

 

Dieu n’est donc pas la négation ou l’écrasement de l’humain mais sa preuve et son attestation. Il autorise l’humain à s’inviter lui-même, à sans cesse se dépasser avec l’infini comme horizon.

La liberté n’est pas arrachée à Dieu, elle est originelle par essence parce que nous sommes libres à l’image de Dieu qui est libre. La liberté est un DON de Dieu.

La liberté est vocation, de l’ordre de l’existence à faire dans l’histoire, une tache à réaliser.

Les Pères de l’Eglise, commentant la phrase de la Genèse : créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, cela dit que l’Image est un don et que la ressemblance est à réaliser.

 

Pour pouvoir vivre vraiment de cette liberté, il est donc bon que nous nous libérions de conceptions qui sont  cause d’athéisme en nous et chez les autres.

 

Se libérer donc de l’idée que Dieu aurait créé un monde tout fait. Pour employer une comparaison de couture : un monde prêt à porter. Il n’y aurait qu’à enfiler ce vêtement auquel on ne pourrait rien changer. Cette image dit un ordre des choses décidé par Dieu.  Un monde tout fait où il n’y aurait rien à changer, rien à créer, auquel il ne manquerait rien.

Donc dans ce cas l’action humaine serait simplement de conserver les choses en leur état. La réponse de l’humanité serait de rien abimer de ce qui serait sorti des mains de Dieu.

La liberté consisterait à pouvoir dire oui ou non à un ordre établi par Dieu, être obéissance à cet ordre dans le oui, et désobéissance, révolte et péché dans le non.

Cette conception nous habite et il est nécessaire d’en voir toutes les conséquences.

 

*La première conséquence, c’est que ce monde dans ce modèle a peu d’intérêt puisque rien ne lui manque, qu’il n’y a rien à y faire de décisif qui lui manquerait, il est seulement le lieu d’une épreuve, le lieu où l’on fait ses « preuves » de l’obéissance ou de la désobéissance.

*La deuxième conséquence c’est l’idée de Dieu que cela justifie. Un Dieu qui impose son modèle à l’exclusion de tout autre. C’est lui qui l’a fait ainsi. C’est un modèle où Dieu impose. Image d’un pouvoir absolu. Image de Dieu comme monarque absolu.

*la troisième conséquence permet de justifier tous les conservatismes. Les choses de ce monde n’ont pas à être changées parce qu’elles seraient telles que Dieu les a créés. Cela permet de justifier les instances de pouvoir. De même que Dieu impose un ordre des choses, il serait normal que certains l’imposent aux autres.

Ainsi nous nous faisons une idée de Dieu conforme à ce qui se passe dans nos sociétés ou certains dominent les autres, où certains sont supérieurs aux autres.

Le fait que Dieu soit aussi celui qui impose son modèle, justifie que qu’il en soit ainsi dans les relations humaines. Le ciel justifie la terre et la terre est à l’image du ciel. Nous projetons sur Dieu, le style de relations aliénées que nous vivons entre nous. « Les relations sociales basés sur la domination existant entre nous ont servi d’exemple pour concevoir la relation entre les humains et Dieu » Berdiaeff, De l’esclavage à la liberté p 91

Cette conception du monde et de Dieu sont solidaires. Dans ce modèle, le péché va s’appeler révolte, désobéissance, refus.

Et ce modèle est pour moi une des raisons de l’athéisme.

 

Pour pouvoir vivre vraiment de cette liberté, il est donc bon d’accueillir un autre modèle qui dit une autre image de Dieu, de l’humanité et de la liberté :

Dieu n’a pas créé un monde tout fait mais un monde à faire. Pour continuer la comparaison de la couture : ce n’est pas un monde prêt à porter. Ce sont des vêtements à confectionner nous-mêmes. Dieu nous offre ce qu’il faut pour coudre mais c’est à nous d’être créatif, d’inventer des formes, des couleurs à l’infini. Ce monde n’est pas tout fait, il est à faire. Et si nous ne le faisons pas il y manquera ce que nous nous seul-es pouvons faire, pouvons y apporter. Il ne s’agit pas de conserver un monde préétabli mais de bâtir un monde neuf. La liberté ici est liberté de création où chacun doit inventer son chemin. Dans ce modèle, la liberté peut produire de l’inédit qui ajoute quelque chose d’original, quelque chose qui manque. C’est une liberté créatrice où tout humain doit inventer son chemin.

Les conséquences sont l’inverse

*La première conséquence, c’est que ce monde à faire acquiert un intérêt fondamental. Sa création est remise à notre responsabilité. Il lui manque ce que nous arriverons à créer et qui ne serait pas sans nous. Ce que nous y ferons acquiert une dimension de décisif. Il est lieu de créativité. La liberté n’est pas une épreuve, elle est condition de création.

*La deuxième conséquence c’est l’idée de Dieu que cela révèle. Un Dieu qui nous fait co-créatrice, co-créateur. Il n’impose pas un modèle. Il ouvre des possibles confiés à notre créativité. Il n’est pas le Dieu qui impose et s’impose, qui dirige. Il crée comme la mer, les continents, en se retirant. Il n’est pas à I ‘image d’un pouvoir absolu mais son autorité est de celle qui autorise à vivre à plein. « Va vers toi-même » dira-t-il à Abraham.

*la troisième conséquence permet de libérer l’initiative pour tous et toutes. Les choses de ce monde n’ont pas à rester telle qu’elles sont, elles peuvent et doivent être changées. Le pouvoir est rendu à chacun-e. Les instances de pouvoir sont légitimes non en soi mais dans la mesure où elles sont au service du progrès, de l’humanisation de toutes et de tous. Ainsi cette autre idée de Dieu conteste ce qui se passe dans nos sociétés où certains dominent les autres, où certains sont supérieurs aux autres. Le fait que Dieu ne soit pas celui qui impose son modèle, justifie la recherche de relations humaines basées sur la fraternité et l’égalité, la recherche de relations non aliénées.

Dans ce modèle, le péché va prendre une toute autre tonalité. Il va être plus de l’ordre de l’omission, du désintérêt des choses de ce monde, du non engagement à bâtir ce monde, de tout pouvoir dans la mesure où il empêche l’autre d’exister et d’inventer sa vie librement. Il va se découvrir en se demandant ce qui fait obstacle aux relations fraternelles, faites de respect et d’égalité.

La conversion va se comprendre comme conversion à une autre image de Dieu. Avoir entendu Dieu nous dire : « Va vers toi-même », avoir vraiment entendu cette parole va libérer notre cœur pour pouvoir dire et être pour les autres ce que Dieu fait pour nous. Donc se détourner de ce qui justifie l’injustice, le conservatisme, la domination, l’aliénation et accueillir ce qui nous stimule à bâtir des relations libérantes pour nous et pour les autres. 

 

Quel choix faisons-nous ? Lequel de ces 2 modèles informe nos vies ? Lequel informe les pays et les sociétés, les religions et les Eglises ?

 

NB : Dans cet article, j’ai gardé une nomination de Dieu au masculin : une manière de montrer que c’est le premier modèle, malheureusement, qui continue de formater nos esprits. En plagiant Berdiaeff : Les relations sociales basés sur la domination patriarcale existant entre nous ont servi d’exemple pour concevoir la relation entre les humains et Dieu 

 

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commentaires

T
Chère Michèle, une fois encore et comme d'habitude même si je ne te fais pas signe bien souvent, merci pour ce long texte, dont les idées fortes me sont devenues familières au long des années, de par mon appartenance à CVX et ma fréquentation régulière des sœurs du Cénacle.<br /> Tu bouleverse sans doute encore des esprits aux habitudes de penser bien ancrées, mais tu as touché j'en suis certaine beaucoup de personnes, dont je suis, en ouvrant à une compréhension libératrice des écritures. <br /> Je n'ai jamais "perdu" la foi, mais je ne crois plus du tout de la même manière que dans mes jeunes années, le formatage enfantin a bel et bien disparu, portes et fenêtres se sont ouvertes.<br /> <br /> Donc, merci. Et puis, ne te focalise pas, si je puis me permettre, sur le fait que DIEU soit masculin, il n'y a pas de neutre en français, alors va pour le masculin, je ne m'imagine pas prier une DEESSE ! Il y a des femmes, il y a des hommes, nous sommes sexués, mais tous des ETRES HUMAINS. Notre langue est élégante, gardons-la sans l'alourdir de féminisations intempestives qui ne rajoutent rien à la réalité des rapports entres les sexes.<br /> <br /> Avec toute mon amitié<br /> <br /> Thérèse
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