Ce concept de communauté alternative, je l’ai trouvé chez une théologienne américaine, Sandra M. Schneiders[1].
Elle montre en quoi les communautés religieuses portent en elles une utopie d’un autre type de rapports humains, un monde alternatif dans la société mais aussi dans l’Eglise, une certaine manière de comprendre, de s’organiser, d’agir vis à vis des données fondamentales de l’existence humaine que sont le rapport aux biens, le pouvoir et la sexualité.
Oser vivre dès maintenant un autre type de rapport au monde, à l’opposé de l’exploitation sexuelle, de la domination politique, et de l’oppression économique.
C’est dès maintenant prouver que d’autres chemins d’un vivre ensemble sont possibles.
Etre communauté vivante c’est donc aussi ouvrir une espérance.
Ce concept de communauté alternative induit que quelque chose de notre monde est à contester, transformer, qu’un monde différent est à construire.
Elle le présente comme un monde de pardon, de dignité, d’égalité pour toutes et tous.
Un ordre religieux, s’il est fidèle à sa vocation, est moteur de transformation.
A/ Par une économie de don
A partir de l’opposition entre économie de commodité et économie de don développé par Lewis Hyde, elle montre que les communautés de religieuses et de religieux sont en mesure de vivre une économie de don. Leurs membres la créent et la vivent car il y a mise en commun des biens et remise de ces biens selon les besoins et non sur d’autres critères comme par exemple le type de travail, l’âge, les capacités : un membre en formation, un religieux grabataire ou en pleine activité recevront ce qui est nécessaire pour vivre, en fonction de cela et non par égard à la charge de travail. Ce rapport aux biens s’appuie sur la parabole de Mt 20/1-16 : chacun reçoit ce qui lui revient, une journée de salaire, c’est à dire ce dont une personne a besoin pour vivre. Vivre cela dans le système économique dominant , c’est déjà créer un système alternatif, le droit à la vie et aux ressources nécessaires pour l’entretenir ne découlent pas d’un travail plus ou moins important ou valorisé selon une hiérarchie contestable. Tous et toutes doivent recevoir ce qui est nécessaire à la vie. La vie religieuse, si elle vraiment vécue, est vie communautaire d’amitié évangélique entre personnes égales.
B/ Par une organisation évangélique non-hiérarchique
Un ordre religieux, s’il est fidèle à l’Evangile est une société composée d’adultes égaux et libres qui choisissent de se regrouper non pour eux-mêmes mais par amour du Christ et désir de vivre l’Evangile de manière particulière. Cela établit une parenté non de sang mais de foi. Le fait de s ‘appeler frère, sœur dit bien ce caractère égalitaire et non hiérarchique. Il n’y a pas de gouvernés et de gouvernants mais une responsabilité pour tous, et où toute responsabilité est un service. (Selon l’impératif de Jésus dans l’Evangile de matthieu, chapitre 20 verset 26 et Marc chapitre 10verset 43.)
De soi, quand la vie religieuse vit cela , elle crée un monde alternatif aux structures de pouvoir existant. Elle dit qu’une communauté non hiérarchique est de l’ordre du possible . Elle le dit à la société mais aussi à l’Eglise catholique romaine.
Il est bien évident que le côté alternatif présenté ici n’est pas un monopole de la vie religieuse . C’est une exigence de tout chrétien, de toute chrétienne qui s’alimente vraiment à la source évangélique. C’est aussi chemin de vie pour toute femme, tout homme qu’il soit croyant ou non.
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