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19 avril 2012 4 19 /04 /avril /2012 13:32

Au Centre spirituel du Cénacle

68 avenue de Paris 78000 Versailles

 

QUAND S'OUVRE l'OREILLE
Un parcours humain et spirituel
du mardi 10 juillet (19h) au lundi 16 juillet (9h)

Animé par
Monsieur Michel Corsi et Soeur Vanessa Micoulaud
contact et inscriptions : cenacle.versailles@wanadoo.fr

Travail de la voix parlée et chantée pour une libération du geste vocal de chacun.

*Repérer les sensations produites en nous.

*Se rendre disponibles à une écoute pleine, sereine et fructueuse des textes de l’Ecriture.

*S’initier à la prière et aux éléments de vie spirituelle selon la pédagogie ignatienne

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18 avril 2012 3 18 /04 /avril /2012 21:04

La 2ème partie de cette étude de l’encyclique Mulieris dignitatem va mettre en valeur les heureuses ruptures avec la pensée classique. Pour mieux comprendre la profondeur de la rupture, j’exposerai la pensée qui était en vigueur encore très récemment.  D’abord dans des anciens textes du Droit canon, ensuite chez St Augustin.

 

 

2ème partie : Rupture et continuité de cette lettre encyclique avec la pensée classique.

 

J’appelle « pensée classique » ce qui a été pensé jusqu’à un passé récent dans le discours catholique romain. Mulieris dignitatem sur certains points est en rupture avec cette pensée. Sur d’autres, elle est en continuité.

Les ruptures :

*La première rupture est l’affirmation de la commune théomorphie de la femme et de l’homme.

Une pensée de la différence ne peut donc, de ce fait, mettre en cause une commune humanité théomorphe. 

*La seconde rupture est sa lecture de la Lettre aux Ephésiens qui affirme la soumission réciproque de l’homme et de la femme dans le couple et non la soumission de la femme seule. 

Une pensée de la différence ne peut donc de ce fait, justifier un statut inégalitaire.

*La troisième rupture est la reconnaissance d’une image féminine de Dieu.

Une pensée de la différence ne peut donc de ce fait exclure le féminin pour représenter le divin.

La continuité :

Mais conjointement à cette triple rupture existe dans cette lettre deux continuités avec la pensée classique.

*Tout d’abord la lettre encyclique justifie la posture féminine de l’Eglise par le caractère sponsal de la relation du Christ à l’Eglise, et met symboliquement les femmes uniquement du côté de l’Eglise, épouse réceptrice.

*Ensuite  la typologie Eve/Marie face à la typologie Adam/Christ  oublie de mettre les femmes dans la christotypie.

 

A : Rupture : la théomorphie au chapitre 3

Le chapitre 3 de cette lettre qui a pour titre « Image et ressemblance de Dieu » est une affirmation très forte de la dignité égale de l’homme et de la femme car tous deux sont créés à l’image de Dieu. Cette théomorphie est fondée sur le premier récit de la création dans le livre de la Genèse. Mais il n’est pas dit (et donc a fortiori regretté) que ce discours n’a pas été constant dans la réflexion chrétienne. La lettre donne l’impression que ce  discours a été le même depuis le début du christianisme jusqu’à maintenant. Or il n’en est rien. Le reconnaître et le regretter aurait été une bonne manière de prendre acte qu’un certain discours ecclésial a pu donner des arguments religieux légitimant la « valence différentielle des sexes »( « Valence différentielle des sexes » est un concept de F.HERITIER dans Masculin/Féminin,I et II, La pensée de la différence, Odile Jacob 1996 et Dissoudre la hiérarchie, 2002).

Passer sous silence la nouveauté de cet enseignement  empêche de voir la rupture, donc de reconnaître les erreurs du passé et de faire acte de repentance à son juste niveau.

C’est pourquoi, et pour vraiment saisir la nouveauté contenue dans cette lettre encyclique, il convient donc d’abord de rappeler quel pouvait être le discours avant le Concile Vatican II. Ce sera l’objet de la première étape. Cela permettra dans la deuxième étape de mieux saisir la rupture que représente ce chapitre 3 de la lettre encyclique. 

 

                            I : Pensée classique avant le Concile Vatican II

Commençons par des documents de Droit Canon.( I.RAMING, La situation inférieure de la femme dans le Droit canonique, Concilium 111, 1976, P63 à 72) Celui qui est en vigueur actuellement date de 1983. Il a remplacé celui de 1917 qui lui-même avait remplacé le Corpus Iuris Canonici établi sous le pape Grégoire XIII en 1582. Ce corpus dans sa première partie reprenant le travail de Gratien (1140) appelé décret de Gratien qui est une compilation de textes établie par un juriste romain au 4ème siècle (la 2ème partie est constituée par les décrétales de Grégoire IX (1234)). Par une fausse attribution à Augustin et à Ambroise ces textes ont profité du prestige de ces deux Pères de l’Eglise. Que trouvons-nous dans ces textes ? La femme n’était pas considérée comme image de Dieu dans l’ordre de la création. Adam représentait le premier homme exemplaire. Eve était vue comme secondaire parce que dérivée. Le couple originel était le prototype de tous ceux à venir, chaque « vir » héritant de la primauté d’Adam et chaque « mulier » de la dépendance d’Eve. « Caput mulieris vir » : la prééminence de l’homme sur la femme était justifiée par sa création en second de la côte d’Adam. Ils avaient en commun une même substance mais hiérarchisée car le privilège de l’image n’appartenant qu’à l’homme.

« … qu’elle soit image de Dieu, ce qui est absurde. De quelle façon en effet peut-il être dit de la femme qu’elle est image de Dieu, elle qu’on constate soumise à la domination de l’homme et n’avoir nulle autorité ? En effet elle ne peut ni enseigner, ni être témoin, ni dire la foi, ni juger et encore moins commander ! » ( CSEL 50, 83)

« L’homme en effet a été fait à l’image de Dieu, et non la femme » ( CSEL 81, II, 121)

Le voile de la femme était considéré comme signe de sa subordination en tant que non-théomorphe. « C’est pourquoi la femme doit se voiler la tête parce qu’elle n’est pas image de Dieu et doit se montrer soumise »( CSEL 81, II, 121)

Ces textes posent toutefois la question de leur conciliation avec Ga 3/28(« Baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ : il n’y a ni juif, ni grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme, car tous vous ne faites plus qu’un dans le Christ » Traduction de la Bible de Jérusalem). Pour cela, ils font  appel à la distinction entre l’ordre de la création et l’ordre du salut. Dans l’ordre du salut évoqué par ce verset de la lettre aux Galates, il y aurait équivalence de l’homme et de la femme mais non dans l'ordre de la création. Il y aurait donc deux sortes d’images : celle de la création attribuée exclusivement à l’homme, l'autre, celle du salut, accordée également à la femme.  

« Autre, cependant, est cette image que l’on dit être créée dans la connaissance du Sauveur et autre est l’image selon laquelle a été faite le premier humain. La première image est aussi dans la femme, puisqu’elle connaît celui qui l’a créé et, obéissant à sa volonté, elle s’abstient d’une vie honteuse et d’une activité mauvaise; mais la deuxième image, celle de la création, est dans l’homme seulement.…ainsi, si la femme ne se voilait pas la tête, elle serait elle-même image de Dieu, mais il serait incongru que celle qui a été faite soumise à l’homme soit dite image de Dieu »( CSEL 81, III, 197)

Ce qui donne en conclusion dans le décret de Gratien :

« Comme le dit Augustin : la ressemblance de l’homme à Dieu se trouve en ce qu’il fut créé comme le seul être dont tous les autres sont sortis, et qu’il possède, en quelque sorte, la domination de Dieu en tant que son représentant, puisqu’il porte en lui l’image du seul Dieu. Ainsi la femme n’est pas créée à l’image de Dieu. C’est pourquoi l’Ecriture dit : Dieu créa le mâle, à l’image de Dieu il le créa. C’est pourquoi l’apôtre dit aussi : l’homme ne doit pas se couvrir la tête car il est l’image et le reflet de Dieu, mais la femme doit se couvrir la tête car elle n’est ni le reflet ni l’image de Dieu »( Même référence)

On peut noter que l’auteur pour dénier à la femme d’être image de Dieu, s’appuie sur Gn 1 en traduisant par  vir au lieu de homo.  C’est d’abord une faute de traduction, c’est ensuite une manière d’interpréter Gn 1 à la lumière de Gn 2-3.

 

Dans les textes authentiques d'Augustin, on constate une tentative d'inclure le féminin dans la théomorphie. Selon Kari Borensen(K.BORENSEN, Imago Dei, privilège masculin ? Interprétation augustinienne et pseudo-augustinienne de Gn1/27 et 1 Co11/7, Augustinianum 25 (1985) p 213 à 234)  il est le premier à vouloir explicitement concilier des éléments scripturaires en apparence contradictoires.( Clément d’Alexandrie avait lui aussi inclus le féminin dans la théomorphie en mettant l'image dans l'âme rationnelle. Les femmes  sont images de Dieu dans leur âme malgré leur féminité inférieure. Le Pédagogue livre 1, Cerf, 1983, Sources Chrétiennes 70,10  )Comment concilier Gn 1/27 qui déclare l'humain masculin et féminin, image de Dieu  et 1Co11 /7 interprété comme une négation explicite de l’image divine chez la femme ? La réponse se trouve à plusieurs endroits dans son œuvre et peut se résumer en une distinction entre l’esprit qui est théomorphe et le corps qui est sexué. « La femme en tant qu’elle était aussi créature humaine (femina homo erat) avait une âme, une âme raisonnable, selon laquelle elle était, elle aussi, à l’image de Dieu »( AUGUSTIN, De Genesi ad  litteram III, 22; CSEL 28, II, 88-90; BA 48,266-9 )Cependant, au niveau corporel, pour Augustin, le corps mâle, seul, symbolise la partie théomorphe de l’âme humaine (qui se trouve également chez l’homme et  la femme) tandis que le corps féminin, considéré comme inférieur, symbolise la partie qui n’est pas à l’image de Dieu. (Déjà cité )

Il suggère aussi une autre explication à la non attribution de l’image divine de 1Co 11/7 :

« Avant la chute, la femme de moindre intelligence, vivait selon le sens charnel, n’avait pas encore reçu le privilège de l’image; elle aurait pu la recevoir peu à peu sous la conduite et par l’enseignement de l’homme » (AUGUSTIN, De Genesi ad  litteram XI,42; CSEL 28,I,376-7; BA 49,322-5)

Mais c'est dans le De Trinitatae XII, VII, 10 qu'il pose une affirmation forte de la femme image de Dieu avec, cependant, une différence importante:

« D’après la Genèse, c’est la nature humaine en tant que telle qui été faite à l’image de Dieu, nature qui existe en l’un et l’autre sexes et qui ne permet pas de mettre la femme à part, quand il s’agit de comprendre ce qu’est l’image de Dieu…Comment dès lors l’apôtre peut-il dire que l’homme est l’image de Dieu et qu’à ce titre il ne doit pas se voiler la tête, mais que la femme ne l’est pas et doit par conséquent voiler la sienne ? La raison, à mon sens, est celle que j’ai déjà apportée, lorsque j’ai traité de la nature humaine : la femme avec son mari est image de Dieu, de sorte que la totalité de cette substance humaine forme une seule image ; mais lorsqu’elle est considérée comme l’auxiliaire de l’homme -ce qui n’appartient qu’à elle seule- elle n’est pas image de Dieu ; par contre l’homme, en ce qu’il n’appartient qu’à lui, est image de Dieu, image aussi parfaite, aussi entière, que lorsque la femme lui est associée pour ne faire qu’un avec lui»( De Trinitate XII, 7,10 ; CCl 50,364-5; BA 16,229-31)

Pour Augustin donc, associée à l'homme, la femme est image de Dieu, mais  l'homme n'a pas besoin de la femme pour l'être, il l'est en lui-même, image parfaite, entière. La raison de la non-théomorphie de la femme sans l'homme, selon Augustin, ce serait donc son statut d'auxiliaire.

 

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16 avril 2012 1 16 /04 /avril /2012 20:57

92px-Brooklyn Museum - Interview between Jesus and Nicodemu

Entretien de Jésus et de  Nicodème, Aquarelle sur mine de plomb de JJ Tissot (1836-1902) , 23,2 x 17,8 . Brooklyn Museum.

Dans l’Evangile de Jean au chapitre 3 verset 1 à 8

 [1] Or il y avait parmi les Pharisiens un homme du nom de Nicodème, un notable des Juifs.

[2] Il vint de nuit trouver Jésus et lui dit : "Rabbi, nous le savons, tu viens de la part de Dieu comme un Maître : personne ne peut faire les signes que tu fais, si Dieu n'est pas avec lui."

[3] Jésus lui répondit : "En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d'en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu."

[4] Nicodème lui dit : "Comment un homme peut-il naître, étant vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ?"

[5] Jésus répondit : "En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d'eau et d'Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu.

[6] Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l'Esprit est esprit.

[7] Ne t'étonne pas, si je t'ai dit : Il vous faut naître d'en haut.

[8] Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit."

1ère piste

Se rappeler l’itinéraire spirituel de Nicodème. Il va de la nuit à la lumière. En effet, ici, il se cache pour aller voir Jésus, incapable de faire cette démarche en plein jour. Mais ensuite il prendra une position courageuse devant les grands prêtres en 7/50, et enfin en 19/39 il fera le don de 100 livres de parfum pour la sépulture de Jésus

Et pour nous, qu’en est-il ? Quelle lumière après la nuit avons-nous pu déjà vivre ?

 

2ème piste

Mais ici au chapitre 3, cela commence mal. Nous sommes dans la nuit. La même mention de la nuit qu’on trouve aussi en Jean 19/39 pour la trahison de Judas.

Pourquoi venir de nuit ? Le texte ne le dit pas. Ne projetons pas trop vite une raison, comme la peur de se compromettre pour Jésus. Cela peut-être une raison plus profonde de l’ordre du verset 19 : préférer la nuit à la lumière. La nuit  peut-être ici, c’est de croire qu’on sait, il dit « nous savons ». Prétention à connaître qui est Jésus au lieu de laisser Jésus  se dire lui-même. Il reconnaît bien l’origine divine des actes de Jésus mais cette origine ne porte pas sur sa personne. Il lui fait un compliment qui enferme dans ce qu’il veut qu’il soit : un rabbi comme lui. Une manière de l’annexer à son monde.

Entrons dans une attitude d’accueil, essayons de nous défaire de nos savoirs trop connus pour nous ouvrir à ce que Jésus va nous dire et nous en étonner.

 

3ème piste

Comment Jésus réagit-Il devant quelqu’un qui croit savoir, qui affirme quelque chose de Lui, qui le catalogue et veut l’annexer ?

La réponse de Jésus est étonnante : au lieu de parler de Lui, Jésus renvoie Nicodème à lui-même, Il lui parle d’une naissance d’en haut pour lui, Il lui parle de quelque chose qui est important pour lui, qui l’implique, et qui concerne tout le monde.

Naître d’en haut. Mais qu’est-ce que naître d’en haut ?

Naître pour cet homme, chef des pharisiens, cela résonne comme une régression: lui le maître, redevenir enfant ? Cela implique un renversement de sa position de chef.

Il n’entend pas la parole de Jésus et la transforme.

Au lieu de reprendre l’expression exacte de Jésus, il dit autre chose : naître une 2ème du sein de sa mère, ce qui évidemment est impossible mais ce n’est pas ce que Jésus a dit !

Transformer une parole c’est une manière de se dérober, un refus d’entendre.

Sa mauvaise écoute est signe de sa difficulté à accueillir une liberté identique à celle du vent.

Et moi quelle attitude, me faut-il quitter pour me laisser conduire par la liberté de l’Esprit ?

 

4ème piste

Alors qu’est-ce que « naître d’en haut » ?

Peut-être que la réponse est dans la lettre de Jean où il dit que : « Quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu » 1 Jn 4/7

Naître d’en haut, c’est aimer. Aimer c’est connaître Dieu. Cela ouvre large la porte de la connaissance de Dieu, cela l’ouvre à l’universel au delà des cloisonnements religieux. Cela

fait entrer dans une fraternité, où tout homme, toute femme est fils et fille du Père, frère et sœur de Jésus.

Laisser retentir en moi cet appel à naître d’en haut, de Dieu, donc de naître à l’amour.

 

 

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13 avril 2012 5 13 /04 /avril /2012 22:03

Dans l’Evangile selon Luc au chapitre 24 verset 13 à 32

[13] Et voici que, ce même jour, deux d'entre eux faisaient route vers un village du nom d'Emmaüs, distant de Jérusalem de 60 stades,

[14] et ils conversaient entre eux de tout ce qui était arrivé.

[15] Et il advint, comme ils conversaient et discutaient ensemble, que Jésus en personne s'approcha, et il faisait route avec eux ;

[16] mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.

[17] Il Leur dit : "Quels sont donc ces propos que vous échangez en marchant ?" Et ils s'arrêtèrent, le visage sombre.

[18] Prenant la parole, l'un d'eux, nommé Cléophas, lui dit : "Tu es bien le seul habitant de Jérusalem à ignorer ce qui y est arrivé ces jours-ci" -

[19] "Quoi donc ?" Leur dit-il. Ils lui dirent : "Ce qui concerne Jésus le Nazarénien, qui s'est montré un prophète puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple,

[20] comment nos grands prêtres et nos chefs l'ont livré pour être condamné à mort et l'ont crucifié.

[21] Nous espérions, nous, que c'était lui qui allait délivrer Israël ; mais avec tout cela, voilà le troisième jour depuis que ces choses sont arrivées !

[22] Quelques femmes qui sont des nôtres nous ont, il est vrai, stupéfiés. S'étant rendues de grand matin au tombeau

[23] et n'ayant pas trouvé son corps, elles sont revenues nous dire qu'elles ont même eu la vision d'anges qui le disent vivant.

[24] Quelques-uns des nôtres sont allés au tombeau et ont trouvé les choses tout comme les femmes avaient dit ; mais lui, ils ne l'ont pas vu !"

[25] Alors il leur dit : "O cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu'ont annoncé les Prophètes !

[26] Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ?"

[27] Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Ecritures ce qui le concernait.

[28] Quand ils furent près du village où ils se rendaient, il fit semblant d'aller plus loin.

[29] Mais ils le pressèrent en disant : "Reste avec nous, car le soir tombe et le jour déjà touche à son terme." Il entra donc pour rester avec eux.

[30] Et il advint, comme il était à table avec eux, qu'il prit le pain, dit la bénédiction, puis le rompit et le leur donna.

[31] Leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent... mais il avait disparu de devant eux.

[32] Et ils se dirent l'un à l'autre : "Notre cœur n'était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Ecritures ?"

 

Ce texte nous apprend beaucoup de choses sur Dieu et sur nous-mêmes.

En regardant d’abord Jésus qui prend l’initiative de la rencontre et qui rejoint ces deux personnes sur leur chemin, cela nous permet de prendre conscience que Dieu nous précède.

Bien avant de chercher Dieu, c’est Lui qui nous cherche. Bien avant d’aimer Dieu, c’est Lui qui nous aime et Il nous rejoint au cœur même de notre vie.

Il y a en Dieu un désir de relation, de communication avec nous, un désir d’amour. La foi, c’est prendre conscience de cela. Dieu me cherche, Dieu m’aime, chacun de nous est le désiré du cœur de Dieu, Dieu s’adresse à moi et me propose une relation d’amitié.

Une autre manière de le dire :

Dieu s’est engagé envers nous de manière définitive.

Dieu est définitivement pour nous, de notre côté, à nos côtés.

Il est le compagnon de nos vies, Il marche à nos côtés nous rejoint sur la route de notre vie.

 

En écoutant Jésus qui leur pose une question : «de quoi discutiez-vous en chemin ?» Nous découvrons aussi quelque chose de Dieu.

Dans l’Evangile, Jésus pose beaucoup de questions. Des questions ouvertes… Comme par exemple «Que veux-tu que je fasse pour toi ?»

En Jésus Dieu se révèle « maître en communication. » Il nous révèle un Dieu qui donne la parole, un Dieu qui écoute. La question de Jésus va les faire sortir de leur détresse. Grâce à Lui ils vont pouvoir dire leur espérance déçue, leur découragement, leur révolte aussi, libérer une parole. Ils sont écoutés par Jésus dans ce qui fait leur vie. Du coup ils vont devenir disponibles pour écouter à leur tour une parole révélatrice de sens.

Oui Jésus est vraiment maître ès communication.

A tel point que cet inconnu qu’ils n’ont pas encore reconnu, ils vont l’inviter à rester avec eux, avides de continuer le dialogue.

Ce faisant, Jésus nous révèle un Dieu qui n’exclut personne. Tous sont invités, accueillis, attendus. Il nous prend tels que nous sommes, là où nous en sommes. L’essentiel pour nous, pour que la relation avec Lui soit possible, c’est de désirer avancer avec Lui, c’est d’avoir un désir au cœur de mieux Le connaître, avoir un désir d’amitié.

 

Ce texte peut nous poser enfin une question impertinente (ou pertinente ! ), si nous consentons à penser…

Allons pas à pas :

1-Il nous est donné le nom de l’un des deux disciples : Cléophas.

2-Qui est le deuxième ? Toute l’iconographie nous a montré qu’ils étaient deux hommes. Mais rien ne prouve qu’il en soit ainsi. Ces deux pèlerins pouvaient être un couple, ou un frère et une sœur...

Donc le deuxième était peut-être une femme !

3-Comment reconnaissent-ils Jésus ? A la fraction du pain. Cela veut donc dire qu’ils étaient au dernier repas de Jésus, à la Cène.

4- Cela veut donc dire qu’à la Cène, il n’y avait pas que les 12 apôtres. Ils y avaient des disciples, comme Cléophas, des disciples, hommes et femmes.

5-Tous et toutes ont entendu ces paroles de Jésus : «Faites ceci en mémoire de moi».

6-Je laisse chacun-e tirer les conséquences de cela.

7-Voici ci-dessous une icône contemporaine où visiblement il s’agit d’un homme et d’une femme.

On peut la voir au monastère de Bose en Italie. Elle a été peinte par P.Riccomagno en style éthiopien

Emmaus-copie-1

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10 avril 2012 2 10 /04 /avril /2012 23:27

Les sœurs du Cénacle sont présentes à Madagascar depuis plus de 50 ans. Actuellement elles sont une centaine réparties en une dizaine de communautés.

Voici le témoignage de Sr Arline. Elle nous raconte la célébration d’entrée en « 3ème an ».  Dans le cursus de formation des Sœurs du Cénacle, le 3ème an est la dernière étape avant l’engagement définitif.

 

J’aimerais partager avec vous mon expérience dans cette nouvelle étape de vie religieuse qu’on appelle 3ème An et qui prépare à l’engagement définitif.

Cette parole du Christ « Avance au large » anime ma vie depuis quelques années, et me pousse aujourd’hui à avancer, à aller en profondeur avec audace, car la vie nous réserve parfois bien des surprises !

La veille du 3 Mars dernier, j’ai pris un temps fort de prière pour relire ma vie : convaincue de ma redécouverte de cette Parole du Christ, j’ai senti que suivre le Christ n’est pas mon affaire personnelle mais une invitation à m’engager sérieusement dans la vie de l’Eglise et dans la vie de la Congrégation.

Pendant ce temps fort de prière, j’ai demandé à Dieu la grâce de fortifier en moi cette décision de risquer ma vie aujourd’hui, à suivre le Christ  pour toujours.

J’apprécie beaucoup l’importance et le sérieux de la formation à cette nouvelle étape. 

Le samedi 3 Mars 2012 était l’ouverture de la préparation, une belle cérémonie au cours de la Messe présidée par le Père Recteur du Petit Séminaire près de chez nous avec la communauté du Juvénat. La Sœur déléguée de la Province a dit un mot d’accueil en ouverture  soulignant l’importance et les caractéristiques de cette formation spéciale. Elle a ensuite présenté les 2 responsables de la formation qui dure 6 mois. Ces dernières ont exprimé chacune brièvement leur disponibilité à la confiance que la Congrégation fait à chacune d’elles.

Ensuite, ce qui m’a beaucoup interpelée dans cette cérémonie, c’est la signification du symbole de la bougie allumée tenue  par la première responsable de formation et qui m’a été  offerte en me disant : «  Aujourd’hui, et durant cette formation spéciale et tout au long de ta vie, que Dieu te comble de Sa grâce et de Sa lumière pour que tu sois  porteuse de lumière à tes sœurs  de la Congrégation et à tous ceux que tu rencontreras dans la vie ». Ensuite j’ai été invitée à distribuer aux sœurs présentes, des bougies  que j’ai allumées  avec la mienne.

En me tournant vers mes sœurs et exprimant ma devise « Avance au large », je partageais  ce que je ressentais en moi : ce jaillissement de disponibilité, de  joie, la formation offerte par la Congrégation, la grandeur de la mission du Cénacle « Faire naître de la vie dans ce monde où nous vivons ». Je me sens si petite  face à cela mais avec le Christ,  à qui j’ai donné ma parole,  j’avance au large, et je peux tout, comme dit Saint Paul dans une de ses épîtres.

Ce temps de formation est pour moi un temps d’expériences, comme une « école du cœur » pour se convertir, se renouveler, et grandir en Celui qui m’appelle sans cesse  à « avancer au large » et en profondeur. C’est encore un temps de grâce, de gratuité, de découverte,  mais aussi un temps de recherche personnelle, d’approfondissement et d’assimilation de tout ce que j’ai déjà acquis.

C’est aussi le temps d’un regard nouveau sur l’identité de la Congrégation et sur la vie fraternelle, avec l’aide de la responsable de formation notamment dans l’accompagnement.

Je peux dire que ma vision sur l’avenir me porte davantage  à « avancer au large » dans l’espérance.

                                          Arline Perle, Sœur du Cénacle malgache

 

 

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8 avril 2012 7 08 /04 /avril /2012 21:47

Icone des femmes myrophores

Dans l’Evangile de Matthieu au chapitre 28 verset 1 à 10

 

 [1] Après le jour du sabbat, comme le premier jour de la semaine commençait à poindre, Marie de Magdala et l'autre Marie vinrent visiter le sépulcre.

[2] Et voilà qu'il se fit un grand tremblement de terre : l'Ange du Seigneur descendit du ciel et vint rouler la pierre, sur laquelle il s'assit.

[3] Il avait l'aspect de l'éclair, et sa robe était blanche comme neige.

[4] A sa vue, les gardes tressaillirent d'effroi et devinrent comme morts.

[5] Mais l'ange prit la parole et dit aux femmes : "Ne craignez point, vous : je sais bien que vous cherchez Jésus, le Crucifié.

[6] Il n'est pas ici, car il est ressuscité comme il l'avait dit. Venez voir le lieu où il gisait,

[7] et vite allez dire à ses disciples : Il est ressuscité d'entre les morts, et voilà qu'il vous précède en Galilée ; c'est là que vous le verrez. Voilà, je vous l'ai dit."

[8] Quittant vite le tombeau, tout émues et pleines de joie, elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.

[9] Et voici que Jésus vint à leur rencontre : "Je vous salue", dit-il. Et elles de s'approcher et d'étreindre ses pieds en se prosternant devant lui.

[10] Alors Jésus leur dit : "Ne craignez point ; allez annoncer à mes frères qu'ils doivent partir pour la Galilée, et là ils me verront."

 

1ère piste : Regarder ces deux femmes unies dans la douleur.

Celui qu’elles aiment est mort. Celui qui savait aimer comme personne n’a jamais aimé, n’est plus. Celui en qui elles avaient mis tant d’espoir de libération est dans un tombeau.

Les rejoindre dans ce lieu là et aller avec elles à ce tombeau en osant parler à Dieu de ce qui dans ma vie est de l’ordre de la tristesse, du découragement etc…

 

2ème piste : Regarder l’ange qui roule la pierre et s’assoit dessus.

Le tombeau n’est plus fermé, il s’ouvre à la lumière du jour, signe déjà que de l’inouï peut survenir.

Dans ma vie, quels ont été ces signes avant-coureurs de changement de nuit en lumière ? Dans ma vie d’aujourd’hui, quels signes de lumière je peux remarquer pour m’en réjouir avec Dieu ?

 

3ème piste : Entendre le discours de l’ange.

Il nous dit de ne pas craindre. Il reconnaît en nous ce qui habite notre cœur, la recherche du Christ. Il annonce la vie plus forte que la mort. Il indique où trouver Jésus : en Galilée, là où Il nous précède.

Laisser retentir chacune de ces paroles, les laisser descendre en moi. Quelle est la Galilée où dans ma vie Jésus me précède et où Il m’attend pour Le rencontrer ?

En Galilée seulement ? Non, pas seulement, car dès maintenant aussi, dans l’obéissance à la mission reçue, ces femmes Le rencontrent. Aimer Jésus, c’est faire ce qu’Il dit. On peut donc Le trouver en toutes les activités faites pour Lui, selon Son esprit, en cohérence avec Son royaume.

 

4ème piste : Entendre Sa parole : « Je vous salue »

La même que celle adressée à Marie à l’Annonciation. Parole pour une autre naissance, celle de Dieu au plus profond de nous. Je vous salue est un mot intraduisible en français, il dit à la fois salut, joie et grâce.

En le disant à ces femmes, c’est à chacun-e de nous qu’Il le dit. Pour quelle naissance en nous ?

 

 

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3 avril 2012 2 03 /04 /avril /2012 23:47

Jusqu'à maintenant, dans ce blog, et cette "boîte à outils" pour méditer, il a été question de lectio divina ( au sens de lecture attentive et savoureuse de la parole de Dieu) à la manière ignatienne. Avec ce 12ème numéro, voici la manière monastique de méditer. A y regarder de près, on se rend compte de fortes ressemblance. Le déroulement est différent mais les attitudes de fond sont identiques. La manière dont je la présente, dont je l'ai recueilli, est  également être marquée par l'expérience qui est la mienne et par les enseignements reçus. 


Cette manière de prier a été codifiée par un chartreux : Guigues au 12ème siècle

 Elle commence par une demande : prier l’Esprit Saint. Lui demander d’avoir  soif de cette parole de Dieu. Qu’il ouvre les yeux du cœur

Une grâce de lumière. La grâce d’un cœur qui écoute.

 

La première étape est la Lectio 

Cela commence par une simple lecture qui peut prendre plusieurs formes. Il s’agit de faire entrer le texte dans  notre esprit.

On  lit le texte plusieurs fois. On peut le faire à voix haute. Le lire dans plusieurs traductions. Le chanter. Le copier. L’apprendre par cœur

Se le raconter avec ses propres mots.

Le relire et voir ce que j’ai oublié ou si j’ai ajouté quelque chose.

Si c’est l’Evangile, voir le même texte en parallèle chez les autres évangélistes.

Trouver tous les moyens possibles pour « manger » cette parole, pour l’écouter.

 

La deuxième étape est la Meditatio :

Après avoir mangé cette parole, il s’agit de la ruminer.

Mettre en œuvre son intelligence. Comment ?

Prendre une Bible où il y a des notes en bas de page, et des références dans les marges. Lire les notes et aller lire  les textes qui sont dans les marges.

Faire 2 colonnes.

Quel visage de Dieu ce texte me donne-t-il ?

Quel visage de l’humain ?

Cette rumination peut conduire à l’actualisation : le sens existentiel pour moi. A l’exemple de Marie qui « qui conserve toutes ces choses en son cœur » Lc2/19.

Laisser s’imposer à moi un ou deux versets.

Les laisser me pénétrer. Me laisser aimer par eux.

 

La 3ème étape est l'Oratio :

Parler à Dieu à partir de ce texte, comme Marie qui parle à Dieu avec son Magnificat.

Lui parler avec nos mots à nous. Répandre son cœur devant Lui (Lm 2/19)

Dire sa joie, son émerveillement, son désir, sa louange, son action de grâce, un merci, une demande, une supplication, sa confiance, un regret, bénir Dieu.

Il s’agit de répondre à Dieu après l’avoir écouté.

 

La 4ème étape est la Contemplatio :

Cette 4ème étape n’est pas forcément atteinte, elle est pure grâce de Dieu. Elle s’apparente à ce que la tradition carmélitaine appelle l’oraison de simple présence.

Je suis là devant Dieu, heureux-se d’être là, sans mot.

Adhésion tranquille à cette parole.

 

 

 

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1 avril 2012 7 01 /04 /avril /2012 11:04

Voici la suite et la fin de la première partie de l’analyse de l’encyclique Mulieris Dignitatem ( abrégé en MD suivi du numéro quand je fais une citation)

La suite des articles montrera comment cette pensée par certains côtés est en heureuse rupture avec la pensée classique et en quoi, malheureusement, elle est en continuité.

 

5-Eve et Marie

Dans le chapitre IV qui a pour titre Eve et Marie, ce passage de la Première lettre à Timothée  est curieusement cité à la fois pour dire qu’il y aurait une répartition des rôles dans la description du premier péché ( donc accréditant une part d’initiative malheureuse d’Eve) et pour dire que c’est le péché de l’être humain homme et femme. Ce faisant, il est  passé sous silence que cette répartition des rôles décrite dans Gn 3/1-5 et reprise en Tm 2/12-13, a été utilisée pour justifier le silence des femmes et leur interdiction d’enseigner.

La lettre encyclique d’ailleurs semble accréditer cette part particulière de responsabilité d’Eve en la mettant dans le titre du chapitre IV qui aborde  le mystère du péché et ses conséquences. Le texte cite Gn 3/16 où Dieu dit à la femme les souffrances de l’enfantement, la convoitise envers le mari et la domination de celui-ci sur elle. Dans le texte biblique, ces paroles sont attribuées à Dieu. Mais de quel ordre sont-elles ? Serait-ce un jugement qui prescrit la peine due au péché ? Dans ce cas, elles seraient légitimes et elles devraient peser sur les femmes jusqu’à la Parousie, justifiant la domination masculine comme conséquence d’un jugement de Dieu. Ou au contraire seraient-elles un constat de la situation de désordre produite par la convoitise et que Dieu ne peut que constater et déplorer ? (MD 9)  Dans ce dernier cas , il est légitime de  combattre  ces souffrances comme une forme d’injustice.

Curieusement le texte dissocie ces trois éléments sans donner de raison : la souffrance de l’enfantement est qualifiée de « peine » due au péché(Faudrait-il comprendre alors , que l’accouchement doit rester une souffrance pour les femmes, comme marque de cette punition due au péché ?), tandis que la convoitise et la domination sont décrites comme conséquences de la rupture de l’harmonie initiale. Il y a perte « de stabilité de l’égalité fondamentale que possèdent l’homme et la femme dans l’unité des deux » (MD 10)

Mais cette perte de l’égalité se fait au détriment de la femme. Pouquoi ? Le texte ne le dit pas. Si l’on interprète Gn 3/16 comme la peine que Dieu inflige à Eve pour sa désobéissance, cela se comprend. Si on l’interprète comme une conséquence du désordre introduit par le péché, cela ne permet pas de comprendre pourquoi cela se fait « surtout au détriment de la femme »( MD 10).

 

Ce paragraphe 10 comporte pourtant des paroles fortes sur la discrimination dont souffrent les femmes, sur la nécesité de la conversion et sur la force de la révélation de la commune image de Dieu de l’homme et de la femme pour combattre ces injustices. Ce combat fait partie intégrante du « vaste contexte des droits de la personne humaine »( MD  10).

Cependant, dans la pensée de l’auteur de l’encyclique,  cette opposition légitime ne doit pas conduire à nier les différences entre ce qui est masculin et féminin. Comment ces différences sont-elles exprimées ? Il s’agirait de caractéristiques, d’originalité, de richesses, de ressources qui sont propres à l’un et à l’autre.  L’épanouissement, la dignité et la vocation de l’un et de l’autre devrait tenir compte de ces caractéristiques propres. Dans le cas de la femme, ne pas tenir compte de cela conduirait à une « masculinisation », à une appropriation des caractéristiques masculines.

Nous avons dans ce paragraphe un positionnement majeur de cette lettre encyclique. Elle pose la différence sexuelle comme un critère discriminant de vocation. Dans une commune humanité, l’homme et la femme auraient des vocations différentes. Mais quelles sont ces caractéristiques que la femme ne devrait pas « s’approprier » ? Pourquoi ce désir d’appropriation n’ a-t-il pas d’équivalent chez les hommes ? (et qui serait le désir de l’homme de s’approprier les caractéristiques féminines). Quelles vocations sont interdites aux femmes car préjudiciables à leur féminité ? Le texte à cet endroit ne le dit pas précisement .( En se limitant à la situation française, peut-on dire que l’accès de femmes à presque tous les postes autrefois réservés aux hommes est une appropriation de caractéristiques masculines ? Il faut se rappeler que l’argument récurrent des opposants à l’élargissement des droits des femmes a souvent été que cela les masculiniserait. Si elles avaient le droit de voter, cela leur ferait perdre leur féminité, si elles devenaient médecin, etc) Plus haut, j’ai déjà repéré des éléments de réponse : la spécificité de la féminité se trouverait dans la maternité. Plus loin, nous trouverons un autre élément qui est l’impossibilité de la vocation presbytérale.

Toujours dans ce chapitre 4 la réflexion se tourne à nouveau vers Marie et amorce l’analogie qui va servir à distinguer ce qui relève du féminin et du masculin dans le mystère du salut, comme justication d’une différenciation.

La lettre encyclique cite le protévangile : « Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le tien. Il t’écrasera la tête et tu l’atteindras au talon ». Ce verset a été interprété par la tradition (Le texte donné en note par exemple : IRENEE de LYON, Adversus Haereses, III, 23, 7 ) comme l’annonce de la rédemption et compris cette fois-ci de manière positive pour Eve comme ancêtre du Christ et Marie comme mère du Christ. Elles deux, figures de femmes « se rejoignent sous le nom de la femme »( MD 11) Ainsi ces paroles du protévangile relues à la lumière du Nouveau Testament exprimeraient la mission de la femme. La lettre encyclique a conscience de la nouveauté de sa lecture concernant la comparaison Eve-Marie en ne mettant pas ici Eve du côté du péché. (Comme exemple de l’opposition Eve-Marie, voir le texte cite JUSTIN, Dialogue avec Tryphon, 100). Il valorise au contraire leur ressemblance. Eve, mère de tous les vivants (Gn3/20), témoin du commencement et Marie, témoin du nouveau commencement. Le protévangile, mettant  en relief la femme au commencement, permet de comprendre qu’en Marie, il y a le nouveau commencement de l’alliance nouvelle et définitive de  Dieu avec l’humanité. Ceci constitue la « nouveauté absolue de l’Evangile» ( MD 11). Dans l’Ancien Testament, seuls des hommes étaient témoins de l’alliance avec Dieu. Ici c’est une femme, Marie. C’est le signe qu’en Jésus-Christ, « il n’y a plus ni homme ni femme » citant Ga3/28.

Cependant cette comparaison entre Eve et Marie se comprend  dans le sens où Marie « assume en elle-même et fait sien le mystère de la femme dont le commencement est Eve, la mère des vivants » (MD11) La signification de l’analogie Eve-Marie, serait de retrouver en Marie la femme telle que Dieu l’a voulue dans la création, « dans la pensée éternelle de Dieu » (MD 11). Marie est donc le nouveau commencement de la dignité et de la vocation de la femme, de toutes les femmes et de chacune d’entre elles.

Nous avons ici encore la thèse principale de cette lettre qui est la mariotypie : Marie comme modèle pour les femmes. Quand Marie dans son Magnificat dit que Dieu a fait de grandes choses en elle, cela ne concernerait pas uniquement la conception du Christ mais cela concernerait aussi la découverte de la richesse de la féminité, «  de l’originalité éternelle de la femme telle que Dieu l’a voulue ».

 

6-Le comportement du Christ à l’égard des femmes de son temps

Ce chapitre V met bien en évidence le comportement de Jésus vis-à-vis des femmes de son temps, comportement différent de celui de ses contemporains. La lettre encyclique reconnaît que la société où Jésus vivait avait une tradition discriminatoire à l’égard des femmes, tradition où l’homme dominait. Cette discrimination est reconnue comme péché. Si Jésus s’y oppose, c’est qu’il est « Témoin du dessein éternel de Dieu sur l’être humain » (MD 12). Ce chapitre est un vaste panorama des rencontres de Jésus avec des femmes qui va toujours dans le sens de leur dignité. Mais à  l’intérieur de  cette description, il y a des prises de position à nouveau sur le spécifique féminin lié au mariage et à la maternité. Le texte parle de « sa disponibilité à l’accueil de la vie inscrite dans son éthos dès le commencement » (MD 14)  La manière d’interpréter l’Evangile de la femme adultère est intéressante à ce niveau. En sauvant la vie de cette femme, le texte met le Christ en position d’Adam à qui la femme fut confiée « dans sa différence féminine et sa capacité d’être mère » (MD14) Ce qui permet à nouveau de parler de la femme en contexte conjugal. En évoquant la cananéenne, il est noté que les femmes comprennent le Christ «  dans une réceptivité de l’esprit et du cœur » (MD15) et d’une manière générale la femme a montré vis-à-vis du Christ, « une sensibilité qui correspond à l’une des caractéristiques de sa féminité ».

En ce qui concerne la transmission par le Christ de la vérité divine aux femmes, il est bien signalé qu’elle s’est faite sur un pied d’égalité avec les hommes. Il est donc noté que l’attitude de Jésus confirme l’égalité de l’homme et de la femme, une parité fondée sur la création à l’image de Dieu. Tous les deux sont susceptibles de bénéficier de la vérité divine sans restriction du fait d’être homme ou femme. Mais on peut remarquer que la parité se situe au niveau de la réception du message de son accueil. L’est-il au  niveau actif de son annonce ? Le texte y fait seulement mention de manière discrète.

 

7-La personnalité de la femme se réalise en étant épouse et mère

A nouveau Marie est présentée aux femmes comme modèle puisqu’en elles coexistent la maternité et la virginité qui seraient les deux voies de la vocation de la femme. Le rôle de la femme serait de s’ouvrir à l’enfant à naître. L’enfant est le fruit de l’union nuptiale dans lequel la femme réalise « un don de soi » (MD18) spécial. C’est dans la conception et l’enfantement que la femme « se trouve » (MD 18) . Pour l’encyclique, la capacité de la femme à la maternité n’est pas seulement un élément  biophysiologique, «  La maternité est liée à la structure personnelle de l’être féminin et à la disposition personnelle du don » (MD 18). Pour fonder cela, le texte utilise la parole de Marie à l’annonciation : « Qu’il m’advienne selon ta parole » (Lc 1/38). Ces paroles signifieraient la disponibilité de la femme au don de soi et à l’accueil de la vie nouvelle. Mais n’est-ce  pas réduire le sens du texte à la maternité au détriment de l’attitude fondamentale de foi requise pour tous et toutes ? N’est-ce pas réduire à la maternité ce qui relève uniquement d’un acquiescement au mystère du salut ?

La maternité est présentée comme un rôle particulier et le plus exigeant parce qu’être parent concernerait plus particulièrement la femme. La maternité en créant un contact particulier avec l’enfant à naître créerait  en elle une manière d’être particulière, elle développerait en elle une plus grande attention à la personne humaine concrète. Le rôle de la mère dans l’éducation serait donc plus décisif que celui du père, la mère ayant une priorité spécifique par rapport à l’homme. Vient ensuite une affirmation ambiguë : « La maternité, avant tout dans son sens biophysique dépend de l’homme ». A-t-on ici encore trace de la conception erronée  d’Aristote qui ne voyait le principe actif que dans la semence virile ? La suite du texte semble le confirmer puisque la maternité est qualifiée d’apparente passivité.

Marie est aussi modèle de la virginité consacrée puisqu’elle était « fermement résolue à conserver sa virginité » (MD 20). La virginité est donc aussi vocation de la femme. Une voie où elle peut épanouir sa personnalité de femme, car elle exprime aussi un don désintéressé à Dieu. Comment le comprendre si ce qui fait le propre de sa vocation est d’être épouse et mère ? La lettre encyclique répond en mettant le Christ en position d’époux vis-à-vis de la femme consacrée. Le célibat consacré de la femme est  don au Christ Epoux. « On ne peut comprendre correctement la virginité, la consécration de la femme dans la virginité,  sans faire appel à l’amour sponsal » (MD 20)

La prédisposition innée de la personnalité féminine à la condition d’épouse trouverait ainsi une réponse dans la virginité» (MD 20)  Le point commun de la vocation de la femme serait d’être épousée et d’être mère que ce soit dans le mariage ou la vie consacrée.

 

L’introduction au chapitre 1 semblait s’ouvrir à une dimension historique par la notion de signe des temps. Le dernier chapitre de cette lettre encyclique (MD 31 chapitre VIII)  se termine en affirmant que face à des changements, il faudrait revenir aux fondements qui se trouveraient dans le Christ, aux vérités et aux valeurs immuables dont le Christ serait le témoin. Le Christ est l’époux, l’Eglise est l’épouse. Cette analogie est «  la vérité sur la femme en tant qu’épouse. L’époux est celui qui aime. L’épouse est aimée : elle est celle qui reçoit l’amour pour aimer à son tour » (MD29)  Ceci, pas seulement dans le mariage car il s’agirait d’un universel fondé sur le fait d’être femme. La femme aurait donc reçu mission d’être prophète de cette attitude de réceptivité de l‘amour, « être aimée »,  qui, dans la Vierge Marie trouverait son expression la plus haute.

 

Cette lecture attentive a déjà permis de pointer des éléments importants de cette lettre encyclique et sa manière particulière de penser la différence. Les bouleversements historiques ne pourraient  remettre en cause ce qui est d’un ordre naturel voulu par Dieu. Cette différence est qualifiée et elle déterminerait des vocations différentes selon qu’on est une femme ou un homme. La femme serait du côté de l’accueil du don et non de son initiative. Elle serait fondamentalement épouse et mère que ce soit dans le mariage ou spirituellement dans le célibat consacré. Le paradigme de sa féminité serait la Vierge Marie.

 

La 2ème partie de ce travail va faire un pas de plus dans l’analyse de cette lettre encyclique en montrant de quelle manière elle comporte des éléments de rupture avec la pensée classique et en quoi elle reste en continuité avec elle.

 

 

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 16:16

  

Après l’introduction, voici maintenant le début de la première partie avec les 3 premiers chapitres  de mon travail sur l’encyclique Mulieris dignitatem

 

1ère partie :

Lecture attentive et questionnante de la réponse de Mulieris Dignitatem


Il y a donc émergence d’un nouveau rapport homme-femme,  de domaines nouveaux,  en particulier pour les femmes, où investir leurs capacités créatrices, mais aussi de résistances, tant ces bouleversements contestent des privilèges, des conservatismes sociaux et religieux. Ces bouleversements font bouger les manières de concevoir la différence du féminin et du masculin.  Face à ces bouleversements, quels sont les positionnements du Magistère romain ?   J’ai choisi pour cela d’analyser la lettre encyclique Mulieris dignitatem du pape Jean-Paul II du 15 août 1988.

Dans cette première partie je vais suivre le texte pour en rendre compte le plus fidèlement possible, et pour « dialoguer » avec lui, un dialogue qui ira jusqu’au questionnement, ceci pour le texte lui-même mais aussi pour le choix des citations. 

1-Un signe des temps

La lettre encyclique commence par situer sa réflexion, en phase avec ces bouleversements de la situation des femmes, par le terme de « Signe des temps ». Cette expression avait été utilisée par Jean XXIII dans son encyclique Pacem in terris . Elle fut reprise par le Concile Vatican II dans la Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps, Gaudium et spes.  Mettre cette expression au début de la lettre permettait d’espérer un langage nouveau. En effet pour Jean XXIII, cela signifiait que l’Eglise devait tenir compte, pour annoncer l’Evangile, des changements qui se produisent dans l’histoire de l’humanité et discerner ce qui indique une action de Dieu. Le Concile présentera cette attitude comme un devoir : « L’Eglise a le devoir, à tout moment, de scruter les signes de temps et de les interpréter à la lumière de l’Evangile » (Gaudium et spes, n°4 § 1,) Cette expression permet d’introduire l’histoire dans la réflexion théologique et de recevoir d’elle un enseignement.

Il est intéressant pour notre recherche de remarquer les passages de la Constitution Gaudium et spes auxquels nous sommes renvoyés dans la lettre.  Il s’agit des numéros 8,9 et 60 de cette Constitution. Le numéro 8 évoque les déséquilibres du monde moderne (donc du côté critique des évolutions en cours), puis  les tensions au sein de la famille dues aux nouveaux rapports sociaux qui s’établissent entre homme et femme (donc encore du côté problématique de ces bouleversements).  Par contre le numéro 9 évoque comme légitime et universelle, l’aspiration des femmes à la parité de droit et de fait avec les hommes (paragraphe 2). Le chapitre 60 insiste sur le droit à la culture sans distinction « de race, de sexe, de nation, de religion ou de condition sociale » pour que chacun puisse atteindre son plein épanouissement. Il est reconnu que des conditions de vie et de travail de certains peuvent empêcher l’accès à la culture et que le fait d’être une femme est pour beaucoup un obstacle à cet accès. Le Concile, à l’encontre de cette situation, affirme le devoir de tous de reconnaître la participation des femmes à la vie culturelle et de la promouvoir. Ce passage, cependant, n’est pas sans ambiguïté. Cela veut-il dire que le fait que  « les femmes travaillent à présent dans presque tous les domaines d’activité » (Gaudium et spes n° 60 §3) puisse être un obstacle à leur participation à la culture ? Cela ne serait pas cohérent avec l’affirmation que c’est à l’accès aux études supérieures qui permet de travailler dans tous les domaines d’activité, qui permet de pouvoir occuper des fonctions,  jouer un rôle, et rendre des services dans la vie sociale (Gaudium et spes n° 60 §2)  Plus étonnant encore est l’absence du passage le plus fort de Gaudium et spes :

« Toutes formes de discriminations touchant les droits fondamentaux de la personne, qu’elles soient sociales ou culturelles, qu’elles soient fondées sur le sexe, la race, la couleur de la peau, la condition sociale, la langue ou la religion doit être dépassée et éliminée, comme contraire au dessein de Dieu. En vérité, il est affligeant de constater que ces droits fondamentaux de la personne ne sont pas partout garantis. Il en est ainsi lorsque la femme est frustrée de la faculté de choisir librement son mari ou d’élire son état de vie, ou d’accéder à une éducation et une culture semblable à celle que l’on reconnaît à l’homme ». (Gaudium et spes n° 29 §2 )

Par contre  le Concile est cité quand celui-ci parle d’une participation nécessaire des femmes à la vie culturelle mais devant se faire de manière spécifique. Cette idée de spécificité du féminin, nous allons le retrouver partout dans la lettre encyclique. Cela rejoint les débats sur la plus ou moins grande importance qu’on peut accorder à la différenciation des sexes. La lettre se veut une réponse à cette question de la différenciation et en particulier une réponse au synode des évêques demandant qu’en soient approfondis les fondements anthropologiques et théologiques.( SYNODE DES EVEQUES, la vocation et la mission des laïcs dans l’Eglise et dans le monde, vingt ans après le Concile Vatican II, octobre 1987 )  Cette recherche de fondements anthropologiques a, nous le verrons, une visée ecclésiologique : justifier des vocations différentes selon le sexe.

2- L’être humain existe toujours et uniquement comme femme et comme homme

L’expression des signes des temps, nous avait introduits dans l’histoire, la fin du paragraphe 1, nous ramène à l’éternel.

« Il s’agit de comprendre la raison et les conséquences de la décision du Créateur selon laquelle l’être humain existe toujours et uniquement comme femme et comme homme. »( Mulieris dignitatem, chapitre 1 n°1 Dans le cours de ce travail, cette lettre sera désignée par MD) Faire appel à « la décision du Créateur » et au « toujours » de cette condition, nous place d’emblée dans une normativité absolue et éternelle qui ne prête à aucun débat et ne peut souffrir aucun changement. Cette position peut s’appuyer sur le texte de la Genèse qui décrit un acte de Dieu : « Faisons l’humain en notre image, comme notre ressemblance…Et Elohîm créa l’humain, mâle et femelle, il les créa » ( Livre de la Genèse, chapitre 1 versets 26 et 27. Traduction d’A. WENIN, D’Adam à Abraham ou les errances de l’humain, Paris, Cerf, 2007, p 19). De fait, cet exister comme femme ou homme est une réalité qui prête difficilement à contestation (sauf par quelques courants extrémistes Par exemple J.BUTLER, Trouble dans le genre, Pour un féminisme de la subversion,  La Découverte, Paris, 2005). Mais le débat commence quand on cherche les  raisons et conséquences, quand on commence à qualifier cette différence de l’humain, femme et homme et surtout quand on attribue, en raison de cette qualification, des fonctions, des vocations différentes. La lettre encyclique la considère comme vérité éternelle, héritage fondamental, expérience immuable pour chaque être humain. Mais est-ce cette différence ou la manière de la comprendre et de la qualifier qui est vérité éternelle et expérience immuable ?

3-Une différence dans le mystère du Christ et selon le modèle de Marie

Cette différence ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Christ. Le Christ manifeste l’homme (homo) à lui-même (Gaudium et spes n° 22)  et fait entrevoir une place particulière pour la « femme » que fut la Mère du Christ, sur sa dignité et sa vocation. Dès ce paragraphe, sont posés les principes qui vont régir, tout au long  cette lettre encyclique, la qualification de cette différence (tout au moins, explicitement,  du côté du féminin) et qui se poursuit au chapitre II avec ce titre significatif : Femme. Mère de Dieu (théotokos). Parler en premier de Marie c’est délibérément vouloir faire d’elle, un modèle pour la femme. Nous avons là un premier principe épistémologique. Puisque Marie est une femme, elle est modèle de la femme. C’est faire de la sexualité un principe d’identification. Mais est-ce légitime ? Adopter ce principe amène à une double privation. Les hommes (viri) ne pourraient pas s’identifier à Marie, car n’ayant pas son sexe. Les femmes ne pourraient pas s’identifier au Christ, car n’ayant pas son sexe. Le texte évite cet écueil en ce qui concerne les hommes (viri). En effet à de nombreux endroits, le texte fait état de la position mariale des hommes (viri) « L’union particulière de la ‘Theotokos’ avec Dieu…accordée à tout homme (homo) est grâce pure et, comme telle, un don de l’Esprit »( MD 3) . Aux hommes (viri) à la fois la position mariale de l’union à Dieu, en état de réceptivité de par leur être créé (donc identification sans tenir compte du sexe) et aussi l’identification au Christ par leur masculinité (en tenant compte du sexe). Aux femmes uniquement la position mariale :

« La plénitude de grâce accordée à la Vierge de Nazareth en vue de sa qualité de ‘Theotokos’ signifie en même temps la plénitude de la perfection de ‘ce qui caractéristique de la femme, de ‘ce qui est féminin’. Nous nous trouvons ici, en un sens, au point central à l’archétype de la dignité personnelle de la femme » (MD 5).

Le deuxième élément de l’identification concerne  la maternité. La maternité de Marie (Theotokos, Mère de Dieu) définit la femme essentiellement comme mère. La maternité est la manière spécifique de la femme d’habiter cette position mariale :

« La plénitude de grâce accordée à la Vierge de Nazareth en vue de sa qualité de ‘Théotokos’ signifie donc en même temps la plénitude de la perfection de ‘ce qui est caractéristique de la femme’ de ce qui est féminin. Nous nous trouvons ici, en un sens, au point central à l’archétype de la dignité de la femme…  La réalité femme-Mère de Dieu…détermine aussi la perspective essentielle sur la dignité et sur la vocation de la femme »( MD 5)

4- La femme est autant image de Dieu que l’homme

Vient ensuite le chapitre 3 qui a pour titre « Image et ressemblance de Dieu », comme base immuable de toute l’anthropologie chrétienne se fondant sur les premiers chapitres de la Genèse. Je développerai dans la deuxième partie de mon travail la nouveauté qu’apporte ce chapitre. Mais pour l’instant au niveau d’une lecture continue et questionnée de cette lettre, je pointerai seulement quelques éléments. Il y a  une affirmation sans ambiguïté de la commune humanité de l’homme et de la femme « à un degré égal, tous les deux, créés à l’image de Dieu » ( MD 6). Ils sont « personne et cela dans la même mesure pour l’homme et pour la femme ». De ce fait, ils sont, tous les deux, êtres de raison en capacité et vocation à « dominer » le monde. Cette justesse anthropologique peut cependant surprendre. Rationalité et domination (il faudrait plutôt parler aujourd’hui, de gestion respectueuse) ouvre des champs immenses de l’activité humaine : tous les domaines du politique, de l‘économique, du social etc.… où tout homme, toute femme peut s’épanouir au service de ce monde.( Il est intéressant de remarquer que la Tradition a peu ou pas remarqué que cette gestion du monde est vocation pour la femme comme pour l'homme.) Dans le sens des signes des temps du chapitre premier, il aurait été important de reconnaître le bien-fondé du progrès que représente l’accès de femmes à ces domaines de responsabilités. Pourquoi ce silence ? La thèse de la lettre encyclique est de définir la femme comme épouse, mère et vierge. Est-ce là le domaine unique où elle peut exercer la rationalité et la « domination » ?

Ensuite vient une prise de position exégétique que l’on peut interroger. D’abord en affirmant que Gn 2/18-25 aiderait à bien comprendre Gn1/27-28, à comprendre plus profondément la vérité sur l’homme créé à l‘image de Dieu. De plus ces deux récits sont dits non contradictoires. Cette position est problématique. Il serait plus vrai de dire que le premier récit doit corriger ce qui dans le second peut être, et a été, interprétation discriminatoire pour les femmes.  Et reconnaître qu’il a donné l’occasion d’interprétation défavorable aux femmes. Ne pas le dire fait croire que de tout temps l’Eglise a interprété ce 2ème récit comme fondant l’égale image de Dieu pour la femme comme pour l’homme. Nous savons qu’il n’en est rien.  Il n’en est rien d’abord dans le Nouveau Testament lui-même.

En 1Co11/7-8 :

« L'homme, lui, ne doit pas se couvrir la tête, parce qu'il est l'image et le reflet de Dieu; quant à la femme, elle est le reflet de l'homme.Ce n'est pas l'homme en effet qui a été tiré de la femme, mais la femme de l'homme; et ce n'est pas l'homme, bien sûr, qui a été créé pour la femme, mais la femme pour l'homme. »

En 1Tm 2/12-14 :

« Je ne permets pas à la femme d'enseigner ni de faire la loi à l'homme. Qu'elle garde le silence. C'est Adam en effet qui fut formé le premier, Eve ensuite. Et ce n'est pas Adam qui se laissa séduire, mais la femme qui, séduite, se rendit coupable de transgression. »

Il n’en est rien dans  toute la tradition ultérieure qui s’est régulièrement référée à ces citations néotestamentaires et à leurs interprétations comme nous le verrons dans la 2ème partie de ce travail.


 

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27 mars 2012 2 27 /03 /mars /2012 23:28

 

 

Ici commence la publication d’une étude que j’ai faite sur une encyclique du pape Jean-Paul II « Mulieris dignitatem » parue le 15 aout 1988. Cette étude comporte 80 pages. Je vais donc la publier à raison d’article de 3 ou 4 pages. J’espère que cela passionnera au point d’attendre avec impatience les suivants !

Je commence par l’introduction.

 

S'il est un bouleversement majeur intervenu depuis un siècle, en particulier en Occident, c'est bien celui des relations entre femmes et hommes. Ce bouleversement peut, parmi plusieurs aspects, se décrire comme l'émancipation d'une tutelle. Le domaine juridique en France en constitue une bonne illustration. Il faut attendre 1938 pour que soit supprimée la puissance maritale et abrogée l'incapacité civile des femmes; attendre 1965 pour que la femme mariée ne soit plus considérée comme mineure; 1966 pour qu'elle puisse exercer un métier sans avoir besoin de l'autorisation de son mari; attendre 1970 pour que la puissance paternelle soit remplacée par l'autorité parentale et que soit supprimée, dans le couple, la notion de chef de famille. (M. FERRAND, Féminin Masculin, Paris,  Ed. La Découverte 2004 collection repères n°389  page 120-122 ) Ces mesures ont contribué,  peu à peu, en France à sortir d’un système qui a prévalu pendant des siècles et qu’on a coutume de nommer patriarcal.

Mais cette émancipation et cette sortie du patriarcat sont  loin d'être gagnées dans toutes les parties du monde où des femmes continuent de subir violences et injustices, d'abord comme tout être humain, mais plus encore en tant que femmes. (« L’égalité sociale, politique et économique des femmes fait partie intégrante de la réalisation de l’ensemble des objectifs du Millénaire pour le développement. Tant que les femmes et les filles ne sont pas libérées de la pauvreté et de l’injustice, tous nos objectifs – la paix, la sécurité, le développement durable – seront en péril ».

Déclaration du Secrétaire général Ban Ki-moon, le 28 juin 2010, qui introduit le rapport de l’ONU : la justice pour les femmes, la clé pour atteindre les objectifs du millénaire pour le développement. UNIFEM (Fonds de développement des Nations-Unies pour la femme) Sur internet : www.unifem.org/pdfs/MDGBrief-Fra.pdf.) De plus cette émancipation et cette sortie du patriarcat  sont  encore loin d'être acquises  dans tous les domaines, il suffit de citer parmi d'autres aspects, en France, la différence de rémunération, l’inégale répartition du travail matériel dans les familles, les violences conjugales dont majoritairement les femmes sont les victimes.

Une des questions débattues est d'évaluer la part positive du christianisme dans cette émancipation mais aussi sa part de responsabilité dans la légitimation et le maintien de ce patriarcat au cours de l'histoire.

Les raisons de cette hiérarchie dépassent largement la sphère chrétienne et religieuse (F.HERITIER, Masculin Féminin, II, dissoudre la hiérarchie, Paris, Ed. Odile Jacob, 443p ) mais  une certaine manière de traduire et d’interpréter les textes a  légitimé une situation de fait, ceci avec d’autant plus de force qu'elle se réclamait de l’autorité même de Dieu. De ce point de vue, ce travail  se veut une petite contribution à un travail de mémoire, en vue  de continuer à se libérer de pratiques discriminantes. Ceci explique pourquoi on y trouvera des citations importantes de textes qui ont façonné des mentalités et ont justifié des fonctionnements. Ils permettront de mieux saisir le regret que Jean-Paul II exprimait lui-même dans sa lettre aux femmes en juin 1995 :

« Il ne serait certes pas facile de déterminer des responsabilités précises, étant donné le poids des sédimentations culturelles, qui au cours des siècles ont formé les mentalités et les institutions. Mais si, dans ce domaine, on ne peut nier, surtout dans certains contextes historiques, la responsabilité objective de nombreux fils de l’Eglise, je le regrette sincèrement. » (JEAN-PAUL II, Lettre aux femmes, 29 juin 1995) Sans méconnaître l’apport positif  du christianisme (A.M. PELLETIER, Le christianisme et les femmes, 20 siècles d’histoire, Paris, Cerf, 2001,) la préoccupation qui est la mienne est de comprendre en quoi certaines traductions et interprétations de la Bible ont pu contribuer, légitimer et donc renforcer le maintien d'une situation inégalitaire. Et comment, aujourd’hui,  le discours du magistère romain peut-il aider cette émancipation ou la freiner.

C’est pourquoi, j’ai choisi de faire une lecture attentive de la lettre encyclique Mulieris dignitatem. Cette lettre est, à ce jour, un texte qui en la matière possède la plus haute autorité du magistère romain. Comment est pensée la différence homme-femme ? En quoi cette pensée de la différence est-elle au service de la justice, de l’émancipation des femmes de tout ce qui les entrave, en quoi favorise-t-elle leur libération ? En quoi, au contraire, cette pensée peut-elle freiner ce mouvement de justice, d’émancipation, de libération ?

La première partie de ce travail consistera en une lecture attentive chapitre par chapitre de ce document. Elle sera bienveillante pour mettre en lumière tout le positif et la nouveauté qu’elle comporte. Elle sera aussi questionnante, car, pour la femme que je suis, ( et bien sûr, bien au-delà de moi ) cette lettre est insatisfaisante. 

La deuxième partie développera la nouveauté du discours qui, de fait,  est au service d’une libération et qui représente des arguments forts contre toute discrimination. Cette nouveauté en premier lieu porte sur la théomorphie,  (la femme autant « image » de Dieu que l’homme masculin). Et pour faire saisir la nouveauté du discours, il sera nécessaire de faire mémoire de la théologie qui a prévalu avant le concile Vatican II, et pour qui cette théomorphie de la femme était loin d’être évidente.

En second lieu, la nouveauté porte sur l’interprétation du texte de la lettre aux Ephésiens au sujet de la soumission de la femme mariée à son mari. Mulieris dignitatem, en interprétant ce texte comme une soumission réciproque, rompt aussi avec ce qui était jusqu’alors enseigné.

Voici pour le côté positif qui est vraiment au service des femmes du monde entier dans leur combat contre tout ce qui les marginalise et le côté positif d’une pensée de la différence qui est non-discriminante.

Mais dans cette lettre, un autre discours se fait entendre à tel point que je me suis demandé si plusieurs auteurs, ayant des options différentes, se seraient partagé la rédaction de cette lettre.

En effet des pages fortes sur l’égalité dans la différence,  se côtoient avec une pensée de la différence qui réintroduit l’inégalité de deux manières : l’importance accordée à la symbolique de l’Epoux pour dire Dieu, donc de sa caractéristique masculine. La typologie Christ/ Adam qui met le masculin du côté du divin et la typologie Marie/Eve qui met le féminin du côté de la réponse humaine réceptrice.

La troisième partie essaiera après l’analyse des deux premières parties, de synthétiser les grandes lignes de l’anthropologie théologique de cette lettre encyclique pour mieux en comprendre les fondements.

Devant cette pensée particulière de la différence, dans son versant qui continue à véhiculer une inégalité, je me suis demandé à quelle condition un autre langage serait possible. C’est l’objet de la quatrième partie qui porte sur l’interprétation symbolique de la figure d’Adam, sur une autre conception de la révélation, une pensée trinitaire non monarchique, une anthropologie de la différence non-discriminant.

La pensée de la différence homme-femme pout être abordée sous des angles divers, par exemple psychologique, sociologique. J’ai choisi de me limiter à une lettre encyclique, aux textes bibliques et à leurs interprétations. A cause de l’impact qu’ils ont pu avoir et ont encore sur les mentalités et sur les décisions institutionnelles. A cause de l’importance qu’il y a à les interpréter différemment pour ouvrir un avenir meilleur pour les femmes et pour les hommes. La lettre encyclique Mulieris dignitatem m’a paru, de ce point de vue, être un bon lieu pour y déceler à la fois ce qui va dans le sens de l’avenir mais aussi de ce qui reste  un passé qui fige dans un stéréotype.

 

 

 

 

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